La réserve marine de la biosphère du golfe de Mannar est en alerte : les récifs coralliens commencent à montrer des signes précoces de blanchissement massif. La biosphère a déjà perdu près de 10% de sa surface en 10 ans. Le département des forêts de l'État a ordonné des tests rapides de la biosphère sous-marine pour évaluer la gravité de la situation.
Le golfe de Mannar : une merveille de biodiversité
Le golfe de Mannar, sur la côte sud-est de l'Inde, est une importante région de récifs coralliens. Doté de trois écosystèmes côtiers distincts, à savoir les récifs coralliens, les herbiers marins et les mangroves, il est considéré comme l'une des régions les plus riches du monde en termes de biodiversité marine. 4 223 espèces de plantes et d'animaux des formes primitives aux formes supérieures, vivent dans le golfe.
Les récifs, qui entourent 21 îles inhabitées, abritent une biodiversité incroyable et offrent aux pêcheurs leurs moyens de subsistance. Ces îles et les eaux côtières peu profondes ont été déclarées parc national marin du golfe de Mannar (GOMMNP) par le gouvernement du Tamil Nadu en 1986.
Les beaux récifs coralliens, qui servent de lieux de reproduction pour les poissons, agissent également comme des brise-lames naturels submergés, fournissant une protection aux côtes et réduisant les inondations. Selon une estimation, le bénéfice annuel moyen fourni par un hectare de récifs coralliens est de 350.000 dollars, soit 70 fois plus que celui des forêts tropicales.
Les coraux face à un épisode de blanchiment massif
Or, en raison de la vague de chaleur que subit le Tamil Nadu, ce parc national marin subit un épisode massif de blanchiment des coraux, bien plus important que prévu initialement.
Alors que la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOOA) en charge de la protection des ressources marines avait prévu qu'un épisode de blanchissement (dépérissement des coraux du notamment à la hausse des températures, qui se traduit par une décoloration de l’animal et du récif) se produirait entre la dernière semaine de mai et la première semaine de juin, le phénomène a commencé dès la troisième semaine d'avril.
Jagdish S Bakan, directeur de la réserve de biosphère du golfe de Mannar, a déclaré au journal The New Indian Express que le blanchissement des coraux avait d'ores et déjà été repéré dans certaines poches de la réserve la semaine dernière.
Bakan a assuré :"depuis l'alerte de la NOAA, nous surveillons constamment les massifs. L'Institut de recherche marine Suganthi Devadason (SDMRI) basé à Thoothukudi et le Centre national de gestion côtière durable (NCSCM) basé à Chennai ont été sollicités pour mener des études de modélisation et sur le terrain".
Les tests rapides, qui se dérouleront jusqu’en juin, sont prévus dans 11 îles sélectionnées au hasard dans le golfe de Mannar et sur certains sites de la baie de Palk afin d'obtenir des informations de première main.
La première étude a été menée du 22 au 27 avril 2024. D'après cette enquête, menée à Thoothukudi, Mandapam et dans la baie de Palk, la température dans le golfe de Mannar a dépassé le seuil de blanchissement et est d'environ 33 degrés Celsius. Les coraux ont commencé à blanchir. En particulier, le vaste genre de coraux Porites connaît un blanchissement généralisé, environ 50 % d’entre eux montrant des signes de blanchiment. Parmi ceux-ci, 10 % sont totalement blanchis. 10 à 20 % des autres genres de coraux massifs, tels que les Favites, Dipsastraea, Goniastrea et Platygyra, connaissent un blanchissement partiel.
D'après Bakan, les deux à trois prochaines semaines seront cruciales. "Si la région reçoit quelques bonnes pluies, le blanchissement diminuera. Si la température continue de rester au-dessus du seuil, la situation deviendra vraiment préoccupante. Nous prévoyons de poursuivre l'étude sous-marine une fois par semaine ou une fois tous les quinze jours. Lors de la prochaine enquête, l'ensemble des 21 îles du golfe de Mannar et des 5 sites de récifs de la baie de Palk seront couverts pour obtenir des informations détaillées sur la prévalence du blanchissement", a-t-il déclaré au journal The New Indian Express.
Des coraux en danger de disparition
Avant même cet épisode de blanchissement préoccupant, les coraux du golfe de Munnar étaient en fort danger d’extinction : au fil des ans, en raison du changement climatique et du stress anthropique, une partie importante de la couverture corallienne vivante a été perdue.
Lors du récent Sommet climatique TN 2.0, un rapport d'étude intitulé « Récifs coralliens du golfe de Mannar : Changements décennaux de l'état et paradigmes de gestion » préparé par l'Institut de recherche marine Suganthi Devadason (SDMRI) basé à Thoothukudi, qui est un institut pionnier dans la conservation des récifs coralliens, a été publié. Il a montré que la couverture corallienne vivante dans la région était passée de 37 % en 2005 à 27,3 % en 2021. Malgré des signes de reprise progressive, le rythme reste lent, avec une diminution de la superficie des récifs nette sur la même période : 11 060 en 2005 hectares pour 6 628 hectares De nombreux anciens sites de récifs sont désormais envahis par des macro-algues, avec actuellement 2 631 hectares dans un état dégradé.
Ces algues, de l’espèce des Kappaphycus alvarezii, une des espèces les plus invasives au monde, ont été introduites dans le golf de Mannar à des fins commerciales il y a une vingtaine d’années. Cette invasion, combinée à l'acidification des océans et leur réchauffement, ne fait qu’empirer la situation pour le golfe de Mannar.
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a prédit que les récifs coralliens mondiaux diminueraient de 70 à 90 % en cas de réchauffement global de 1,5°c d'ici 2100 et s'éteindraient si celui-ci atteignait 2°c ou plus. Selon le naturaliste Yuvan Aves, depuis février, plus de 50% des coraux du monde ont subi un blanchiment en raison des records de température. Le blanchiment des coraux est l’un des 7 points de bascule du changement climatique.