CULTURE - Des lutteurs à l’huile d’olive

La ville d'Edirne a accueilli la semaine passée une compétition de lutte unique au monde. Au rendez-vous chaque année sur l'ïle de Kirkpinar, les lutteurs s'enduisent traditionnellement d'huile d'olive avant de combattre. Populaire à souhait, ce rendez-vous incontournable de la culture turque a célébré ce week-end sa 648ème édition. Retour sur une semaine de festivités, de traditions, et de célébrations de lutteurs venus d'un autre temps

Sous un soleil de plomb, les lutteurs ont parfois combattu pendant presque une heure sans s'arrêter (Photo A. Godet)

Située à deux heures et demie d'Istanbul, Edirne est connue historiquement pour avoir été la capitale de l'Empire ottoman de 1416 à 1453, traditionnellement pour ses combats de lutte particuliers. Le stade est moderne pour un sport qui semble venu d'un autre temps. Au son rythmé des "davulcu", joueurs de davul, les "pehlivan", appellation traditionnelle des lutteurs, se plient respectueusement aux coutumes. Un cérémonial précis pendant lequel chaque lutteur est d'abord présenté. Les combattants se livrent ensuite à un défilé dans les herbes hautes qui ornent le terrain de combat.
 
Un certain nombre de gestes sont exécutés par les lutteurs aux quatre coins du stade. En se croisant, ils se saluent à de multiples reprises, de manière différente et dans un ordre précis. Puis s'engage un combat d'une durée de 55 minutes maximum. Depuis 1975, une réforme du sport évite en effet des affrontements pouvant durer plusieurs jours. Chaque combattant doit porter un pantalon traditionnel appelé "kispet", d'un poids de 13 kilos, enduit également d'huile, rendant toute prise délicate. Une des techniques surprenantes utilisée par un lutteur consiste alors à placer sa main dans le pantalon de son adversaire pour le maîtriser.

Des combats sous le regard attentif des spectateurs, certains ont même parié sur leur favori (photo A. Godet)

La lutte à Edirne assurée en 2010
La 648ème édition a enregistré la participation de 1.578 combattants de tous âges et originaires de toutes les régions turques. C'est le combattant d'Antalya, Mehmet Yesil, qui remporte cette année le titre de "bas pehlivan", celui de "champion de la Turquie", et les 16 000 TL qui vont avec, en mettant à terre le double tenant du titre, Recep Kara. Entre 8.500 à 10.000 spectateurs ont afflué vers le stade Kirkpinar durant les trois jours de compétition. Parfois venus en famille, les adeptes de lutte à l'huile viennent aussi profiter de l'ambiance festive qui règne durant la semaine dans la ville, et autour du stade avec de nombreux restaurants, des petits commerces ou bien encore une fête foraine installée pour l'occasion.

Le président turc, Abdullah Gül, a également fait le déplacement pour assister à la finale. Le troisième jour des combats, celui des finales, est aussi celui où l'on prépare la saison suivante. L'appel d'offre pour les candidats voulant devenir actionnaire principal a lieu dans le stade même, alors que les combats se poursuivent. Pour 250.000 TL, c'est l'actionnaire actuel qui conserve la main sur le site pour l'année 2010. Sous les applaudissements d'une foule reconnaissante, ce dernier a choisi de faire un tour d'honneur, main dans la main avec les autres candidats qui ont voulu faire vivre une tradition, et lui donner les moyens de perdurer.

Adrien Godet (www.lepetitjournal.com / istanbul) mercredi 8 juillet 2009.