Parti s’installer en Inde par soif d’aventure, Constantin Le Blan y a aussi effectué un virage professionnel en se passionnant pour le métier artisanal de la broderie. Retour sur le parcours atypique de ce Français ayant fait de Bombay sa ville d’adoption.
Diplômé de la faculté de droit de Nanterre, Constantin Le Blan part une année travailler en Chine pour la société Louis Vuitton et s’occupe de propriété intellectuelle. De retour à Paris, il décide de changer de métier et reprend ses études avec un master en ressources humaines à l’Université Panthéon-Assas. Son deuxième diplôme en poche, il réintègre le groupe LVMH à Paris dans le département RH.
Mais, après quelques années, l’envie d’aventure et de vie nouvelle le tenaillant, il songe à nouveau à quitter la France. Cette fois-ci, le choix du pays dans lequel il allait tenter sa chance se fait à deux. Le couple réfléchit aux différents critères de sélection de son nouveau pays d’accueil (intérêt professionnel pour les deux personnes, pays exotique dans lequel il fait chaud et dans lequel la culture est variée…) et la liste se réduit à deux nations : le Brésil et l’Inde. Connaissant déjà bien le Brésil, ils décident d’aller vers une expérience nouvelle et se concentrent sur l’Inde. Rapidement, tous deux ont une opportunité de travail et c’est le départ. LVMH propose à Constantin un poste à Delhi ou à Bombay et, après quelques jours dans chacune des deux mégalopoles, ce dernier a un coup de cœur pour “Maximum City”.
Un jour, je vivrai en Inde !
C’est ce que Constantin, encore adolescent, aurait déclaré à ses parents lors d’un voyage familial au Kerala.
Départ pour l’Inde
Il y a six ans, il s’installe à Colaba et devient le directeur du magasin Louis Vuitton de l’hôtel Taj Mahal Palace. N’ayant jamais travaillé dans le secteur de la vente au détail, il se retrouve face à un défi qu’il relève avec enthousiasme. “Mon rôle était celui d’un ambassadeur de la marque auprès des clients”, avance-t-il.
Cependant, il éprouve rapidement un sentiment dérangeant : il est toute la journée dans l’univers haut de gamme et climatisé de l’hôtel Taj Mahal Palace et, le soir, il se retrouve dans les rues de Bombay confronté aux inégalités criantes de la société indienne moderne et à la chaleur. “J’avais un peu l’impression d’être schizophrène et d’osciller entre luxe et misère !”, dit-il.
Pour essayer d’en faire plus pour les moins favorisés, Constantin devient volontaire pour l’ONG CORP India qui s’occupe entre autres des enfants des rues. Tous les samedis, il se rend dans une école d’un quartier pauvre de Bombay dans laquelle les enfants sont accueillis, douchés et nourris avant de recevoir des cours élémentaires et de se divertir avec les volontaires. Pour aller plus loin, il parraine un garçon qui a maintenant 17 ans. “Nous avons aussi emmené les enfants en balade le dimanche, ils ont ainsi pu voir autre chose.”, confie-t-il.
Changement de métier
Finalement, deux ans après son arrivée à Bombay, il quitte l’univers du magasin de luxe et se lance dans l’artisanat. Il s’associe avec un ami indien originaire du Tamil Nadu qui dirige un atelier de broderie et travaille pour les grandes maisons de couture européennes. Bombay est l’un des principaux lieux de savoir-faire de la broderie dans le monde, c’est là que les sociétés européennes font confectionner leurs broderies pour les défilés des collections de prêt-a-porter et haute-couture.
Aujourd’hui, Constantin partage son temps entre la gestion de l’atelier de Sewri, à l’Est de Bombay, dans lequel travaillent environ 300 brodeurs, l’accueil des clients européens lors de leurs visites en Inde et les rendez-vous clients en Europe.
Auparavant, je parlais des métiers de l’artisanat lorsque je présentais LVMH, maintenant je suis moi-même dans cet univers.
La société à laquelle Constantin est associé effectue la conception des broderies sur la base des inspirations fournies par le client, puis la production des pièces brodées. Le personnel comprend une équipe composée, outre les brodeurs, de designers issus des écoles de mode basées en Inde ou en Europe. Le processus complet peut prendre jusqu’à un mois. “La relation client est basée sur la confiance et construite sur le long terme.”, indique-t-il.
Constantin et la société avec laquelle il travaille sont très attachés à créer de bonnes conditions de travail et à valoriser le métier de brodeur. L’atelier est inspecté chaque année par les équipes d’audit des clients qui veillent au respect des normes internationales de travail. Les brodeurs sont tous des hommes musulmans qui viennent des états du Nord de l’Inde, Uttar Pradesh, Bihar et Bengale principalement et qui sont loin de leur famille restée “au village”. Ils habitent généralement en groupe dans des auberges et essaient de recréer l’environnement de leurs villages dans la mégalopole. “C’est une des raisons pour lesquelles il est important d’implanter les ateliers dans les quartiers musulmans.”, affirme Constantin.
Travailler avec des brodeurs indiens pour des maisons de couture européennes, c’est pour moi une façon de construire un pont entre le pays d’où je viens, la France et mon pays d’adoption, l’Inde.