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TENTATIVE DE PUTSCH - "Une nuit bien triste pour la Turquie"

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 17 juillet 2016, mis à jour le 17 juillet 2016

Des ordres de garde à vue ont été émis contre près de 6000 personnes – militaires et magistrats – après le coup d’État manqué du 15 juillet en Turquie. Le calme est revenu mais les inquiétudes demeurent.

Dans la nuit du 15 au 16 juillet, Murat Hakverdi a échappé à la mort. Ce maire de quartier se trouvait à Fatih, devant la préfecture de police, avec des milliers de Stambouliotes descendus dans la rue pour protester contre la tentative de putsch d’un groupe de militaires. "Je n’en reviens toujours pas. J’ai vu un hélicoptère approcher et mitrailler la foule. Un jeune homme que je connaissais est mort sous mes yeux, raconte-t-il, la voix encore tremblante. Un autre ami, maire lui aussi, a été tué sur le pont du Bosphore quand des soldats ont ouvert le feu. Nous ne faisions que manifester pour le respect de l’État de droit. Ce fut une nuit bien triste pour la Turquie." Au même moment, dans la capitale Ankara, des F16 de l’armée bombardaient le Parlement, le palais présidentiel et le siège des forces spéciales de la police. Les putschistes ont tué au moins 161 personnes, dont de nombreux civils.

Depuis cette nuit d’horreur, le gouvernement turc assure avoir repris le contrôle et se consacre entièrement à l’arrestation des coupables et de leurs complices présumés. Près de 3000 soldats ont déjà été interpellés, ce qui ne signifie pas qu’ils aient tous pris part au putsch manqué. L’armée turque, qui emploie 613.500 personnes, est surtout une armée de conscrits et de nombreux jeunes soldats, dans leurs premières auditions, ont raconté avoir été "appelés en urgence" par leurs supérieurs pour effectuer des "exercices". La liste des haut gradés visés par la justice suggère en revanche une concentration de putschistes au sein du commandement de la gendarmerie et des forces aériennes. Au moins 2745 juges et procureurs sont aussi concernés par une garde à vue, ce qui porte à presque 6000 le nombre d’arrestations en lien avec la tentative de putsch.

"S’il devait ressortir un seul point positif de ce qu’ont fait ces traîtres, c’est la mobilisation du peuple turc. Au risque de mourir, nous nous sommes dressés face aux chars", insiste Murat Hakverdi, qui n’a pas hésité à grimper sur un tank pour en sortir les occupants. "Mais je ne suis pas rassuré, poursuit-il. Tout est encore possible." Plusieurs officiels turcs, à l’image du ministre de la Défense, Fikri Isik, affirment ainsi qu’il est "trop tôt pour dire que le danger est écarté". "Ne nous relâchons pas. Cette semaine va être très importante. Ne quittons pas les places", a lancé le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, qui assistait dimanche aux funérailles de plusieurs victimes. "Tous les membres de ce complot n’ont pas forcément été mis à jour. Imaginez qu’il en reste un et qu’il utilise son avion pour bombarder d’autres cibles. Une telle folie ne peut être exclue quand on voit ce qui s’est passé", met en garde Nihat Ali Özcan, ancien major de l’armée turque et analyste au centre de recherches Tepav.

"Je rêve de voir l’AKP (Parti de la justice et du développement) perdre le pouvoir mais pas comme ça, pas dans le sang, par un vote démocratique, explique Yahya, un agent immobilier du quartier de Besiktas. Tout ce que ces putschistes ont réussi à faire, c’est renforcer le président Erdoğan. Je suis donc heureux que le coup ait échoué, mais inquiet pour la suite." C’est aussi le sentiment de Nuh Hüseyin Köse, membre du conseil de direction du Syndicat des juges (Yargiçlar Sendikasi). "Les magistrats en garde à vue sont ceux pour lesquels, malgré deux ans d’enquêtes et d’opérations dans la magistrature, aucune preuve [d’appartenance aux réseaux de l’imam Fethullah Gülen, accusé d’être derrière la tentative de putsch] n’avait été trouvée. Certains peuvent effectivement agir pour le compte de Gülen (…) mais je pense qu’il s’agit aussi d’une manœuvre politique. Et j’ai peur que cette manœuvre aille bien au-delà, que toutes les associations, syndicats etc. perçus comme opposants soient rapidement visés." La riposte s’annonce en tout cas longue et massive. "Ce sera le plus grand procès jamais vu dans l’histoire de la Turquie", a prévenu le ministre de la Justice, Bekir Bozdağ.

Istanbul (http://lepetitjournal.com/istanbul) lundi 18 juillet 2016

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Publié le 17 juillet 2016, mis à jour le 17 juillet 2016

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