Depuis une vingtaine d'années, en France et ailleurs en Europe, on peut découvrir l’art tribal indien au travers d’expositions consacrées à un ou plusieurs artistes. Cet art peut prendre plusieurs formes, mais c’est surtout sous la forme picturale qu’il est parvenu en Occident. Chaque ethnie ou tribu (adivasi en hindi) possède ses propres techniques et styles de représentation liés à ses traditions et à sa culture.
Aujourd’hui, la rédaction vous présente les peintres Bhils avec l’assistance de Christian Journet de l’association Duppata.
Les Bhils, l’un des trois plus grands groupes tribaux de l’Inde
Les Bhils résident principalement dans le Centre Ouest du pays, en particulier dans les Etats du Gujarat, Madhya Pradesh, Chhattisgarh, Maharashtra et Rajasthan. Organisés en clans et en sous-groupes souvent endogames, ils sont particulièrement présents de part et d’autre de la frontière entre le Gujarat et le Madhya Pradesh et sont pour la plupart agriculteurs (source association Duppata).
La langue bhil est d’origine indo-aryenne et offre beaucoup de proximité avec le gujarati. La plupart des Bhils parlent aujourd’hui la langue de la région dans laquelle ils habitent soit le marathi, le gujarati ou un dialecte hindustani.
Les maisons sont simples avec, très souvent, une première pièce pour accueillir des invités, une seconde pour le cercle familial restreint, comprenant un espace pour cuisiner sur le sol, un autre pour dormir, un autre pour le stockage des céréales et un coin pour les vaches et les chèvres. Les mariages peuvent être d’amour ou arrangés, mais la dot, contrairement aux pratiques hindoues, est versée par la famille du futur époux à celle de la mariée (source association Duppata).
Bien que maintenant très influencés par l’hindouisme, les Bhils ont des croyances et des rituels spécifiques. Dans les forêts ou à l’entrée des champs, des stèles et des statues témoignent d’une activité intense en hommages aux divinités et aux ancêtres. Certains lieux sacrés, généralement à l’abri d’un banian, sont particulièrement animés lors des grandes cérémonies annuelles (Diwali, fêtes de la mousson...) et peuvent être dédiés à des divinités différentes ; les offrandes en terracottas (chevaux et poteries) et les sacrifices d’animaux sont très codifiés : des chèvres pour la divinité principale Baabdev, des poules pour Savanmata, ou des coqs et des œufs pour Poliyadev. Ces cérémonies sont souvent l’occasion de boire beaucoup de ‘‘mahua’’ (boisson fermentée issue de la fleur du madhuca latifolia) ou du ‘‘shindy toddy’’ (autre boisson fermentée, issue du dattier) (source association Duppata).
La peinture Bhil
La peinture Bhil est caractérisée par l’utilisation de points multicolores pour colorier l'intérieur des formes représentées.
Comme la plupart des peintures tribales, elle est originellement exécutée sur les murs des maisons lors de rituels qui célèbrent les événements ayant lieu dans la tribu ou pour remercier les divinités. C’est en réalité un travail très codifié qui laisse peu de place à l’imagination. Seule la dextérité du peintre fait la différence. L’important est l’acte de faire. La réalisation de la peinture est inséparable des chants qui l’accompagnent. Le peintre est un des acteurs du rituel. Il n’est pas un artiste.
Les 2 rituels principaux sont :
- les ‘‘barradhis’’, à l’occasion des mariages pendant lesquels une fresque est réalisée sur un mur de la maison par une femme pendant que d’autres femmes entonnent des chansons de mariage. Chaque fresque contient une figure géométrique sacrée dans laquelle sont représentés les futurs époux, le soleil et la lune. Au-dessus de cette fresque doit figurer l’illustration d’un manguier et d’un paon.
- les ‘‘pithoras’’, principalement destinés à remercier les divinités pour les bonnes récoltes et qui sont réalisés uniquement par des hommes. Le mot pithora désigne une divinité qui est considérée comme la deuxième dans l’ordre protocolaire, après Baabdev. Et c’est ainsi que les fresques réalisées à l’intérieur des maisons représentent des divinités sous forme de chevaux, avec ou sans cavalier. Les couleurs permettent de les identifier.
(source association Duppata)
Parmi les peintres Bhils les plus connus
Dans les années 80 cependant, certains peintres ont été repérés et soutenus par Jagdish Swaminathan, un des artistes-peintres-poètes-écrivains les plus influents de la fin du XXe siècle en Inde :
- Pemma Fatia, qui est malheureusement décédé en avril 2020 dans son village à la frontière entre le Madhya Pradesh et le Gujarat.
- Bhuri Bai et Ladoo Bai, qui ont toutes deux rejoint la ville de Bhopal pour davantage se faire connaître et reconnaître. Chacune s’est libérée des contraintes graphiques de la peinture traditionnelle pour laisser libre cours à son imagination et utiliser de nouvelles techniques. Toutes deux travaillent régulièrement avec le Museum of Tribal Art de Bhopal, dont elles ont assuré une partie des peintures murales. Bhuri Bai a fait partie du groupe restreint de peintres vernaculaires indiens invités aux Rencontres Internationales de Santa Fé (USA) en 2015.
Ces peintres ont fait ‘‘école’’ dans leur propre famille ou parmi leurs proches. Aujourd’hui une vingtaine de peintres Bhils exposent leurs travaux lors de différentes expositions en Inde, mais aussi à l’étranger :
- les membres de la famille de Bhuri Bai : Anil Barya, Kamila Barya, Kamlesh Barya, Shanta Burya, sa fille et Sher Singh, un de ses fils,
- Subbash Amliyar, qui a appris d’un autre peintre moins connu.
Focus sur une peintre Bhil : Shanta Burya
Shanta Burya est née en 1983. Elle vit à Jhabua, petit bourg du Madhya Pradesh, à la frontière avec le Gujarat. Elle est la fille de Bhuri Bai, chef de file de la peinture Bhil découverte par Swaminathan, qui travaille aujourd’hui au Museum of Tribal Art de Bhopal.
De sa maman, elle a appris le respect pour la nature, le rôle essentiel des arbres, des oiseaux qui y vivent et des esprits qui les habitent. Elle-même maman de 4 enfants, elle n’a vraiment commencé à exposer ses œuvres qu’à partir de 2011, dans quelques villes indiennes. En 2019, elle fut invitée pour présenter ses œuvres en région lyonnaise. Le début de la consécration…
Une vente éphémère de peintures de Shanta Burya
Depuis une dizaine d’années, l’association Duppata organise au printemps des expositions, des spectacles de contes, des conférences, des ateliers… sur l’art tribal indien. Cette année, dans l’attente de jours meilleurs, elle a décidé de mettre régulièrement en lumière quelques peintres et de proposer à la vente plusieurs de leurs œuvres.
Pour la période du 15 au 31 mai 2020, c’est la peintre Bhil Shanta Burya qui est mise à l’honneur. Pour découvrir les œuvres proposées par Shanta Burya, cliquer ici.
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