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70% des jeunes Kurdes victimes de discrimination en Turquie : enquête

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Écrit par Albane Akyüz
Publié le 21 décembre 2020, mis à jour le 11 janvier 2024

Une enquête menée par l’Institut de sondage Rawest (basé à Diyarbakır) a révélé qu'environ 70% des jeunes Kurdes en Turquie sont, rarement ou fréquemment, victimes de discrimination. Les jeunes Kurdes pointent aussi les problèmes qu’ils rencontrent au regard de leur langue maternelle.

Pour cette enquête sur "La vie des jeunes Kurdes : connaître et comprendre les jeunes", l’Institut Rawest (en collaboration avec l’Ambassade britannique, la Fondation YA-DA, le Centre d’études kurdes, et avec le soutien de la Fondation Heinrich Böll Stiftung) s'est entretenu avec plus de 1500 personnes à travers la Turquie, à Diyarbakır, Van, Mardin, Şanlıurfa, Mersin, Adana et İzmir.

Une forte discrimination constatée

Selon l'enquête, il ressort que sept participants sur 10 ont déclaré être "rarement ou fréquemment victimes de discrimination", tandis que 28% ont déclaré ne jamais avoir vécu tel traitement.

 

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Il est intéressant de noter que ces discriminations sont plus marquées au sein de la population kurde qui vote pour le Parti démocratique du peuple (HDP).

Ces discriminations peuvent affecter les relations amoureuses : l’étude souligne que près de la moitié des jeunes Kurdes (44%) ne veulent pas d'un(e) petit ami turc / petite amie turque.

La jeunesse kurde a tendance à penser que les préjugés à l’égard des Kurdes se rencontrent particulièrement à l'ouest du pays. Ils associent aussi cette discrimination à la télévision turque, et au fait que les politiques, ces deux dernières années notamment, envoient des messages négatifs concernant les Kurdes. Les réseaux sociaux, où la discrimination se manifeste ouvertement, ont aussi leur part de responsabilité.

Les difficultés liées à l'emploi 

Si 30% des personnes interrogées sont étudiantes, l'enquête montre que seuls 34% ont une activité professionnelle, dont 24% travaillent comme ouvriers non qualifiés ; le chômage chez les jeunes Kurdes est donc élevé. 

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L’enquête souligne que les femmes sont considérées comme plus désavantagées par rapport aux hommes.

Politique et religion chez les jeunes Kurdes

Quatre jeunes Kurdes sur cinq qui votent pour le Parti de la justice et du développement (AKP) soulignent leur identité de "musulman", alors que ce ratio n’est que 33% parmi les électeurs du HDP.

L’enquête souligne que la frange anti-AKP s’éloigne de la religion.

Les jeunes Kurdes sont moins "religieux" qu’il y a cinq ans, 17,3% se considèrent d’ailleurs athéistes, agnostiques, ou encore déistes.

Mécontentement général sur la vie en Turquie

Les personnes interrogées sont moins satisfaites de leur vie en Turquie (dans leur ville de résidence), en comparaison avec les Turcs en général.

On note que ceux qui vivent à l'ouest sont un peu plus pessimistes en raison de la discrimination à laquelle ils sont confrontés.

Les problèmes concernant la langue kurde

Les jeunes Kurdes ayant participé à l’enquête ont cité, avant même la discrimination, les difficultés liées à leur langue maternelle (son absence de reconnaissance), comme le plus gros de leurs problèmes.

 

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Ils sont d’ailleurs nombreux à renoncer à leur langue maternelle au profit du turc seulement. Ce phénomène s’observe particulièrement dans l’ouest de la Turquie, où un jeune Kurde sur deux aurait immigré seul (pour les études ou l’accès à l’emploi).

Enfin, l’enquête constate que les Kurdes s’éloignent de la "radicalisation". Cela s’expliquerait notamment par les valeurs que nombreux partagent avec Selahattin Demirtaş, l'ancien coprésident du HDP, emprisonné depuis novembre 2016.

La jeunesse kurde dresse donc un tableau plutôt négatif sur sa vie en Turquie dans cette enquête. En effet, une grande partie demeure mécontente de la vie qu’elle mène dans le pays ; elle doit faire face à des discriminations et à des difficultés financières, et même si elle cherche à s’intégrer (dans l’ouest principalement), la revendication de son identité culturelle reste forte.

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Pour aller plus loin : Interview (en turc) de Reha Ruhavioglu, de l’Institut Rawest

 

Albane Akyüz
Publié le 21 décembre 2020, mis à jour le 11 janvier 2024

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