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Veillée du 4 juin: Hong Kong commémore le massacre de Tiananmen

Parc Victoria Commémoration massacre Tiananmen Hong Kong veillée bougies du 4 juin 2018Parc Victoria Commémoration massacre Tiananmen Hong Kong veillée bougies du 4 juin 2018
Veillée aux bougies au parc Victoria de Hong Kong. @Catherine Boulet-Gercourt
Écrit par Catherine Boulet-Gercourt
Publié le 5 juin 2018, mis à jour le 5 juin 2018

Plusieurs dizaines de milliers de Hongkongais se sont réunis hier soir dans le parc Victoria pour commémorer le 29ème anniversaire du massacre de la place Tiananmen. Une traditionnelle veillée aux chandelles qui rassemble moins qu’il y a quelques années, mais qui reste le plus grand hommage populaire en Chine aux victimes de la répression sanglante de Pékin de 1989. Pékin, qui continue d’exercer une censure implacable sur cet épisode funèbre de son histoire. 

Le boycott de nombreuses organisations étudiantes

Les rues convergeant vers le parc étaient noires de monde une heure avant le début de l’événement. Différentes organisations de défense des droits de l’homme et plusieurs partis politiques avaient installé des stands et distribuaient des tracts dans une ambiance plutôt bon enfant.

À l’entrée de Great George Street, les manifestants ont pu voir l’un des leaders de la révolte des parapluies, Joshua Wong, debout sur une chaise haranguant la foule avec son micro. Le jeune dirigeant du parti politique Demosisto appelait à participer à la commémoration, arguant que l’événement était une vitrine pour rappeler à la communauté internationale le caractère oppressif du régime de Pékin. À l'inverse, plusieurs organisations étudiantes appelaient, elles, à son boycott. Des étudiants, qui depuis la révolte des parapluies de 2014, ont durci leur position, et préfèrent aujourd’hui couper les ponts avec la Chine, ne s’estimant pas concernés en tant que Hongkongais. 

 

Joshua Wong, l'un des dirigeants du parti Demosisto
Joshua Wong, l'un des dirigeants du parti Demosisto et l'une des icônes du mouvement des parapluies. @Catherine Boulet-Gercourt

 

Et de fait, depuis 2014, les participants à la veillée du 4 juin se font moins nombreux. 

Au-delà d’une frange radicale de la population, assez marginale, qui revendique une rupture nette avec la Chine, ce désintérêt s’explique aussi “par un très fort sentiment de frustration chez les jeunes”, estime Daniel Chan. Daniel a 27 ans, et prépare une thèse en histoire du cinéma. Il participe à ce rassemblement depuis plusieurs années, mais constate autour de lui une lassitude des étudiants qui voient Pékin prendre inexorablement le dessus de la vie politique de Hong Kong. Les organisateurs affirment que 115.000 personnes étaient réunies hier, 5.000 de plus que l’an dernier; la police en annonce à peine 17.000. 

Quoi qu’il en soit, les terrains de sport du grand parc Victoria affichaient bel et bien complet à 20 heures, quand les lumières se sont éteintes pour faire place aux lueurs des bougies apportées par les participants. L’hommage commence alors, et la foule est invitée à répéter deux fois des slogans anti-dictature. 

Une foule disparate, beaucoup de quinquagénaires, peu de familles, plutôt des couples ou des gens seuls. Certains avaient apporté des petits tabourets, d’autres des bâches en plastique ou des journaux pour s’asseoir sur le sol détrempé par les pluies de la journée. 

Les participants au rassemblement sont invités à observer une minute de silence en mémoire de toutes les victimes du massacre de 1989, puis ils entonnent plusieurs chants, en mandarin et en cantonais.

L'hommage de Hong Kong à Liu Xiaobo

La veillée d’hier était particulièrement dédiée à la cause des dissidents politiques toujours emprisonnés ou assignés en résidence surveillée. Un hommage solennel a été rendu au prix Nobel de la paix, décédé l'an dernier, Liu Xiaobo. Un clip sur une musique intitulée “The Sea” a alors été diffusé sur les écrans géants, mettant en scène des chaises dans différents décors pour figurer le fauteuil vide du dissident chinois empêché d’assister en 2010 à la remise de son prix à Stockholm.

Sur les écrans, les témoignages enregistrés de témoins du massacre sont diffusés, tandis que sur scène, les appels au devoir de mémoire se succèdent. Les jeunes générations sont particulièrement ciblées dans ces messages, invitées à participer à ces commémorations collectives pour faire entendre leurs voix.

 

Commémoration massacre Tiananmen Hong Kong veillée du 4 juin Parc Victoria 2018
Dans le parc Victoria, les participants rendent hommage à Liu Xiaobo. @Catherine Boulet-Gercourt

 

On ne peut pas juste nier la Chine”, explique Daniel. “Hong Kong et la Chine sont, qu’on le veuille ou non, tellement imbriquées l’une dans l’autre que c’est impossible de casser ce lien. Il faut aller dans le sens du progrès. C’est pour ça que je viens. Pour montrer que je ne suis pas dupe. Ils sont en train de réécrire l’histoire de Tiananmen. En venant ici, je montre que je ne suis pas dupe”. Et Daniel de s'attrister que le massacre ne soit pas enseigné dans les écoles de la ville aujourd’hui, sauf par certains enseignants militants. 

Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo avait cité Liu Xiaobo dans un communiqué dimanche soir pour demander à Pékin la vérité sur la répression sanglante de 1989: “les fantômes du 4 juin n’ont pas encore trouvé le repos”. Aucun bilan officiel sur le nombre de victimes n’a jamais été fourni par les autorités. Pékin a répliqué vertement en dénonçant l’ingérence des Etats-Unis dans les affaires intérieures de la Chine avec des “critiques gratuites”.

Hier soir l’ambiance était plus au recueillement qu’à la ferveur dans le parc Victoria. Les visages étaient graves et le silence par moment assourdissant. Hong Kong est la seule ville de Chine avec Macao où le massacre de Tiananmen est commémoré publiquement, depuis 1990.

La veillée s’est terminée autour de 22h avec un appel à une mobilisation massive l’année prochaine, pour marquer le 30ème anniversaire du massacre. 

 

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