Édition internationale

ISTANBUL, TARSE, ÉPHÈSE... – Le “boom” du tourisme religieux en Turquie

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 7 janvier 2014

Mettre en avant les racines chrétiennes ? souvent méconnues ? de la Turquie pour développer un tourisme dit ?religieux? : ce n'est pas nouveau, mais c'est devenu ces dernières années l'une des stratégies du ministère de la Culture et du Tourisme. D'ouest en est, de la Maison de la Vierge Marie à Ephèse, à la ville natale de Saint-Paul à Tarse, de plus en plus d'agences proposent des itinéraires alliant loisir et spiritualité à des clients venus surtout d'Europe et des Etats-Unis. Pas vraiment des pèlerins, pas non plus des touristes ordinaires, ils viennent la plupart du temps pour voir de leurs propres yeux les sites mentionnés dans les Ecritures.

A l'ombre de Sainte-Sophie d'Istanbul, la basilique devenue mosquée puis musée au fil des siècles, Thomas Ludwig peine à contenir son émotion. Quelques jours plus tôt, il découvrait Tarse, la ville de Saint-Paul, au sud. La veille, il était à encore à Ephèse, cité antique des rives de l'Egée, sur les traces de l'apôtre, aux racines du christianisme.?C'était une expérience extraordinaire de me promener dans une ville antique telle que Tarse, tout en sachant que ces rues avaient accueilli Saint-Paul il y a 2.000 ans?, confie-t-il. ?Quant à Ephèse, c'est un endroit tellement étonnant et impressionnant... Le fait d'être dans l'amphithéâtre restauré (photo Ming-yen Hsu/Flickr/CC), d'imaginer la foule en train de crier, d'imaginer les gens en train d'encourager les locaux à attaquer Paul et ses compagnons... Rien ne remplace le fait de se rendre sur place.?

Thomas Ludwig est professeur de théologie dans une université chrétienne du Michigan. Cette visite en Turquie ? sa première ? il la prépare depuis des décennies, depuis qu'il sait que ce pays abrite une multitude de sites mentionnés dans la Bible. Avec huit autres Américains, pendant une dizaine de jours, ce croyant érudit a pratiqué ce qu'on appelle un ?tourisme religieux? ou "tourisme de la foi". Difficile de savoir combien des quelque 35 millions de touristes entrés en Turquie l'an dernier ont imité cette démarche. Une chose est sûre : ils sont de plus en plus nombreux à partir en voyage sur les traces de leur foi, seuls ou pris en charge par des tours opérateurs spécialisés dans ce secteur.

Le tourisme religieux ne s'arrête pas au christianisme

C'est le cas de ce groupe, qui a fait appel aux services d'une Américaine installée en Turquie, Allison Block, et de sa compagnie, Turkuaz Tours. Pour organiser ce voyage, d'Istanbul à la Cappadoce, de Tarse à Ephèse, Allison a pu compter sur une subvention du ministère de la Culture et du Tourisme turc, de plus en plus soucieux de promouvoir ce type de séjours. "L'industrie du tourisme religieux se développe dans le monde entier et représente une opportunité majeure pour la Turquie. Le gouvernement commence à réaliser qu'il s'agit là d'un marché immense ! Après Israël, la Turquie est tout de même le pays qui abrite le plus de sites chrétiens au monde", explique-t-elle.

Le tourisme de la foi ne s'arrête pas au christianisme. Il arrive souvent que les tours abordent les autres croyances, qui plus est en Anatolie, dont l'islamisation progressive remonte au tout début du deuxième millénaire. Ce groupe d'Américains a visité plusieurs mosquées, rencontré un imam et un spécialiste du soufisme à Konya, ville de naissance du fondateur de l'ordre des derviches tourneurs. Allison Block, qui est également guide, s'efforce de placer chaque site dans le contexte religieux de son époque. "Sur un tour classique, vous obtiendriez des informations générales sur l'architecture ou l'histoire. Mais nous, nous relatons des événements précis qui ont eu lieu dans ces édifices?, explique-t-elle. ?Par exemple, le fait que la mosquée de Soliman le Magnifique a été construite à partir de pierres issues du concile de Chalcédoine, sur la rive asiatique d'Istanbul. C'est très intéressant de savoir que les pierres d'un site chrétien ont pu être utilisées pour bâtir un édifice musulman..."

?Une expérience éducative?

Si le tourisme dit "religieux" n'est pas un tourisme classique, il est difficile à décrire tant l'expérience recherchée varie d'un visiteur à l'autre. Contrairement à certains, Thomas Ludwig, le théologien américain, ne parle pas de ?pèlerinage?."Prenons un site ? Tarse par exemple ? et admettons que j'ai toujours voulu voir le puits de Saint-Paul à Tarse pour moi-même, pour ma piété personnelle... et qu'ensuite je rentre chez moi et que je me sens mieux. Tout cela est parfaitement normal. Mais ce n'est pas ça, le tourisme de la foi. Le tourisme de la foi est davantage une expérience éducative?, estime le théologien.

Selon lui, ?dans l'idéal, les participants devraient lire et étudier au préalable pour ensuite, une fois sur place, être capables de réfléchir non seulement à leur propre foi mais aussi à la foi des gens qu'ils rencontrent. C'est une façon d'améliorer votre compréhension de ce en quoi vous croyez, en le contrastant avec les croyances d'autres personnes."

Anne Andlauer (http://lepetitjournal.com/istanbul) mardi 7 janvier 2014

lepetitjournal.com istanbul
Publié le 6 janvier 2014, mis à jour le 7 janvier 2014
Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.

Flash infos