

Le festival Istanbulles a été lancé en 2010 par Didier Pasamonik et Jean-Marie Derscheid, avec la collaboration d'Akan Ajans et le soutien de l'Institut français et de Wallonie Bruxelles International. La troisième édition du festival de bande dessinée d'Istanbul aura lieu du 29 au 31 mai. Voici ce qui vous attend?
Lepetitjournal.com d'Istanbul : Quel est le but du festival Istanbulles ?
Didier Pasamonik (photo personnelle) : Servir de plateforme d'échange entre les bandes dessinées franco-belges et turques. Nous avons en effet pu constater que celles-ci n'échangeaient pas, alors que les grands auteurs turcs connaissent très bien la bande dessinée franco-belge, que celle-ci est publiée depuis longtemps en Turquie et que des auteurs turcs sont publiés en France depuis très longtemps sans que personne ne sache qui ils sont. Nous avons voulu faire passer le courant entre ces deux grandes écoles de la bande dessinée mondiale. Il ne suffit pas de savoir faire, il faut faire savoir.
Pourquoi avoir choisi la ville d'Istanbul ? A-t-elle nourri l'inspiration de certains dessinateurs et auteurs de bande dessinée ?
Istanbul est une ville incontournable, l'une des grandes capitales culturelles mondiales, au carrefour de l'Europe et de l'Asie et de multiples cultures. L'année dernière, nous avons produit à l'Institut français d'Istanbul une exposition intitulée "Regards croisés des bandes dessinées franco-belges et turques" qui mettait en parallèle l'image de la Turquie dans la bande dessinée francophone, et en particulier Istanbul, et... celle de la France dans la bande dessinée turque. L'exposition a eu beaucoup de succès, elle est allée aux Instituts français d'Ankara et d'Izmir et elle devrait aller à Bruxelles prochainement.
Quand la bande dessinée est-elle apparue en Turquie ?
Dès le 19e siècle, de grands caricaturistes turcs ont émergé. Ni?an G. Berberyan (1842-1907) dans le journal Karagöz peut être considéré comme un précurseur. La bande dessinée turque la plus populaire en France est Karao?lan de Suat Yalaz publié sous le nom de Kébir, mais les Français ne savaient même pas que c'était une bande dessinée turque ! Je suis un fan d'Abdülcanbaz de Turhan Selçuk, que nous espérons un jour exposer en France et en Belgique.
Quel est aujourd'hui l'état de la bande dessinée en Turquie ? Assiste-t-on à l'émergence d'une nouvelle génération de dessinateurs ?
Sans aucun doute. Des journaux comme Uykusuz, LeMan, Penguen... jouent un rôle moteur. Mais cela reste une bande dessinée d'actualité et très politique, ce qui est une option, mais pas la seule. Vous avez de grands auteurs contemporains comme Galip Tekin ou Bahadir Baruter, mais la nouvelle garde est intéressante, comme HK Perker, Ersin Karabulut, Memo Tembelçizer...
C'est une année "light" pour nous. Dans l'exposition ?Spirou et le Marsupilami, quelle histoire!? à l'Institut français d'Istanbul, nous explorons un des grands personnages de la bande dessinée franco-belge à l'occasion des 75 ans de sa création en 1938 et de la publication de Spirou chez Tudem et du Marsupilami chez Yap? Kredi.
Quel est le public du festival ? Est-il uniquement francophone ?
Bien sûr que non ! Tous les cartels explicatifs sont traduits en turc. C'est une exposition pour les amateurs de bande dessinée des deux pays.
Les jeunes s'intéressent-ils assez à la bande dessinée aujourd'hui, en France et en Turquie ?
Oui, en France, 30 millions de bandes dessinées se vendent chaque année. En Turquie, où le marché de l'album est balbutiant, j'ai pu assister ces dernières années à une multiplication de titres et de nouvelles créations. L'impulsion est donnée. L'expansion dépendra de la capacité du marché turc à organiser une distribution performante. L'Internet est un atout, que ce soit sous la forme de livres ou de fichiers numériques, car toutes les bandes dessinées se lisent sur tablettes. Il faut maintenant que les auteurs turcs et francophones collaborent. L'année dernière, Istanbulles accueillait une rencontre avec des éditeurs turcs et des éditeurs français. Cette année, l'un des plus prestigieux éditeurs français, Dupuis, organise un speed dating avec des auteurs turcs afin qu'ils soient publiés en France.
Propos recueillis par Laurène Perrussel-Morin (http://lepetitjournal.com/istanbul.html) mercredi 29 mai 2013
