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The Trough: un film aux accents de comic book survitaminé et violent

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Écrit par Arnaud Lanuque
Publié le 10 mai 2018, mis à jour le 10 mai 2018

Avec son troisième film en tant que réalisateur, l’acteur Nick Cheung tente de réinventer le polar sino-hongkongais en misant sur une orientation proche des comic books et en multipliant les expérimentations formelles.

Depuis maintenant quatre ans, l’acteur Nick Cheung se reconvertit tranquillement mais avec une certaine réussite en metteur en scène. Après un film d’horreur à la fois classique et appliqué (Hungry Ghost Ritual) et un réjouissant fourre-tout mélangeant fantômes, comédie et action pour son second (Keeper of Darkness), il sort de l’univers fantastique pour s’essayer au polar. Un changement d’autant plus intéressant que c’est dans ce genre qu’il a fait ses débuts au cinéma après avoir été plusieurs années un véritable policier. 

Quand on lui a demandé pourquoi il a fait ce film aussi stylisé lors de notre interview, il a répondu avec le sourire: "je veux être révolutionnaire".

Le héros Yu Qiu (Nick Cheung) est un flic infiltré dans le monde criminel de Solo Field. Après avoir participé à l’élimination de deux gangs rivaux, il est chargé d’enquêter sur la tentative de kidnapping d’un enfant. Il infiltre le gang chargé du méfait et se retrouve pris en tenaille entre le monde criminel de la ville et les élites corrompus qui la gouvernent.

Le polar a une longue tradition dans le cinéma de Hong Kong. Du Syndicat du Crime de John Woo à Infernal Affairs d’Andrew Lau et Alan Mak, certains des films hongkongais les plus célèbres et les plus réussis appartiennent à ce genre. Les cinéastes contemporains n'ont pas la tâche facile. Comment faire preuve d’originalité, se distinguer des précédents films, et rester au même niveau qualitatif imposé par les ainés ? Nick Cheung choisit pour se faire de brouiller les cartes et de prendre systématiquement le contre-pied des attentes du public. 

Yu Qiu a quelques réflexions sur la vie d’un policier infiltré laissant à penser qu’on explorera le conflit entre loyauté à la police et loyauté à la bande de criminels... Mais ce thème n’apparaitra plus jamais par la suite. Une camaraderie virile à la John Woo est esquissée entre le chef de gang et Yu Qiu… Mais ce dernier l’abat de sang-froid quelques minutes après. Tout le film est à l’avenant : les confrontations ont lieu dans des endroits incongrus (un lavomatique, un abattoir…), les clichés du genre (une prise d’otage, un traquenard téléphoné…) sont régulièrement désamorcés. Le public est toujours maintenu dans l’expectative, forcé de rester en dehors de sa zone de confort. 

 

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Ne pouvant situer l’action en Chine continentale (la censure interdit la description du pays comme gangréné par le crime ou la corruption), Nick Cheung crée un monde alternatif fascinant. Sa ville de Solo Field est une mégalopole multiraciale où cohabitent pauvreté extrême et richesse démesurée. Un croisement improbable entre Hong Kong,  le Detroit du Robocop de Paul Verhoeven et la mégalopole constamment pluvieuse du Seven de David Fincher. L’aspect irréel est renforcé par une photographie délavée et un jeu de contrastes prononcés. La mise en scène contribue également à façonner cet univers étrange, multipliant les effets de style au point de friser régulièrement l’expérimentation. On a ainsi l’impression d’assister à une version cinématographique de ces bandes dessinées Américaines sombres et violentes. Et, si le scénario peine parfois à faire sens, l’action est proposée en grande quantité. Le script n’hésite d'ailleurs pas à maltraiter les personnages jouant ainsi avec notre incrédulité.  

Dire que The Trough est une complète réussite serait exagéré mais la tentative de Nick Cheung dans ce polar sino-hongkongais est un spectacle original. Il est aussi digne d’intérêt dans une industrie cinématographique chinoise souvent trop standardisée. 

 

 

Voir également notre interview: Nick Cheung, l'ancien policier, nous parle du polar stylisé The Trough

 

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