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Bakireler Anıtı à Istanbul : un monument oublié de Maltepe refait surface

À Maltepe, un pavillon oublié ressurgit du passé. Autrefois au milieu de la mer, il refait surface après des décennies d’oubli. Voici l’histoire méconnue du Bakireler Anıtı.

Photographie ancienne du Bakireler Anıtı à Maltepe, autrefois érigé au milieu de la merPhotographie ancienne du Bakireler Anıtı à Maltepe, autrefois érigé au milieu de la mer
Le Bakireler Anıtı dans les années 1950, isolé en mer au large de Maltepe.
Écrit par Sarah Goldenberg
Publié le 16 mai 2025, mis à jour le 22 mai 2025

Un pavillon sur la mer : l’étrange histoire du Bakireler Anıtı

 

Il fut un temps où l’on nageait jusqu’à un petit édifice blanc planté au large de Maltepe. On le voyait depuis la plage Süreyya, au bout d’un axe invisible, comme une silhouette posée sur l’eau. Le Bakireler Anıtı, littéralement "le monument des vierges", se dressait seul, face à la rive, accessible uniquement à la nage. Quelques mouvements suffisaient pour en atteindre les colonnes et se hisser sur sa plateforme.

 

Femmes se baignant à Maltepe autour du Bakireler Anıtı dans les années 1950.
Dans les années 1950, on rejoignait le monument à la nage.

 

Construit au début des années 1950 à l’initiative de Süreyya İlmen, ancien officier ottoman et figure culturelle de la République, le monument faisait partie d’un ensemble balnéaire tout juste inauguré. On y venait en train ou en bateau, pour les bains, le café en terrasse et ce pavillon inspiré de l’Antiquité, érigé à quelques mètres du rivage. 

 

Portrait de Süreyya İlmen, initiateur du Bakireler Anıtı à Maltepe.
Süreyya İlmen, initiateur du projet dans les années 1950.

 

Le souvenir qu’il laisse tient à peu de choses : la lumière sur la coupole, les voix des enfants, les marches glissantes. Des images simples, figées dans les mémoires. À mesure que la ville s’est étendue, ce décor n’a pas résisté au passage des années. Le remblai a gagné sur la mer et le Bakireler Anıtı a disparu du paysage.


 

L’urbanisation du littoral : quand la mer recule

 

Dans les années 1970, Istanbul entre dans une phase d’expansion accélérée. La ville s’étire, les quartiers côtiers se densifient, les infrastructures se multiplient. À Maltepe comme ailleurs, le besoin de nouveaux espaces pousse les autorités à remblayer la mer. ​​Ce choix, présenté comme un progrès, modifie profondément les abords maritimes de la ville.

Les anciens bains Süreyya ferment. Le sable est remplacé par des terrains gagnés sur l’eau. Ce qui appartenait au bord de mer devient peu à peu une zone urbaine, faite de routes, de places, de parkings. Le Bakireler Anıtı, qui se dressait à l’origine dans l’eau, se retrouve enclavé, puis démonté, jusqu’à disparaître des mémoires.

 

Publicité d’époque pour la plage Süreyya à Maltepe, avec le pavillon en arrière-plan.
Publicité pour la plage Süreyya, dont le pavillon était l’un des symboles.

 

Cette transformation ne concerne pas Maltepe seulement. À partir des années 70, de nombreux quartiers côtiers d’Istanbul subissent le même processus de remblai. Des zones autrefois ouvertes sur la mer sont recouvertes pour accueillir routes, esplanades, parkings. Le lien direct avec l’eau se perd. En quelques décennies, le littoral se redessine au profit de la circulation urbaine.

 

Une restauration en 2022 : une mémoire retrouvée

 

Il aura fallu attendre près d’un demi-siècle pour que le Bakireler Anıtı revienne dans le paysage urbain. En 2022, la municipalité de Maltepe décide de redonner vie au monument à partir de photographies d’archives et de témoignages recueillis auprès des habitants. Le pavillon est reconstruit à l’identique, ou presque : mêmes colonnes blanches, même coupole circulaire, mêmes proportions. Mais cette fois, il ne flotte plus sur la mer. Il est posé à terre, sur une petite place du quartier, à deux pas de l’ancien rivage.

 

Le Bakireler Anıtı aujourd’hui, reconstruit à Maltepe au cœur d’un parc urbain.
Le pavillon restauré, aujourd’hui au cœur du quartier de Maltepe.

 

Le projet n’a pas fait grand bruit au-delà des frontières de Maltepe. Pourtant, pour les riverains, le retour de ce monument a un sens. Certains y voient un geste de mémoire, d’autres un simple embellissement urbain. Un peu incongru au milieu du béton, sa présence attire le regard. Comme un écho discret à ce qui fut, dans un quartier où tout a changé.

Rares sont les monuments disparus qui réapparaissent. Celui-ci est revenu sans cérémonies, ni discours officiels. Une réapparition discrète, qui suscite une question, réveille un souvenir ou éveille une curiosité.

 

Un monument sauvé des eaux : une histoire à redécouvrir

 

Aujourd’hui, le Bakireler Anıtı, installé au cœur du quartier, attire l’attention des passants, sans toujours livrer son histoire. Son retour ne prétend pas reconstituer le passé mais marque la présence retrouvée d’un lieu effacé. 

Ce pavillon néo-antique rappelle qu’Istanbul évolue sans cesse, entre urbanisation et préservation du patrimoine.

 

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