Édition internationale

MARIAGE – Les Turques autorisées à conserver leur nom de jeune fille

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 8 février 2018

La Cour de cassation a rendu le 28 avril un jugement qui ouvre la voie aux femmes turques souhaitant conserver leur nom de jeune fille après le mariage. Certes, le code civil ne l'autorise toujours pas et les femmes qui souhaitent porter uniquement leur nom restent obligées de passer par un tribunal. Mais ce revirement de la Cour devrait faire jurisprudence.

La ligne de conduite de la Cour de cassation semble doucement s’adoucir. Le Hürriyet Daily News rapporte que celle-ci a rendu, fin avril, un jugement sans précédent. Elle s'est prononcée en faveur du droit des femmes à garder leur nom de jeune fille après le mariage.

La loi n'a pas changé

Encore aujourd'hui, le choix pour une femme turque de conserver son nom de jeune fille est compliqué. La loi actuelle le permet partiellement à travers l'article 187 du Code civil qui précise que "l'épouse prend le nom de son époux en se mariant; elle peut toutefois utiliser son nom de jeune fille avant celui son époux si elle en fait la demande écrite à l'officier de mairie ou, par la suite, au bureau d'état civil. Une épouse qui portait déjà deux noms au préalable ne peut bénéficier de ce droit que pour un seul de ses noms de famille."

Il est donc possible pour une femme de porter également son nom de jeune fille (en plus de celui du mari), mais cette option ne lui est pas proposée de manière explicite et bien souvent, les Turques en ignorent l'existence. La loi n'autorise pas à ce qu'elle le porte exclusivement (sans lui accoler le nom de son mari). Si elle le souhaite, elle doit passer par les tribunaux… et c'est bien souvent un parcours du combattant, ce droit n’étant jusqu'ici pas octroyé par la Cour de cassation. Plusieurs jugements favorables avaient été rendus par des tribunaux locaux, mais avaient été systématiquement cassés en appel.

Passage par le tribunal obligé

Les cas se multiplient. En 2014, par exemple, la journaliste Aslı Çakır Birol a effectué une demande de changement de nom auprès de l'état civil afin de ne porter que son nom de jeune fille. Après que sa demande a été rejetée, elle est allée devant une cour locale, qui a penché en sa faveur. Le juge local l'a pourtant mise en garde : "Cette décision va sûrement être rejetée, vous ne devez pas abandonner, vous devez résister". Et le jugement a en effet été annulé en appel, comme des dizaines d’autres avant lui.

Toutefois, une décision récente de la Cour de cassation turque devrait donner espoir à Aslı Çakır Birol et à toutes les Turques mariées qui souhaitent porter leur nom de jeune fille. En effet, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a récemment statué en leur faveur. Désormais, une femme mariée sera en mesure d'utiliser seulement son nom de jeune fille. Dans sa décision, la Cour cite notamment la Convention sur l'élimination de toutes formes de discrimination. C'est un tournant dans la jurisprudence turque qui, par le passé, a toujours refusé d'accorder ce droit aux femmes. Grâce à cette décision, elles seront en mesure de faire valoir leur droit… mais toujours devant un tribunal, car le Code civil demeure inchangé.

Un droit pourtant reconnu par la CEDH

Alev Yıldız est une avocate qui se bat depuis des années pour faire avancer le droit des femmes, notamment en ce qui concerne leur nom de jeune fille. Elle a porté un bon nombre de ces dossiers devant les tribunaux. En 2007, elle a été la première à gagner un procès permettant à sa cliente de conserver son nom de jeune fille, mais la décision avait été rejetée par la Cour de cassation. Alev Yıldız explique que "l'article 187 du Code civil doit être changé, parce que tant que cet article restera en place, les femmes mariées ne seront en mesure d'utiliser ce droit qu'en déposant des plaintes". Toujours selon cette avocate, "beaucoup de femmes demandent à garder leur nom de jeune fille après leur mariage pour leur carrière ou pour des raisons personnelles”.

L’avocate Alev Yıldız réclame en fait que la Turquie adapte son Code civil à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Cette dernière s'était déjà prononcée sur le sujet dans un arrêt rendu le 16 novembre 2004. L'arrêt Ünal Tekeli contre Turquie avait précisé à l'époque que: "l’obligation faite à la femme mariée, au nom de l’unité de la famille, de porter le patronyme de son mari, même si elle peut le faire précéder de son nom de jeune fille, manque de justification objective et raisonnable."

Ségolène Houdaille-Hoc (www.lepetitjournal.com/istanbul) lundi 30 mai 2016

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Publié le 29 mai 2016, mis à jour le 8 février 2018
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