Le statut renforcé de Xi Jinping à l’issue de ce XXème Congrès du Parti (16 au 22 octobre) faisait peu de doute. Cependant, rares sont ceux qui avaient anticipé que le dirigeant de 69 ans manifeste aussi explicitement sa toute-puissance et brise autant de conventions.
Combattre le séparatisme de Taiwan
Outre l’inclusion dans la charte du Parti des concepts garantissant la primauté de l’héritage de Xi Jinping (les « deux affirmations » (两个确立) et les « deux soutiens » (两个维护), d’autres théories étroitement associées au dirigeant figurent également parmi les amendements, comme la « prospérité commune » et la « circulation duale », renforcant un peu plus l’influence idéologique du leader.
Le Congrès a également adopté une résolution stipulant qu’il faut « combattre et rejeter résolument toutes les tentatives séparatistes prônant l’indépendance de Taïwan ». Cela suggère que la réunification avec l’île sera l’une des priorités du Parti dans les années à venir.
Du point de vue des nominations, tous les éventuels rivaux de Xi Jinping ont été éjectés du Politburo et remplacés par des fidèles, au risque de commettre des erreurs de gouvernance en annihilant tout débat en haut lieu.
Le nouveau Comité Permanent du Parti
Lors de la présentation au public du nouveau Comité Permanent, ont emboîté le pas à Xi Jinping : Li Qiang (63 ans), Secrétaire général du Parti à Shanghai, contesté pour sa gestion calamiteuse du confinement de la ville au printemps dernier, qui deviendra sans doute Premier ministre ; Zhao Leji (65 ans), qui devrait présider l’Assemblée Nationale Populaire ; Wang Huning (67 ans), jusqu’alors responsable de l’idéologie, qui serait appelé à prendre la tête de la Conférence Consultative Politique du Peuple Chinois ; Cai Qi (66 ans), Secrétaire du Parti de la ville de Pékin qui prend la direction du Secrétariat général du Comité Central ; Ding Xuexiang (60 ans), actuel directeur du Bureau Central du Parti qui pourrait passer Vice-Premier ministre exécutif ; et Li Xi (66 ans), jusqu’alors Secrétaire de la province du Guangdong, qui devient le nouveau chef de l’anti-corruption.
Ce « casting », révélé quelques jours plus tôt par le Wall Street Journal et le SCMP, en a surpris plus d’un. En effet, Li Qiang n’a jamais occupé de fonction au Conseil d’État ; Wang Huning n’est pas connu pour être un orateur hors pair ; Cai Qi n’a jamais occupé de poste au gouvernement central ; et Ding Xuexiang n’a aucune expérience à la tête d’une province.
Autre surprise de taille : non seulement le Vice-Premier ministre Hu Chunhua (59 ans) n’a pas obtenu de place au Comité Permanent, mais il perd (ou abandonne) son siège au Bureau Politique après dix ans en poste – ce qui peut expliquer que cet organe passe étrangement de 25 à 24 membres… Surnommé « le petit Hu » (Jintao), l’ex-secrétaire du Parti au Guangdong avait pourtant le profil idéal pour devenir premier ministre ou vice-premier exécutif. En juillet dernier, il avait même chanté les louanges de Xi Jinping pour prouver son allégeance. Cela n’a apparemment pas suffi…
Ainsi, en comptant les départs du Premier ministre Li Keqiang et du n°4 du Parti Wang Yang (sans que ceux-ci aient atteint la limite d’âge de 68 ans), cela symbolise la disparition des plus hautes instances du pouvoir de la faction de la « Ligue de la Jeunesse » de l’ex-président Hu Jintao, qui a justement été traité bien étrangement lors de la cérémonie de clôture du Congrès.
Réforme de l'armée, affaires étrangères
Autre preuve que Xi Jinping soit enclin à passer outre les normes internes du Parti : son vieil ami Zhang Youxia a été promu 1er Vice-Président de la Commission Militaire Centrale (CMC) malgré ses 72 printemps. De par sa prestance, le général Zhang devrait l’aider à parachever ses réformes de l’Armée Populaire de Libération (APL), mais aussi à freiner les ardeurs belliqueuses d’autres généraux, comme He Weidong, son n°2 à la CMC.
Le Secrétaire général du PCC a également fait preuve de souplesse envers le chef de la diplomatie Wang Yi, qui a intégré le Politburo malgré ses 69 ans pour prendre la direction de la commission des Affaires étrangères du Parti. Mais alors, qui pour remplacer Wang Yi au ministère ? Seuls deux candidats se profilent au Comité Central : un « loup combattant » nommé Qin Gang, actuel ambassadeur à Washington, et un certain Liu Haixing, membre de l’unité de travail du Comité de la Sécurité Nationale.
Dernier exemple de la propension de Xi Jinping à faire fi des règles établies : pour la première fois depuis 25 ans, le sexe féminin, traditionnellement représenté au poste de vice-premier ministre en charge de la santé et de l’éducation, est absent de ce nouveau Politburo.
En somme, sous Xi Jinping 3.0, la loyauté passe avant la compétence, l’expérience et les conventions internes. Cependant, obtenir une écrasante majorité au sein des organes dirigeants ne va pas résoudre tous les problèmes du n°1 chinois, ni le débarrasser des luttes de pouvoir, les tensions risquant de se déplacer au sein de son propre camp. Surtout, le principal inconvénient de ce type de configuration est qu’en cas d’échec, Xi Jinping et ses fidèles n’auront personne à blâmer et seront entièrement tenus pour responsables.
PS : Mystère, ni Wang Xiaohong, ni Chen Yixin, les deux grands favoris pour succéder à Guo Shengkun à la tête de la puissante Commission Centrale des Affaires Politiques et Légales, n’ont obtenu une place au Politburo. Seul le ministre de la Sécurité d’Etat, Chen Wenqing, a fait une percée, quoi qu’il ne soit pas un allié de Xi Jinping à l’origine.