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CANCER DU SEIN – Dépistage, traitements... Où en est la Turquie ?

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 14 novembre 2013

Les cancers du sein, tumeurs les plus fréquentes et les plus meurtrières chez les femmes, progressent dans le monde en développement, y compris en Turquie. Quand, où, comment se faire dépister ? Quels traitements, à quels prix ? Le docteur Vahit Özmen, président de la Fédération des maladies du sein et membre du conseil d'administration l'association Memeder, répond à nos questions.

lepetitjournal.com d'Istanbul : Qu'est-ce que le cancer du sein?

Dr. Vahit Özmen (photo personnelle): Le cancer du sein est une tumeur maligne de la glande mammaire. On peut dire que c'est un cancer féminin car moins de 1/150 des cancers du sein affectent la population masculine. Le risque augmente à partir de l'âge de 50 ans mais en raison de sa population jeune, en Turquie, la moitié des femmes qui l'ont eu ont moins de 50 ans.

Comment identifiez-vous la maladie ?

Il y a trois façons de l'identifier. La première est de se contrôler soi-même. Si les femmes savent comment palper attentivement, elles peuvent remarquer les masses qui sont à un centimètre de profondeur sous la peau. On conseille aux femmes, après 20 ans, de se palper une fois par mois. La deuxième méthode est la consultation clinique. Celle-là est conseillée aux femmes entre 20-40 ans, une fois tous les trois ans, et après 40 ans, une fois par an. La troisième méthode est la mammographie, qui aide à dépister tôt et à diminuer le taux de mortalité.

Que peut-on faire pour se protéger du cancer du sein ?

Grâce aux recherches, aujourd'hui, on sait que faire du sport régulièrement une heure par jour diminue le risque de 25%. Le sport est donc très important. Ensuite, l'alimentation. L'indice de masse corporelle doit être au-dessous de 20-25. C'est-à-dire qu'il faut arriver au poids idéal. Il faut aussi réduire les facteurs de risque du cancer du sein. Accoucher avant 30 ans, prolonger l'allaitement pendant au moins un an si possible... Il peut enfin y avoir des lésions antécédentes au cancer du sein, ou encore des antécédents familiaux. Dans ce cas, il est possible d'utiliser des médicaments préventifs. Chez les femmes en ménopause, il est démontré qu'on peut réduire le risque de 50% en les utilisant.

L'exposition aux radiations joue-t-elle un rôle ?

Oui. L'exposition aux radiations des poumons ou de la poitrine, surtout pendant l'enfance, augmente le risque. En revanche, les déchets nucléaires, les portables, la télévision, les espaces électromagnétiques qui nous entourent n'ont pas d'effets prouvés. On devine qu'ils ont des effets néfastes mais il n'y a pas d'impact démontré scientifiquement.

Quelle est la prévalence du cancer du sein en Turquie ? Pourriez-vous donner des chiffres ?

En Turquie, le taux dans la population est de 50/100.000 tandis qu'aux Etats-Unis, le taux est de 140/100.000. Même si la fréquence est moindre en Turquie, il faut dire que l'accélération est bien plus grande. En 1993, les recherches montraient que le taux était de 23/100.000 alors qu'en 2010, il avait atteint au 50/100.000 parce que notre façon de vivre ressemble de plus en plus à celle de l'Occident développé. Les femmes se marient plus tard, accouchent plus tard, ont leurs règles plus tôt ? avant 12 ans parfois ? arrivent à la ménopause plus tard. De plus, l'alimentation est de moins en moins naturelle. Tous ces facteurs participent à l'augmentation de la prévalence. Selon nos statistiques, chaque année en Turquie, entre 18 et 20.000 femmes sont dépistées avec le cancer du sein. On ne sait pas précisément le nombre de femmes malades mais on devine qu'il est d'environ 100.000. Il est regrettable que des chiffres précis manquent encore.

Quel est le pourcentage de guérison ?

Au sein de la Fédération des maladies des seins, j'ai mis en place un programme de recensement auquel ont participé 20.000 femmes à ce jour. Dépisté à la ?phase zéro?, qui concerne 5% des malades, le taux de guérison est de 100%. A la phase 1, qui concerne 27% des malades, 100% également. Cela revient à dire que 30-32% des malades ont presque 100% de chances de guérison. Cependant, ce taux est de 80% aux Etats-Unis... D'autre part, on a remarqué que 60% des femmes qui avaient le cancer du sein avaient entre 40 et 49 ans. Grâce à cette recherche, le ministère de la Santé a accepté que la mammographie de contrôle soit gratuite pour les femmes entre 40 et 69 ans.

Les chiffres diffèrent-ils entre l'ouest et l'est de la Turquie ?

Bien sûr. Dans des travaux réalisés à Diyarbak?r, on a remarqué que les phases avancées représentaient plus de 50% des cancers. C'est le triple des dépistages à l'Université d'Istanbul ! Le problème dans ces régions est que le dépistage se fait trop tard. Les femmes de l'est n'ont pas l'occasion d'aller à l'hôpital pour une maladie dont elles ne se rendent même pas compte. La priorité est de nourrir les enfants, s'occuper de leur éducation etc. La santé vient après ces préoccupations. Beaucoup ne remarquent même pas une tumeur de 5 ou 6 centimètres. Le manque d'éducation est l'une des raisons pour lesquelles le dépistage se fait si tard.

La sécurité sociale prend-t-elle en charge l'intégralité du traitement ? Les soins offerts dans les hôpitaux publics sont-ils suffisants ?

La Turquie a de la chance à ce sujet. L'Etat prend en charge l'intégralité du traitement dans les hôpitaux publics. Il est vrai que ces hôpitaux ne sont pas assez nombreux. Il y a trop de files d'attente, les rendez-vous sont donnés pour une date très éloignée... C'est la raison principale des retards de traitement. Il y a un véritable problème d'organisation qu'il faut résoudre. A part cela, la qualité du traitement, les médicaments utilisés... sont les mêmes que dans les hôpitaux privés.

Que pensez-vous des méthodes dites ?alternatives? ? Il n'est pas rare de voir des programmes à la télévision à ce sujet...

L'année dernière, j'ai fait des recherches dans le cadre d'un panel sur les droits des patients. Il y a beaucoup d'abus. Ils vendent des médicaments, des plantes sur leurs sites internet. Ils sont tout le temps à la télévision. Ce sont des marchands d'espoir. Ils n'ont rien à voir avec la médecine. Il faut que la Chambre des médecins et le ministère de la Santé interviennent immédiatement.

Propos recueillis par ?ehbal Pelin Esmer (http://www.lepetitjournal.com/istanbul) vendredi 15 novembre 2013

D'autres questions sur ce sujet? N'hésitez pas à nous écrire: istanbul@lepetitjournal.com

Plus d'informations sur www.memeder.org ou sur www.cancerdusein.org

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Publié le 14 novembre 2013, mis à jour le 14 novembre 2013
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