Édition internationale

Plastic Odyssey sur les mers du globe

Deux Français, un programme de recyclage des déchets de plastique et un bateau-usine de 40 mètres, accosteront à Chennai du 1ᵉʳ au 22 mars 2025.

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Écrit par Anaïs Pourtau
Publié le 13 février 2025, mis à jour le 20 février 2025

 

Alaric est l’interlocuteur du Petit Journal lorsqu’il vient à Pondichéry. Il est d’abord arrivé en éclaireur à Chennai pour préparer l’arrivée du bateau et de l’équipage. C’est lui qui présente le projet en amont et active le réseau des interlocuteurs sur place.

Il est ingénieur de profession et marin par amour de la mer et des vastes horizons. Après deux années de navigation et de bateau stop, il a maintes fois eu l’occasion de se désoler de la pollution qui enlaidit les côtes maritimes de la planète et empoisonne les mers. Lorsqu’il a entendu parler du projet de plastique Odyssey, qui avait besoin d’un éclaireur autonome pour compléter l’équipage, Alaric a rejoint le projet. Depuis 9 mois, il participe ainsi à l’aventure.

 

La genèse de Plastic Odyssey 

Ils portent le projet de l’ONG, pour agir et trouver des solutions avant que les déchets plastiques n’atteignent les océans.

Simon est officier de marine marchande. Alors qu’il accoste au Sénégal, près de la plage de Hann autrefois paradisiaque, il trouve une plage dépotoir où arrivent les égouts de Dakar.

C’est ainsi qu’il raconte la genèse de son projet « si on arrive à faire en sorte de transformer tout ce plastique avant qu’il n’arrive dans l’Océan, on en débarrassera les côtes marines et on donnera du travail... ». Il refuse l’inéluctable.

 

« Chaque minute, c’est plus de 18 tonnes de déchets qui se déversent dans l’océan. »

Aux côtés d'Alexandre, avec qui il a étudié à l’École Nationale Supérieure Maritime, et de Bob, ingénieur, ils conçoivent un projet ambitieux qu’ils baptisent Plastic Odyssey.

Ils vont construire Ulysse, un prototype flottant de six mètres équipé d’une pyrolyse pour fabriquer du carburant avec les déchets plastiques.

Ainsi, ils se font connaître et attirent les sponsors français prêts à financer leur projet. Ils peuvent alors acheter un ancien navire océanographique.

Durant six ans, dont une année de Covid, ils préparent leur expédition, six années faites d’espoir, de galères, d’attente, d’angoisses, de persévérance. Le chantier naval pour retaper leur bateau a duré trois ans, bien plus que ce qu’ils avaient prévu.

 

En route pour les 30 pays côtiers les plus pollueurs

Lorsque le navire part enfin de Marseille, l’équipe est formée de 15 personnes.

 

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Le bateau Plastic Odyssey. Source : https://plasticodyssey.org/en/

 

Le bateau est devenu un laboratoire flottant qui possède 200 m2 d’espace technique où sont installées des machines low-tech, simples, facilement réparables et peu onéreuses, du matériel pour recycler du plastique et le transformer en produits finis, une zone d’exposition des produits recyclés lors des escales, une autre d’objets alternatifs au plastique et une salle de conférences.

Le voyage doit durer trois ans, d’abord les côtes de la Méditerranée pour rejoindre le Liban, l’Afrique du Nord puis traverser le détroit de Gibraltar pour les côtes d’Afrique de l’Ouest, avec pour objectif de former à chaque escale des entrepreneurs à l’utilisation des machines pour transformer des déchets en objets durables, implanter des micro-usines répondant aux besoins de production et partager des solutions et des idées innovantes qui pourront être intégrées au laboratoire et voyageront à travers le globe.

 

« On s’habitue à la pollution lorsqu’on y vit depuis toujours. »

Deux missions : Construire le futur et nettoyer le passé

La première concerne toutes les actions pédagogiques en direction des écoles et universités en informant sur les actions, la prévention, à travers des films et des expositions commentées sur le bateau. 

La seconde concerne cet héritage des déchets de plastique et la prise de contact avec des entrepreneurs locaux engagés et inspirants qui collectent et recyclent déjà ces déchets. Ensuite la visite documentée des centres de tri et les rencontres avec les acteurs du secteur informel.

 

plastic odyssey

À chaque escale, le navire accueille dix entrepreneurs engagés dans le recyclage des déchets pour bénéficier de leurs retours d’expériences dans le tri et le développement de produits finis à partir des déchets plastiques.

 

« L’objectif est de construire une communauté d’entrepreneurs, on documente les meilleures solutions qui peuvent être collectées aux quatre coins du monde. »

 

L’Inde, entre pollution et solutions innovantes

À Chennai, du 4 au 7 mars, dix entrepreneurs indiens sont invités à bord du navire. L’Inde est le 33 ème pays visité.

 

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Page de Pondychery.  Photo de l'auteur

 

L’Inde serait le deuxième plus grand émetteur de pollution des mers, avec plus de 120000 tonnes de déchets plastiques par an. C’est aussi l’un des pays où il y a le plus d'innovations pour recycler et downcycler le plastique en produits finis.

Le downcycling ou décyclage en français, est un procédé de recyclage qui transforme des matériaux de récupération en produits de moindre qualité que les matériaux d'origine.

Pendant quatre jours, entrepreneurs et équipes échangeront sur les enseignements collectés lors des escales passées, partageront leurs expériences et exploreront ensemble des solutions innovantes pour recycler et transformer le plastique en produits finis. 

Si vous souhaitez participer à cette formation : cliquez ici. 

Un travail de collaboration est déjà en route avec une entreprise locale Kabadiwalla Connect. Son fondateur a déjà fait un énorme travail d’enquête et d’information sur le secteur informel de Chennai. Celui-ci est très innovateur et a l’expérience en termes de finalité économique des récoltes de déchets.

Par ailleurs, un programme de mutualisation est prévu avec la fondation MSSRF (MS  Swaminathan Research Foundation), qui travaille avec les communautés de pêcheurs au Tamil Nadu. Ceux-ci sont les premiers exposés à la pollution plastique et ils pourraient aussi être en première ligne pour organiser sa collecte.

 

Étudier des solutions, des initiatives locales pour les mettre en réseau

Plastic Odyssey est à la fois une ONG et une entreprise. Le travail de l'ONG Plastic Odyssey est de documenter les solutions viables, partager les connaissances acquises, créer un réseau mondial d'acteurs locaux , promouvoir et sensibiliser sur l'utilisation de produits naturels en alternative au plastique. Le tout en traversant le monde sur un navire laboratoire.

L’ONG s’assure surtout de trouver des débouchés, des entreprises qui s’engagent à acheter ces produits finis sur les 5 prochaines années. Ensuite, le suivi des projets est assuré par une communauté d’entrepreneurs.

Plastic Odyssey factory

Depuis maintenant deux ans, l'ONG a créé sa propre entreprise.

“On équipe l’intérieur de conteneurs de bateaux en les transformant en une unité de recyclage, avec un partenaire local, pour qu’elle puisse alimenter, clé en main, un réseau décentralisé de transformation du plastique”.

Nous fonctionnons sous forme de franchise : on construit l’unité de recyclage, qu’on installe au plus près de la ressource, ce qui permet de faire de l’ingénierie sociale en créant des emplois. Ces unités sont disséminées partout dans le monde, surtout au Sénégal, aux Philippines, au Togo et en Guinée. L’idée c’est d’en faire un réseau décentralisé dans le pays, pour mutualiser des moules pour le plastique fondu, des outils de maintenance et pour pouvoir répondre à des appels à projets plus grands.

 

plastic odyssey

 

« Montrer que le plastique est de l’or » Mariam, entrepreneuse guinéenne. 

À Conakry, Mariam a transformé son atelier en véritable entreprise de recyclage en collectant les déchets plastiques et en les transformant, après avoir fait fondre et moulé  la matière en pavés, qu’elle revend à des entreprises de travaux publics. Elle est à la tête d’une micro-usine équipée de machines adaptées et a lancé sa production grâce au soutien des Nations Unis. Mariam fait aujourd’hui partie du maillage des dizaines d’entrepreneurs avec qui elle pourra partager ses expériences.

Un documentaire de Canal+ retrace à travers les continents, les rencontres d’entrepreneurs et la mise en œuvre de projets élaborés avec l’équipe de Plastic Odyssey.

Actuellement le bilan de Plastic Odyssey c’est :

  • 25.000 miles nautiques parcourus en 6 mois
  • 560 jours d'escales dans 27 pays
  • 230 initiatives de recyclages documentées
  • 415  entrepreneurs formés à bord. 
  • 7 unités de recyclages opérationnelles 
  • +5000 enfants accueillis à bord. 

 

Et après ?

Quels projets pour votre bateau usine, après ces trois ans d’odyssée sur les mers du globe ?

Peut-être reproduire cet “impossible nettoyage”, comme nous l’avons fait dans le Pacifique sud pour l’île d’Henderson qui appartient au patrimoine de l’Unesco. Une des îles désertes les plus isolées au monde, hélas sur la trajectoire des courants qui y portent les déchets plastiques et dont les plages sont envahies de micro et macro-plastiques.

Une barrière de corail protège l’île. En 2019, une première expédition a collecté six tonnes de déchets, sans pouvoir hélas, les faire passer de l’autre côté de la barrière corallienne. Il semblait que la seule solution soit le transfert par hélicoptère.

En février 2024, Plastic Odyssey a obtenu une autorisation spéciale, de courte durée pour se rendre sur cette plage. Confrontée à un défi logistique, l’équipe a développé deux solutions : un radeau pour les transferts maritimes quand les conditions le permettaient, et un dispositif associant un moteur de moto, un treuil et un parachute ascensionnel pour acheminer les sacs de déchets vers le bateau. Une opération réussie, ouvrant des perspectives pour la récupération des déchets en zones difficiles d’accès.

Pour cela il serait nécessaire par la suite d’augmenter la capacité de recyclage à l’intérieur du navire, pour effectuer des missions de transformation de déchets macro-plastiques  avant qu’ils ne subissent le processus de dégradation en micro-plastique. 

L’enthousiasme de ces jeunes gens est contagieux. Loin d’être de doux rêveurs, leurs compétences techniques, forgées par des études poussées et une solide expérience, font d’eux des acteurs crédibles et efficaces. Ils mettent aussi en lumière ceux qui, partout dans le monde, agissent. 

Ils vont sur le terrain, à la recherche des solutions concrètes tout en continuant leur apprentissage grâce aux expéditions. Le but est de prototyper rapidement des solutions, qui puissent se répliquer aux 4 coins du monde et s'appuient sur la force d'une communauté engagée.

En Inde, les déchets plastiques jonchent les sols, omniprésents, comme s’ils étaient partie intégrante du paysage.

Prévenir, informer, agir : un travail de Sisyphe. Ne rien faire serait bien pire.

Et si vous souhaitez vous impliquer auprès de Plastic Odyssey, vous pouvez les contacter via internet, LinkedIn; ou encore Instagram

 

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Pour en découvrir plus : rendez-vous sur youtube.

Un grand merci à Alaric et à l'équipe de Plastic Odissey pour le temps accordé.

 

 
 
 
 

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