

Philippe Sagot, directeur général de Sanofi Pasteur Turquie en poste depuis 2009 vient de quitter le pays à la fin de l'année 2013. A la tête d'une entreprise qui a généré 250 millions d'euros sur une période de 5 ans, le bilan de Philippe Sagot est très positif malgré un environnement très contraignant, de nombreuses baisses de prix et surtout un marché des vaccins qui est passé du presque tout privé à presque tout public. Ceci entrainant des restructurations importantes et un business modèle différent. A la veille de son départ, nous l'avons rencontré pour lui demander de revenir sur ses cinq années à Istanbul
Interview réalisée dans le cadre d'une collaboration www.lepetitjournal.com/Istanbul - Chambre de Commerce Française en Turquie née en octobre 2009. Tous les mois, un résumé de l'actualité et un portrait d'entreprise sont publiés dans les deux supports que sont www.lepetitjournal.com et la Lettre mensuelle de la CCFT, "Les Nouvelles de la Chambre".

Lepetitjournal.com d'Istanbul : Pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours professionnel ? Depuis quand êtes vous à la tête de Sanofi Pasteur en Turquie ?
Philippe Sagot dans son bureau (photo MD) : Je suis pharmacien de formation. Mon rêve, jeune homme, était de devenir pilote de chasse, mais mon père plutôt inquiet de cette vocation m'a inscrit par sécurité en pharmacie; j'ai donc suivi finalement les études choisies par mon père à Paris 5 Descartes. Néanmoins Il était hors de question pour moi de travailler en officine, car je rêvais d'aventure, j'ai donc continué mes études pour devenir interne en pharmacie biologie dans l'espoir de partir travailler à l'étranger dans un secteur opérationnel. C'est en tant que VIE à Munich en Allemagne que mon début de carrière à l'international a commencé: en stage chez Servier, je suis devenu directeur de l'administration des ventes jusqu'à occuper les fonctions d'adjoint de la direction générale, le tout sur une période de 6 ans et demi. De retour en France, j'ai choisi d'intégrer Sanofi Pasteur à Lyon, où j'étais chef de gamme produit & marketing international pour toute la zone Asie pendant 5 ans pour faire ensuite ce que j'espérais, développer des filiales à l'étranger. Basé à Casablanca pendant 6 ans et demi, j'ai installé et dirigé les filiales Sanofi Pasteur au Maroc, en Algérie, et en Tunisie. Il y a 5 ans, on m'a proposé de devenir le directeur général de la filiale en Turquie, une des plus grosses à l'étranger, pour monter un projet de transfert de technologies.
Sanofi Pasteur est un leader mondial et intégré de la santé, mobilisé tout particulièrement dans la distribution de vaccins, quelles sont ses actions en Turquie ? Depuis quand l'entreprise s'est-elle implantée sur le territoire ?
Installée en Turquie depuis 1989, l'entreprise Sanofi Pasteur pionnière en Turquie dans la distribution des vaccins a longtemps été le leader dans ce secteur, un peu plus challengée ces dernières années, en particulier par l'entreprise britannique GSK. Les premiers vaccins contre la rage, les vaccins pédiatriques majeurs comme le Pentaxim ont été distribués pour la première fois en Turquie par Sanofi Pasteur. Ma mission principale a été de m'occuper du transfert de technologies et d'expertises (productions, environnement, vaccinologie) sur les vaccins avec un partenaire local turc. Nous travaillons avec le Ministère de la Santé pour les programmes de vaccinations nationaux, c'est notre mission première et elle représente 80% de notre chiffre d'affaires. La vaccination en Turquie est très contrôlée par l'état, c'est dû à une politique de l'état. Les vaccins sont achetés par l'état et donnés gratuitement aux enfants (Pentavalents,hépatite A et B, varicelle, vaccins pneumoconjugués) dans le cadre du programme national de vaccination, un des programmes de vaccinations les plus développés au Monde. Les marchés privés comme ceux des vaccins contre la grippe ne représentent que 20% de notre chiffre d'affaires.
En 2009 Sanofi Pasteur Turquie c'était une gamme de 12 vaccins tous importés, un marche privé prédominant et un programme national de vaccination encore très restreint. Qu' en est il aujourd'hui?
Nous avons investi dans un transfert de technologies pour deux vaccins clés du programme national de vaccination introduits en 2009 et 2010 : le pentaxim et le tetraxim. Une partie importante de la production est réalisée en Turquie, notamment toutes les opérations de filling et contrôle qualité y référant. Ces deux vaccins sont livrés de France sous forme de vrac soit ?non finis? puis répartis en seringues sur place avec un partenaire local. Créer des partenariats en local est une tendance qui se développe de plus en plus dans le Monde; en Turquie il n'y a aucune expertise locale car il n' y pas de production lacel de vaccins contrairement au Brésil ou la Chine. Il a fallu partir de zéro et transférer une partie de notre savoir-faire sur la production et le contrôle des vaccins qui sont des produits biologiques et en cela tres différents des produits pharmaceutiques. Nous fournissons en moyenne entre 6 et 8 millions de doses de vaccins au Ministère de la santé qui sont en partie produits en Turquie.
Le chiffre d'affaires de SANOFI Pasteur en 2011 a atteint 65 millions d'euros. En cette fin d'année 2013, quel est le bilan de Sanofi Pasteur en Turquie ? Quelle est son évolution comparée à l'année dernière ?
Aujourd'hui ce chiffre d'affaires est redescendu aux alentours de 40 millions d'euros; ce chiffe d'affaires est assez stable si on compare aux dernières années et dépend notamment de possibles besoins ponctuels liés à des épidémies ou aux résultats d'appels d'offre. Cette année nous allons observer un pic de croissance, car nous allons vendre plus de vaccins nommé OPV* suite à une épidémie de Polio en Syrie et dans la région. Comme nous travaillons avec les marchés publics, nous perdons et gagnons des appels d'offre, notre chiffre d'affaires connait des pics et des baisses mais est relativement stable sur le long terme. Ce que j'ai essayé de faire pendant ma mission en Turquie, c'est de pérenniser nos activités sur le long terme, développer des partenariats avec des entreprises locales et transférer une partie de nos savoirs en Turquie.
En 2012, Sanofi France avait annoncé une réorganisation de ses activités, de nombreux postes étaient alors menacés. A travers ce plan l'entreprise avait prévu de revoir la production de Sanofi Pasteur. Qu'en est-il aujourd'hui ? Cela a-t-il eu des conséquences sur SANOFI Pasteur Turquie ?
De 90 employés quand je suis arrivé en 2009, nous sommes passés à 40 employés aujourd'hui. Le fait de que la tendance des marchés se soit inversée en Turquie ces dernières années (70% privé-30% public en 2008, 80% public-20% privé en 2013) nous a poussés à nous restructurer, notre secteur ?force de vente? a été le plus touché, car j'ai dû supprimer de nombreux postes de visiteurs médicaux. De plus un vaccin qui passe du privé au public impacte énormément son prix. Un des gros challenges en Turquie a été d'arriver au commande d'un boeing équipé pour faire du marché privé et en 5 ans, j'ai dû le transformer en jet équipé pour faire du marché public. Le marché pharmaceutique en Turquie est de 7 milliards d'euros et c'est l'Etat qui le paie à 90%. La majeure partie des vaccins sont gratuits pour la population. Le marché pharmaceutique privé en Turquie est devenu très réduit. C'est toute notre politique de management qu'il a fallu modifier en 5 ans.
Après cinq ans en Turquie, vous avez décidé de quitter la tête de l'entreprise ainsi que le pays à la fin de l'année 2013. Pour quelles raisons ? Savez-vous déjà qui vous succédera ? Quel bilan faites-vous de ces 5 années ?
Je rentre au siège à Lyon pour des raisons personnelles, en vue d'un rapprochement familial sinon je serais bien resté en Turquie car j'aime la manière dont les Turcs travaillent, ce sont des gens très ?pratiques? et très opérationnels. C'est un pays très attachant et le quitter a été difficile...Mon bilan est plutot positif puisqu'avec mon équipe, nous avons généré un chiffre d'affaires de 250 millions d'euros sur 5 ans, et réussi à monter notre projet de transfert de technologies. En France, je vais devenir responsable du business développement sur la région Europe & Afrique pour une mission de 3 ans. J'espère pouvoir repartir en mission à l'étranger ensuite. Mon successeur est un Turc, Emin Turan auparavant en poste en Thailande. Je le connais bien et c'est quelqu'un de très compétent.
Propos recueillis par Meriem Draman (www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 30 janvier 2014
Légende :
Pentaxim : Vaccin diphtérique, tétanique, coquelucheux (acellulaire, multicomposé), poliomyélitique (inactivé) et conjugué de l'haemophilus type b, adsorbé
Tetraxim : Vaccin diphtérique, tétanique, coquelucheux (acellulaire, multicomposé) et poliomyélitique (inactivé), adsorbé
Menectra : vaccin contre les infections méningococciques comme la méningite, la pneumonie et des infections du sang causées par les méningocoques des groupes A, C, Y et W-135.
Vaxigrip : vaccin contre la grippe
OPV : vaccins contre la polio (poliomyélite)











































