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Catherine Suard : "L'expatriation en Inde est avant tout culturelle"

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Catherine Suard, Consule Générale de Pondichéry et Chennai
Écrit par Capucine Canonne
Publié le 14 janvier 2020, mis à jour le 19 décembre 2023

Bonjour Catherine Suard, et bonne année à vous ! Lepetitjournal de Chennai  est ravi de vous donner la parole en ce début d’année 2020 pour nous raconter un peu comment le Consulat accompagne les Français en Inde.

 

Bonjour lepetitjournal, je suis ravie de vous rencontrer et souhaite une excellente année 2020 par votre intermédiaire à tous les Français en Inde ou ailleurs qui vous lisent ! Permettez-moi en effet de parler d'abord un peu du rôle d’un Consulat, et particulièrement le nôtre. En fait, il y a deux termes à prendre en compte, c’est « consul » et « général ». « Consul » veut surtout dire la protection et la représentation de l’intérêt français, qu’il soit de la communauté française ou plus généralement des intérêts de la France dans le pays. Mais c’est d’abord lié à la communauté sur place. De ce point de vue-là, ce consulat est très important en Inde puisque nous concentrons les 2/3 de la communauté française en Inde. En effet, sur près de 9000 français enregistrés sur le registre des Français à l’étranger en Inde, 6000 sont enregistrés dans cette circonscription. Cette fonction consulaire est essentielle notamment sur le territoire de Pondichéry puisque la communauté est importante et par ailleurs très spécifique puisqu’elle n’est pas une communauté française « classique » (expatriée comme à Chennai) mais c’est bien une communauté française de plein droit, il n’y a aucune distinction avec les citoyens. Il faut toutefois  tenir compte du fait que ce sont des français d’origine de Pondichéry, les descendants de ceux qui ont fait le choix (au moment du traité de Cession en 1962) de rester français. Le service consulaire que nous fournissons est essentiellement de l’état civil, une fonction classique de mairie (enregistrement des actes, délivrance de passeports et cartes d’identité, titres de voyage) mais aussi une fonction d’assistance (allocations sociales, bourses scolaires…).  

Après le terme « consul », vient le terme « général » donc. Ce n’est pas une question de galon, « général » ici veut dire « généraliste ». C’est-à-dire qu’un consul général, dans sa circonscription, est le représentant de l’ambassadeur et du gouvernement, de l’Etat Français, dans tous ses aspects et ses domaines. En Inde, il y a 4 consulats généraux (Bombay, Calcutta, Bangalore et Pondichéry/Chennai) et chacun est, dans sa circonscription chef de poste et gère la relation entre la France et l’Inde, sous la responsabilité et le regard de l’ambassadeur. Cela veut dire toute la diplomatie d’influence et la diplomatie économique. Petite remarque au passage, l’ensemble des consulats généraux en Inde sont tenus par des femmes, une équipe féminisée ! C’est une vraie politique, soyons clair, puisque le ministère favorise l’égalité hommes-femmes dans les hautes fonctions diplomatiques.

 

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Les consulats de France en Inde occupés pour la 1ère fois par des femmes 

 

Pourquoi avoir ouvert un bureau à Chennai ?

 

Notre consulat est le seul qui a cette double implantation, liée à l’histoire et la réalité de l’Inde avec le développement des intérêts français dans le Tamil Nadu (2 ou 3e contributeur au PIB Indien) ; beaucoup d’investissements français se concentrent dans cette région et il était évident qu’il nous fallait ouvrir un bureau à Chennai. Depuis que nous avons ouvert ce bureau de France en octobre 2017, nous délivrons aussi les cartes d’identité et passeports, mais aussi les visas (80% des demandes viennent de Chennai), mais nous ne pouvons faire tout ce que nous faisons à Pondichéry, ce serait trop lourd. Nous faisons donc le maximum. Le bureau de Chennai  renferme aussi en son sein d’autres entités françaises comme Campus France qui promeut les études supérieures en France pour les indiens. C’est très important pour nous car une personne faisant ses études en France en devient facilement l’ambassadeur de la relation. Nous avons actuellement 10 000 étudiants Indiens en France et nous essayons d’atteindre pour 2025 le nombre de 20 000 étudiants. Il y a aussi un autre opérateur ici, plus indépendant, qui est Business France, en charge de l’accompagnement des entreprises dans leur développement à l’étranger, en particulier les PME et les ETI (en général les grandes entreprises ont leur propre dynamique à l’international). A travers Business France, nous voulons promouvoir l’investissement des Indiens en France (car une relation équilibrée doit se faire dans la réciprocité), et développer l’aspect French Tech ici, favoriser les échanges entre les 2 pays concernant la technologie, et accompagner les initiatives innovantes dans le Tamil Nadu.

 

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L'équipe du Bureau de France à Chennai lors de la visite de l'Ambassadeur de France, M. Emmanuel Lenain, en décembre 2019

 

Accompagnez-vous aussi des entrepreneurs qui souhaitent se lancer en Inde ?

 

Oui, Il y a effectivement des autoentrepreneurs et  des aventures individuelles, plutôt à Pondichéry qu’à Chennai, dû notamment à l’éco système lié au tourisme et la « french touch » (la restauration, les guest houses, la décoration d’intérieur, les agences de voyages…). A Chennai, je constate qu’il y en a moins, c’est surtout lié à des histoires personnelles, des rencontres qui donnent envie de poursuivre leur parcours professionnel en Inde. Pour être tout à fait honnête, la dynamique semble être fortement liée à des rencontres, de la confiance et du réseau et cela se construit dans le temps, ce qui suppose d’avoir…les reins solides ! Mais il y a quand même un véritable frein qu’il faut souligner, c’est le visa. Il y a un seuil de chiffre d’affaires à atteindre pour avoir droit au visa Business. Autant c’était une question pendant des années qui n’a pas été très effective, autant depuis quelques années les autorités indiennes sont vigilantes. Pourquoi ce changement ? Eh bien car aujourd’hui tout s’est informatisé et il est donc très facile de trouver quelqu’un qui ne remplit pas les conditions. Je ne pense pas qu’il y a une rigidité politique plus forte, je pense que le changement d’ère et le développement de l’Inde permet aux autorités indiennes de mieux appliquer leurs lois, et nous, étrangers, nous devons respecter ces lois.

Le consulat peut toutefois aider à faire comprendre des situations particulières, résoudre des difficultés ou des cas particuliers, mais la 1ère priorité pour une personne qui souhaite faire sa vie en Inde c’est d’abord de respecter la loi en Inde bien sûr. Je suis parfaitement d’accord pour dire que le seuil de Chiffre d’affaires peut être un frein pour des petites structures, et qu’il serait intéressant pour l’Inde de prendre en compte d’autres critères comme la création d’emplois ou l’impact positif sur l’environnement, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Nous ferons toujours notre maximum pour aider les aventures entrepreneuriales (fournir les informations, mobiliser l’ambassade, accompagner nos compatriotes, les orienter ou parfois les conseiller), mais, je le répète, dans la limite de la réglementation du pays.

 

Avec votre expérience [de nombreuses années en poste en Europe et Consule Générale en Inde depuis Août 2017], avez-vous des conseils pour travailler et vivre en Inde ?

 

Le principal conseil est plutôt général à l’international : une expatriation ou le souhait d’aller travailler dans un autre pays que le sien  suppose la démarche de sortir de sa zone de confort, se mettre un peu en risque et bien vérifier que l’on a les armes pour.  Je pense que d’une façon générale l’expatriation n’est pas une fuite. Le simple fait de sortir de chez soi créé une rupture avec cette zone de confort et donc, mieux vaut être bien armé et en bonne intelligence avec soi-même, sûr de soi et avoir plein de ressources plutôt que d’accumuler une fragilité avec une autre fragilité. Il faut partir du fait que dans la vie, on ne vous attend pas donc c’est à ceux qui bougent de faire l’effort, et pas forcément à ceux qui accueillent. Pour en venir à l’expatriation en Inde, je trouve que nos rapports avec nos interlocuteurs indiens sont très positifs : Ce sont des gens très agréables, cultivés, éduqués, qui ont une attitude très ouverte à l’égard des étrangers et une attitude d’interculturalité, d’inter-communautés très tolérante. Nous avons donc ici, tous les arguments d’une bonne intégration. En particulier à Pondichéry où la place française est quasi naturelle et où personne ne s’étonne de la présence ou la venue d’un français, et ce, grâce à notre histoire commune, dont les indiens sont d’ailleurs très fiers !

Au niveau de mon expérience, la comparaison est difficile car je suis plutôt une spécialiste de l’Europe et non de l’Asie, encore que je pense que l’Inde est tellement singulière que la comparaison avec d’autres pays d’Asie comme Singapour ou le Japon n’a pas plus de sens que la comparaison avec un pays d’Europe. L’enjeu de l’expatriation là-bas  est avant tout culturel. Quoique nous fassions et décidions ici, ce seront avant tout les indiens les gérants de leur avenir et leur évolution. L’inde, par son poids démographique, par sa place dans le monde, est un acteur incontournable de l’avenir de la planète et donc amener les indiens à avoir des collaborations avec nous est important et nous devons travailler dans ce sens.

 

Certains lecteurs sont frileux de venir en Inde s’y installer ou y voyager. Quels messages peut-on leur donner pour répondre à leurs doutes ?

 

Je comprends ce ressenti, par exemple la pollution, qui est en effet une réalité de l’Inde. Je pense à ce propos que les autorités indiennes sont très conscientes et savent que c’est un handicap non seulement pour leur propre pays mais aussi sa place dans le développement mondial. Je tiens à souligner qu’elles sont très « supporters » des accords de Paris de la COP21 sur le climat, et que nous sommes co-présidents avec l’Inde de l’alliance solaire internationale, que nous avons de nombreuses collaborations dans le domaine maritime etc… Je souligne que nous ne sommes pas aux niveaux de pollution de l’Inde du Nord, ici, à Chennai et Pondichéry. C’est d’ailleurs un argument mis en avant à Pondichéry : ici les indiens viennent marcher et respirer un bon coup ! Et même je trouve que Chennai est une capitale d’Etat relativement « verte » avec de nombreux espaces verts, la mer, la distance, où la population n’est pas « compactée ». Les autorités locales, mais aussi les entreprises tiennent à garantir une certaine qualité de vie.

Plus généralement, je conseille d’aller vraiment au-delà de l’image que les médias nous donnent parfois de l’Inde. Rappelons que c’est un continent et que la perception que l’on en a de loin est forcément une perception globalisante donc simplificatrice donc non réelle ; Chaque lieu, chaque Etat, chaque province, chaque région a ses spécificités. Un peu comme si on essayait de comparer la Suède et le Portugal ! Ce que je veux dire c’est que se contenter de l’information internationale sur l’Inde ne peut pas suffire à se faire une idée réelle d’un continent entier et de la façon dont on peut y vivre et voyager. Le pays est absolument magnifique !

Un grand merci pour votre temps et vos conseils ! Pour contacter facilement le Consulat de Pondichéry et Chennai, écrivez à consulat.pondichery.fslt@diplomatie.gouv.fr, ou rendez-vous sur leur site ou  leur page facebook 

 

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Inaugurations, hommages, rencontres économiques et politiques, état civil... Le Consulat représente la France en Inde et accompagne les Français sur place 

 

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