Ding-Ding haut en couleurs, le "Power & Love" réalisé par l’artiste français Romano se tortille et arpente les rails de Hong-Kong depuis le 23 mars et jusqu’au 23 mai.
L’œuvre ne passe pas inaperçue depuis son dévoilement, côté pile comme côté face. Des experts l’ont même sélectionnée pour inaugurer le parcours "Focus Art Basel". Huit semaines de déambulation colorée rendues aussi et surtout possibles grâce au tandem de curatrices Mabille & Chaumette.
Rencontre avec les curatrices et Romano (de son vrai nom Romain Cayla) l’artiste engagé par excellence, celui qui ne laisse rien au hasard. Ni dans le symbolique ni dans le message qui lui est chevillé au corps.
Mabille et Chaumette: "Une seule voix quatre mains"
Au départ "c’est une rencontre dans l’ascenseur!" D’une amitié naissante à la création d’une boîte, il n’y avait qu’un pas à faire tant leurs compétences sont complémentaires. "C’était le prolongement de projets professionnels qu’on avait laissés à Paris et qu’on avait envie de remonter ici. On remporte l’appel d’offres de Paris aéroports qui cherchait à investir dans un projet culturel à Hong-Kong, autour de la photographie et sur la thématique de la ville lumière." En 2018, elles décident de ramener l’art dans la rue et ramènent à Hong Kong le meilleur porte-parole graphiste qui soit en la personne de Romano.
Chef de file du collectif d’art urbain parisien du Mouvement, il mêle le style renaissance et le pop art et se fait reconnaître pour un projet emblématique qui semble faire écho à Hong-Kong : les Parapluies.
Ramener l’art dans la rue
"Je peins le vivant, depuis mon plus jeune âge. Ici, il y a une vision propre du vivre-ensemble, et du vivre-ensemble dans la diversité. A cet égard Hong-Kong est un terrain de jeu très intéressant parce que tu as plein de communautés qui y vivent. Déjà dans le croisement entre culture orientale et occidentale, ajouté à la forte densité de population, il y a une énergie différente. Pour toutes ces raisons, j’avais très envie d’intervenir ici. Je connais l’Asie en tant que touriste mais c’est la première fois que j’interviens en tant qu’artiste" explique Romano.
"Quand [les curatrices] m’ont proposé de venir, j’ai sauté au plafond, mais quand j’ai su qu’en plus il fallait intervenir sur un tramway, une véritable toile urbaine à mon sens, j’étais définitivement conquis. C’est un mobilier urbain qui a un sens historique dans cette ville" poursuit-il. "Que ce soit dans la vie quotidienne des hongkongais, que ce soit une œuvre mobile et que toutes les classes sociales l’empruntent, ce sont trois dimensions qui rejoignent bien cette visée artistique du vivre-ensemble."
"Hong Kong résonne aussi dans mes oreilles comme une vraie place financière mondiale, un modèle de capitalisme et il me fallait également exprimer cette facette-là" ajoute-t-il. C’est avec la double thématique de la sacralisation; celle de l’amour et celle de l’argent, que l’artiste va laisser libre cours à son imagination.
"Au départ c’est peint à l’huile sur toile, ensuite c’est scanné, vectorisé et envoyé à Hong-Kong Tranways. Au total ça représente pas loin de 500 heures de boulot. Le fond du vitrail avait été validé par la compagnie du tramway et les curatrices, mais au final j’ai bénéficié d’une grande liberté d’action."
Camille Chaumette précise: "Romano fait partie d’un collectif d’artistes parisiens confirmés - Le Mouvement - qui ont fait leurs preuves depuis de nombreuses années" et on la croit. L’œuvre dévoilée en mars dernier subjugue par sa composition et ses couleurs.
Tram côté "bling" / tram côté "ding"
Au travers de cette œuvre, chacune des faces du Tramway est dédiée à l’un de ces deux thèmes: "POWER and LOVE".
Sur la face POWER, le public découvre un homme qui perd son humanité dans sa quête effrénée du pouvoir et de l’argent jusqu’à revenir à l’état primitif de singe! Ces Golden Boys sont en pleine cérémonie du "Celebrating Money" et font voler des billets de banque autour d’eux, comme pris dans un tourbillon de folie. Le dragon traditionnel chinois quant à lui est intégré dans la composition et s’enroule autour de la Statue de la Liberté. Cette union symbolise ainsi Hong Kong, la ville par excellence à la croisée des chemins entre Orient et Occident, tradition et modernité.
De l’autre côté du Tramway, sur la face LOVE, l’artiste offre une vision sublimée de l’amour universel jusqu’à le rendre sacré. Le fond de l’œuvre reprend les codes graphiques du vitrail classique de la Renaissance et renforce ainsi la sacralisation de l’Amour. La diversité des personnages de la scène représente la mixité que l’artiste revendique dans l’ensemble de ses œuvres.
Sur la Face arrière du Tramway: une femme succombe malgré elle aux charmes d’un humain à tête de singe (symbole de l’homme capitaliste dans l’art urbain). Par ce baiser, l’artiste montre que l’humanité dans son ensemble peut céder à l’appel du pouvoir.
Romano mêle dans cette œuvre toutes les techniques de création qu’il affectionne: un savant mélange de peinture numérique, de traitement photographique, et le scan de peintures à l’huile sur toile.
Photo courtesy: Le mouvement - site Internet & page Facebook Le Mouvement