

Renault, le grand groupe français automobile est implanté en Turquie depuis 40 ans. De cette longévité sur le territoire turc, et du fait qu'il emploie directement ou indirectement près de 45.000 Turcs, Renault est considéré par l'opinion publique comme une entreprise locale. Nous avons voulu savoir si à ce titre, Renault avait eu à subir les effets de la crise diplomatique récente. Lepetitjournal.com est allé à la rencontre de son directeur général adjoint Mr Guillaume Sicard, également conseiller économique auprès de l'ambassadeur de France pour lui poser quelques questions sur le groupe Renault en Turquie. Depuis presque deux ans qu'il est à ce poste, Guillaume Sicard qui se sent patron turc, à la tête d'une entreprise turque a vu la part de marché du groupe augmenter ces deux dernières années pour atteindre 16,3% en 2011, et a réussi avec son équipe à maintenir ainsi son groupe à la tête du marché automobile turc
Interview réalisée dans le cadre d'une collaboration www.lepetitjournal.com/Istanbul - Chambre de Commerce Française en Turquie née en octobre 2009. Tous les mois, un résumé de l'actualité et un portrait d'entreprise sont publiés dans les deux supports que sont www.lepetitjournal.com et la Lettre mensuelle de la CCFT, "Les Nouvelles de la Chambre".

Lepetitjournal.com d'Istanbul : Renault est présent en Turquie depuis 1969, quelles sont les raisons qui ont amené le groupe à s'installer dans ce pays ?
Guillaume Sicard : Tout a commencé grâce à une opportunité ; le fonds de pension de l'armée Oyak, un des plus performants au monde aujourd'hui, recherchait des investisseurs européens pour pouvoir faire de l'industriel dans le pays. Le potentiel de marché était tel que Renault a voulu rapidement investir et s'est donc implanté en Turquie. Le groupe a d'abord monté une usine de production à Bursa appelée Oyak-Renault, elle appartient à 51% à Renault et à 49% à Oyak. Il y a une deuxième entité, une entité commerciale pour vendre les voitures dénommée Renault- MAIS, qui elle appartient à 49% à Renault et à 51% à Oyak.
Pouvez-vous nous parler brièvement de votre parcours professionnel ?
J'ai commencé dans l'audit puis le marketing. Après 6 ans d'expérience au siège de Renault sur Paris, j'ai été envoyé en Espagne en tant que directeur marketing adjoint. J'ai ensuite dirigé un garage (succursale de 230 employés) en France puis j'ai été nommé directeur marketing en Afrique du sud. Juste avant d'arriver à Istanbul, j'étais directeur régional pour le sud de la France. Pour pouvoir grimper les échelons chez Renault, l'entreprise nous y prépare grâce à une alternance d'expériences opérationnelles et fonctionnelles, d'ailleurs, j'ai commencé à l'usine où j'ai travaillé pendant trois mois. Ces périodes "terrain" nous permettent de mieux comprendre les attentes des clients, mais aussi de nos propres collaborateurs mécaniciens, monteurs, vendeurs, ?.
Aujourd'hui, que représente l'activité de Renault en Turquie ? (nature de l'activité de production, nombre d'employés, part de marché en Turquie, exportations vers d'autres marchés, etc?)
A l'usine, il y 6.200 employés plus un réseau très important de fournisseurs comptant 30.000 personnes. Chez Renault-Mais, nous sommes 850 auxquels il faut ajouter 6.000 personnes qui travaillent dans notre réseau. Au total, ce n'est pas loin de 45.000 personnes qui travaillent pour le groupe Renault en Turquie, avec une toute petite proportion de Français expatriés, en tout nous sommes 7, 4 à Istanbul et 3 à Bursa. Sur les 38 usines que compte le groupe dans le monde, l'usine de Bursa est dans le TOP 3. Avec 330.000 voitures produites en 2011, Renault est la première usine automobile en Turquie, devant Fiat avec 300.000 véhicules, Ford avec 250.000 véhicules et Toyota avec 80.000 véhicules. La Turquie conserve 30% de cette production sur son territoire, tandis que 70% du reste de la production sont exportés principalement en Europe occidentale. Les voitures que nous fabriquons en Turquie sont : Fluence, Mégane, Clio et la nouvelle Fluence électrique. Sur la partie commerciale maintenant, en 2011 Renault a emporté 16,3% du marché automobile turc avec les marques Renault et Dacia. 2011 a été une très bonne année, puisque notre part de marché a augmenté, elle était de 15% en 2010. Aujourd'hui la Turquie est le 5ème marché mondial du groupe.
Après le vote en France de la loi Boyer, la Turquie a annoncé des représailles au niveau diplomatique mais aussi économique. Renault a-t-il du souci à se faire ?
En Turquie, cette loi a clairement perturbé nos relations personnelles et professionnelles d'un point de vue émotionnel. Nos amis et collaborateurs turcs ont été choqués et peinés par l'attitude de la France; une période de tension, de doute et d'observation a duré pendant quelques jours. Il a fallu écouter et dialoguer, expliquer et la situation s'est progressivement détendue. Concernant le business, sur le très court terme, oui, nous avons été légèrement impacté avant que la raison reprenne le dessus car, avec 45.000 personnes travaillant directement ou indirectement pour nous, Renault est une entreprise turque, leader en ventes sur le marché et en exportation tout biens confondus. Le business continue, avec peut-être juste un petit plus de retenue vis-à-vis de l'administration turque principalement.
Le sujet du ?made in France? a pris beaucoup de place dans la campagne pour l'élection présidentielle en France. Renault est justement critiqué pour ses délocalisations. Que pensez-vous des discussions autour de la récente ouverture d'une usine à Tanger ?
Déjà il faut bien voir que le groupe a 38 usines dans le monde, dont 14 en France. La France reste toujours le pays où il y a le plus d'usines Renault avec une production totale de 650.000 véhicules sur une production mondiale de 2,7 millions. Quand Renault construit une usine à l'étranger, ce sont nos ingénieurs, nos logisticiens et bon nombre de nos fournisseurs qui développent le projet et en assurent ensuite la coordination. Cette nouvelle implantation s'inscrit dans la stratégie industrielle du groupe qui consiste à développer nos capacités de production hors d'Europe sur les véhicules à faible valeur ajoutée. Ainsi Tanger ne vient pas concurrencer les usines d'Europe occidentale puisqu'elle a vocation de construire des véhicules DACIA dont le succès est basé sur rapport prix/prestation inédit. Ainsi Renault fait évoluer son outil industriel et concentre l'activité des usines d'Europe Occidentale sur la fabrication de produits véhicules et mécaniques à forte valeur ajoutée soit, principalement, le haut et le moyen de gamme européens, les véhicules utilitaires, les moteurs et boîtes de vitesses à haute technologie, les véhicules et moteurs électriques ainsi que les batteries.
Enfin, je tiens à conclure en partageant quelques informations : aucune usine n'a été fermée en France depuis l'île Seguin en 1992 ; Carlos Ghosn a garanti la pérennité des sites d'assemblage en France et enfin sur les 5,7 milliards investis dans l'outil industriel entre 2010 et 2013, 40% le seront en France.
Propos recueillis par Meriem Draman (www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 23 février 2012

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