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ISTANBUL, HIER ET AUJOURD'HUI – Yedikule ou le château des sept tours, prison d'un consul de France

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 9 mars 2015

Chantal et Jacques Périn, infatigables voyageurs dans l'Istanbul d'hier et d'aujourd'hui, nous reviennent avec une nouvelle série de voyages dans le temps, quelque part entre Constantinople et Istanbul. Aujourd'hui, ils nous emmènent à Yedikule...

Yedikule (hier)

Construite en 413 sous le règne de Théodose II, la forteresse encadrait initialement l'une des plus grandes portes des murailles terrestres, la Porta Aurea (la Porte d'Or).

Photographes Sebah et Joaillier (circa 1890)

Si à l'origine, le bâtiment ne comportait que quatre tours, les trois autres furent ajoutées en 1458 par le sultan Mehmet II et c'est à partir de cette transformation que l'édifice prit son nom de château des sept tours.

Yedikule fut d'abord utilisé comme réserve du trésor puis fut affecté à l'usage de prison pour les Stambouliotes, dans un premier temps et, par la suite, pour les ambassadeurs étrangers en disgrâce.

C'est ainsi que le français François Charles Hugues Laurent Pouqueville, médecin, diplomate, voyageur et écrivain eut la malchance d'y passer plus de deux ans.

Arrêtons nous un peu sur son histoire?.

Après avoir accompagné Napoléon 1er lors de l'expédition d'Egypte, il est capturé par des pirates puis emprisonné, une première fois, à Constantinople.

Libéré quelques temps après, il est nommé Consul général de France par Napoléon, ce qui lui permet de voyager dans tout l'Empire ottoman durant une quinzaine d'années pendant lesquelles il contribue activement à la rébellion grecque, ce qui est loin de réjouir le Sultan.

Chargé de négocier l'échange des prisonniers avec Nelson, suite à la première bataille d'Aboukir en 1798, il décide de rentrer en France pour soigner une mauvaise fièvre contractée en Egypte.

Pris dans une tempête, son bateau doit faire escale en Grèce où il est capturé une nouvelle fois et passe quelques mois dans les geôles de Tripolitza.

Au printemps de l'année 1799, le Sultan ordonne son transfert à Constantinople, où il passera deux ans au Château des sept tours.

Durant son séjour forcé, il s'attache à porter secours et à soigner les autres membres de l'Ambassade de France qui y sont emprisonnés dans des conditions d'hygiène abjectes, les Anglais ayant insisté auprès du Sultan pour qu'il en soit ainsi à l'égard des Français.

Sa renommée de médecin se répand vite chez ses geôliers qui profitent également de ses talents de thérapeute. Pouqueville bénéficie d'un régime de semi-liberté, ce qui lui permet de visiter discrètement les alentours de la forteresse.

Le 24 juillet 1801, grâce à l'insistance du gouvernement français appuyé par la diplomatie russe, il est enfin libéré et rentre en France.

Elu à l'Académie des inscriptions et belles lettres, nommé membre de l'Institut d'Egypte, membre honoraire de l'Académie de Médecine, il est décoré de la Légion d'honneur en 1811.

Auteur de nombreux ouvrages sur les rapports conflictuels entre la Grèce et la Turquie, il devient un familier des "salons parisiens'' et se lie d'amitié avec la Comtesse de Ségur, Chateaubriand, Alexandre Dumas et le sculpteur David d'Angers qui réalisera le bronze qui orne sa tombe. Près 68 ans d'une vie à épisodes parfois mouvementés, François Charles Hugues Laurent Pouqueville décède le 20 décembre 1838 et repose au cimetière du Montparnasse à Paris.

Mais que cette histoire franco-française n'occulte pas les autres événements dont ces funestes murs furent les témoins.

Parmi les hôtes célèbres qui y séjournèrent parfois juste le temps d'une exécution, on compte également  le Kahn de Crimée, le dernier Calife abbasside Mutevekkil IV et David Commène, dernier empereur de Trébizonde qui avait usurpé le trône après la mort de son frère.

Consentant à aliéner ses Etats à ceux du sultan Mehmet II en 1458, à condition toutefois que le Sultan épouse sa fille Anne et que lui-même ait la vie sauve, il verra son premier souhait réalisé mais finira assassiné quatre ans plus tard à Yedikule, avec sept de ses fils.

Et pour conclure ce joli tableau, il serait injuste d'oublier que le jeune sultan Osman II (1603-1622) y fut enfermé puis étranglé à l'âge de 18 ans pour s'être opposé au pouvoir trop important des janissaires.

 

Yedikule (aujourd'hui)

Est-ce la sombre réputation du lieu ou est-ce sa position éloignée du centre historique qui justifia son long abandon au point de menacer ruine ?

J.P. (2014)

Délaissées et abandonnées pendant de nombreuses décennies les sept tours : des Pylons nord et sud, des Epitaphes, des Canons, d'Ahmed III, du Trésor et du Drapeau ont bien failli disparaître sous la végétation sauvage.

Plusieurs fois sommairement réparé, Yedikule a été gratifié de 1958 à 1970 d'une importante campagne de restauration effectuée sous la direction de Madame Cahide Tamer, une des premières femmes architectes turques.

Le château a certes perdu beaucoup de ses bâtiments, ne serait-ce que la petite mosquée construite au centre de la cour et dont il ne reste qu'un moignon de minaret... Il n'en demeure pas moins un décor souvent utilisé pour le tournage de films et un lieu idéal pour l'organisation d'activités culturelles et de concerts.

Jacques et Chantal Périn (www.lepetitjournal.com/istanbul) mardi 10 mars 2015

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Publié le 9 mars 2015, mis à jour le 9 mars 2015
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