

On joue de la musique sur la terrasse. Parmi la foule se trouve une très belle et grande femme grecque, bien en chair, portant une robe noire décolletée et accompagnée d'un homme.
Photos NR
Atatürk invite cette femme à danser. Parmi les spectateurs, il y a un homme à la stature grande mais d'allure modeste portant sur son dos un panier en osier rempli de melons et qui regarde Atatürk avec étonnement.
La suite est rapportée à travers les souvenirs de Cemal Granda, le domestique d'Atatürk :
?Une fois la danse terminée avec cette femme grecque, Atatürk aperçoit le vendeur de melons et lui fait signe d'approcher? Il lui enlève le panier de melons de son dos et lui demande de danser avec la femme grecque. Celle-ci danse très bien, le vendeur, quant à lui, vêtu de haillons, n'a jamais dansé de sa vie... La danse de ces deux personnes est inoubliable... Lorsque la danse s'achève, Atatürk bat des mains et dit ?Bravo, bravo, c'était une très belle danse...?
Mustafa Kemal considérait la danse comme une utilité contemporaine, pas seulement destinée à l'élite mais aussi au peuple...

Cet établissement à l'architecture art déco et qui a su garder jusqu'à ce jour son charme suranné, a ouvert ses portes en 1908. la splendide demeure en bois de quatre étages a été construite sur ordre du maréchal Sak?zl? Kâzim Pa?a aux ordres du sultan Abdulhamit II par un certain Kaludi Laskaris Kalfa.
En 1911, Dikran, Tavit et Onnik, trois hommes originaires de Tokat et connus à Beyo?lu, louent l'hôtel et vont l'équiper. L'ensemble du mobilier sort de la fabrique de meubles austro-ottomane d'Istanbul, la paille utilisée pour la réalisation des fauteuils de l'entreprise Lion. Les couverts en argent monogrammés proviennent de la célèbre entreprise parisienne d'orfèvrerie Christofle. Les verres en cristal, les serviettes, couvertures et tous les autres équipements sont ramenés d'Europe.
A cette époque, l'île n'est pas encore équipée en électricité mais la lumière est fournie au Splendid par un générateur.

Durant une partie de la guerre d'indépendance turque, l'endroit est réquisitionné par l'Etat pour servir d'hôpital avant de redevenir un hôtel à partir de 1921. Comment avant la guerre, les concerts et les bals qui y sont organisés sont très courus. Dârülelhân, le Conservatoire des Femmes, y donne un concert de musique turque le 9 octobre 1921 pour les victorieux de la guerre- les fameux gazi - accompagné par un groupe de joueurs de saz, cet instrument de musique traditionnel à cordes pincées.
Affiche pour un bal donné le 26 août 1923 au Splendid Palace Hôtel de Prinkipo
Après la mort de Sak?zl? Kâzim Pa?a en 1936, l'hôtel passe entre les mains de sa fille Nazire Tokgöz, puis au décès de cette dernière, à sa petite-fille Belma Hatice et à son époux Nihat Hamamcio?lu.
Aujourd'hui, à peine franchi le seuil de la porte, la machine à remonter le temps donne l'impression de se retrouver à la belle époque istanbouliote, dans les années 20 à 40.
Le comptoir de la réception en bois massif derrière lequel sont suspendues les clés des 70 chambres et des 4 suites donne le ton.

Ömer bey, directeur du Splendid Palace Hôtel à Büyükada
A gauche, deux portes donnent sur le salon de réception où l'on peut jouer aux cartes, lire tranquillement, boire un verre ou ne rien faire, juste observer tant l'impressionnant tableau signé par l'artiste français Ferdinand Dubreuil.
A côté de l'escalier aux marches revêtues d'un tapis rouge flamboyant, la caisse, sortie tout droit du passé et où derrière les petites vitres arrondies se trouvent à proximité d'un vieux poste radio, des photos et affiches anciennes, quelques vieux téléphones à cadran, des accessoires divers et variés qui ont connu leur temps de gloire entre ces murs...

Prenez l'ascenseur, unique en son genre, au bois vernis et dont il faut d'abord pousser la première et lourde porte en fer forgé ornée de coeurs et de motifs floraux avant de glisser en douceur vers les étages, assis sur le strapontin en bois pliable. Il manque juste le groom...
Les chambres, dont certaines ont été refaites avec goût, ont su garder également l'ambiance du passé. On peut s'imaginer sans grande peine les femmes y déposer sur une commode leur chapeau à voilette et leurs gants en soie, les hommes accrocher leur veston dans l'armoire et poser leur melon avant d'aller admirer du balcon la vue sur l'embarcadère, la mer de Marmara et la rive asiatique d'Istanbul en écoutant claquer les sabots des chevaux tirant les calèches, les voitures, hormis celles de l'administration n'ayant pas droit de cité ici, coutume qui a perduré fort heureusement.
Depuis plus de 40 ans, Ömer bey, le directeur de cette adresse incontournable de Büyükada, entretient la magie des lieux pour ses clients, dont beaucoup sont devenus des amis au fil du temps.

Une des chambres du Splendid Palace Hôtel à Büyükada
Le Splendid Palace Otel de Büyükada figure sur la liste des 10 meilleurs hôtels d'Istanbul selon le célèbre journal anglais Guardian.
Nathalie Ritzmann (www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 18 juin 2015
* Extrait de l'article de Melih A??k publié le 9 septembre 2007 dans le quotidien turc Milliyet
Retrouvez cet article sur le blog de Nathalie Rizmann: http://www.dubretzelausimit.com/2015/06/voyage-dans-le-passe-au-splendid-palace-hotel-de-buyukada.html





































