Édition internationale

DE BLOG À BLOG - Les “yalıs” du Bosphore avec Thalassa, par Gisèle Durero-Köseoğlu

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 14 mars 2013

 

Une sortie dans le Bosphore avec l'équipe de Thalassa, qui m'a fait l'honneur de m'inviter pour l'émission du 29 mars 2013, consacrée à Istanbul, m'a donné l'occasion de parler des ?yal?s?, ces demeures de rêve qui ont inspiré des générations d'écrivains.

J'avais déjà consacré un article aux yal?s : Au fil des vagues du Bosphore, les yal?s.

Yal? signifie ?les pieds dans l'eau?. Le mot désigna donc ces merveilleux manoirs de bois construits sur les rives du Bosphore à partir du XVIIe siècle, où les riches Stambouliotes partaient en villégiature à la belle saison. Jadis, faute de route carrossable sur les rives, on ne pouvait y accéder qu'en caïque ou, à partir de 1851, en bateau à vapeur.

Départ sur le bateau avec la sympathique équipe de Thalassa (au centre, Laurent Bignolas, puis Lise Blanchet, moi-même et ?enel K?l?nç)

Qui donc étaient les propriétaires de ces merveilles ? Les yal?s des débuts du Bosphore étaient souvent habités par la famille impériale, en particulier les s?urs du sultan : puis, un peu plus loin en remontant, se trouvaient ceux des dignitaires du palais ; ensuite, ceux des minoritaires et aussi des étrangers venus chercher fortune chez les Ottomans ; et enfin, ceux des résidences d'été des ambassades étrangères.

Je vous présenterai ici ceux des yal?s méritant l'épithète de ?lieux de littérature? parce qu'ils ont un lien avec la littérature française.

Le fameux Yal? des Ostrorog (photo GDK)

Ce yal? a en effet joué ungrand rôle dans les ?uvres de Pierre Loti et de Claude Farrère.  Construit au début du XIXe siècle en style néo-classique, il est remarquable par sa surface de 684 mètres carrés et sa peinture à l'ocre rouge, le fameux ?rouge ottoman?. Le comte Léon Ostrorog, d'origine polonaise mais de nationalité française, Conseiller pour la Dette ottomane en 1904, l'avait racheté vers 1900. Dans le roman de Claude Farrère l'Homme qui assassina, Farrère s'inspire de ce yal? qu'il fréquentait assidument car il était amoureux de la comtesse, Jeanne Lorendo.De plus, du 15 août au 23 octobre 1910, lorsque Pierre Loti effectuait son sixième séjour à Istanbul, il logea chez lecomte et la comtesse Ostrorog tout en s'échappant parfois dans une antique maison du vieux Stamboul. Le yal?, racheté et restauré par Rahmi Koç en 2001, a retrouvé depuis lors sa majesté d'antan.

Le Yal? de Mehmet Emin Pacha le Chypriote

Trois fois vizir d'Abdulmecit et ambassadeur en Russie, Mehmet Emin Pacha le Chypriote (1813. 1871) acheta en 1842 ce yal? construit au XVIIIe siècle et qui possède le quai le plus long de tout le Bosphore, 64 mètres. Le yal? compta de prestigieux invités parmi lesquels l'Impératrice Eugénie ou Pierre Loti.

Une des épouses du Pacha, Marie Dejean, fille d'un Français et d'une Levantine, publia en 1872 un livre nommé Trente ans dans les harems d'Orient, où elle raconte ses souvenirs entre 1840 et 1870, en particulier ceux qui se passent dans cette demeure, qu'elle dit être alors en très mauvais état. (Photo GDK)

Au-dessus du yal? se trouve la ?colline de l'amour malheureux?. Au XXe siècle, un des descendants de Mehmet Emin Pacha demanda en mariage une jeune fille de la bonne société nommée Belkis. Mais cette dernière aimait Vahit, qui, bien que fils d'un des héros de la Guerre d'Indépendance turque, n'était pas assez fortuné pour pouvoir l'épouser. Les deux amoureux se suicidèrent ensemble en 1931 sur cette colline qui conserve désormais le souvenir de leur tragique passion.

Le plus vieux yal? du Bosphore

Il s'agit du yal? du Pacha Amcazade Hüseyin, édifié en 1699. En partie dévoré par un incendie au XIXe siècle, il a fait l'objet de multiples tentatives de sauvetage. Un groupe de personnes, dont Pierre Loti, a voulu le sauver et en a fait effectuer un relevé en 1915. On dit qu'il va enfin être restauré.

Le yal? du Marquis Necip

Le Marquis Necip était un Français passé au service des Ottomans. Il s'agirait du marquis d'Urre d'Aubais, originaire du château des Saptes, dans l'Aude. Tombé amoureux d'une jeune fille, Méliké, le marquis se convertit à l'Islam pour pouvoir l'épouser. Puis, il fit édifier pour son épouse ce merveilleux yal? qui ne manqua pas d'éblouir les visiteurs par sa façade néo-mauresque, par la magnificence de ses intérieurs Art Nouveau et par son modernisme. Il possédait un calorifère. Le hangar à caïques était si vaste qu'il contenait un petit yacht portant un générateur servant à éclairer la demeure.

 Le village d'Anadolu Hisar? avec les Eaux Douces d'Asie

Les Eaux Douces d'Asie étaient un des lieux de promenade des Stambouliotes. On dit que lorsque son navire était ancré à Tarabya, Pierre Loti venait se promener sur la rivière. Dans le roman de Claude Farrère l'Homme qui assassina, c'est là que le héros croise pour la première fois en caïque la femme qu'il va aimer. Si vous êtes féru de Voyages en Orient, et en particulier des récits consacrés à Istanbul, ce lieu, vous le connaissez déjà. C'est là que, durant tout le XIXe siècle et au début du XXe, les belles dames venaient effectuer des tours en caïque pour se faire admirer par les messieurs et les observer en catimini. On dit même que la liberté des Eaux-Douces permettait à ces coquines de petites ruses : faire semblant que le voile de mousseline dissimulant le bas de leur visage s'était décroché et ainsi, permettre à celui qu'elles avaient remarqué dans son embarcation de détailler leurs traits !

Un roman à suspense dont de nombreux passages se passent dans un yal?

Si vous souhaitez vous plonger dans l'ambiance romanesque et un peu surannée des yal?s de légende, pourquoi ne pas lire le beau roman de Claude Farrère, L'Homme qui assassina ? La réédition, effectuée par mon fils aîné, Aksel Köseoglu, qui a patiemment mis le texte sur ordinateur et par moi-même, qui en ai rédigé une analyse littéraire, a demandé plus d'un an de travail ; le livre va paraître entre le 20 et le 30 mars, en français et en turc, aux Editions franco-turques GiTa d'Istanbul, sous le titre : Gisèle Durero-Köseoglu présente un roman turc de Claude Farrère, L'Homme qui assassina (roman et analyse)

Présentation du roman :

L'Homme qui assassina, chef-d'?uvre ?turc? de Claude Farrère, publié en 1907, est un roman de l'ombre et de l'errance.

Monde baroque et mystérieux, qui ensorcelle sur-le-champ Renaud de Sévigné et va définitivement bouleverser sa vie. Jusqu'où cet attaché militaire près l'Ambassade de France en Turquie va-t-il s'égarer, en compagnie de l'envoûtante Lady Falkland, dans la magie du vieux Stamboul ?

Le livre, entremêlant histoire d'amour, roman d'espionnage, intrigue policière et récit exotique, met en scène un univers romanesque inquiétant, évoqué avec passion par Claude Farrère, celui de la ville d'Istanbul dans les derniers fastes de l'Empire ottoman ?

Gisèle Durero-Köseo?lu (www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 14 mars 2013

A noter : Conférence de Gisèle Durero-Köseo?lu, jeudi 21 mars, 18h.
Association culturelle Turquie-France, IFEA, Nur-i Ziya Sokak, 10, Beyo?lu :?Ecrire sur Istanbul. Le sujet de mes livres. La ville chez les écrivains français. De quelle façon mes livres peuvent-ils se rattacher à une tradition littéraire d'écrits sur Istanbul ??

Découvrez ici le blog de l'auteur.

lepetitjournal.com istanbul
Publié le 14 mars 2013, mis à jour le 14 mars 2013
Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.

Flash infos