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Trois Français aux métiers atypiques à Hong Kong

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Écrit par Alexia Ashworth
Publié le 15 mars 2023, mis à jour le 17 mars 2023

Lepetitjournal.com continue de vous faire découvrir le savoir-faire et la créativité d’artisans aux métiers atypiques à Hong Kong. Cette semaine, nous avons rencontré Myriam Bilbault, fromagère, Alexandre Chatté, mixologiste et Franck Vidal, ébéniste. Ils nous parlent de leurs parcours, de ce qui les passionne dans leurs métiers et des particularités de l’exercice de leur art dans le Port aux Parfums.

Je suis la 4ème génération de fromagers dans ma famille

Parlez-nous de votre parcours

Myriam : J’avais 14 ans quand j’ai commencé à travailler avec mon papa. Je suis la 4ème génération de fromager dans ma famille. J’ai appris à fabriquer et vendre avec mon père mais je ne voulais pas faire ce métier de producteur et éleveur de chèvre.

En cherchant ma voie professionnelle, après des études littéraires, je me suis lancée dans les métiers de l’hôtellerie-restauration (cuisine au départ, puis en salle). Après quelques saisons, j’ai souhaité me rediriger vers quelque chose qui me parlait vraiment et décidé de passer un certificat de qualification professionnel vendeur-conseil en fromagerie. J’ai convaincu Alain Michel à Annecy de me prendre en apprentissage pour apprendre les techniques d’affinage et connaitre plus de producteurs. Après presque 5 ans à ses côtés et quelques compétitions (1ère jeune talents Rabelais 2013 catégorie moins de 26 ans et 3ème Meilleure Fromager de France 2013 en catégorie Général), de suis partie à l'étranger pour voir d’autres façons de faire, de vendre le fromage et améliorer mon niveau de langues. Je suis partie en Australie, puis en Nouvelle-Zélande et suis revenu en France puis j’ai saisi une opportunité sur Hong Kong. Cela fait maintenant bientôt 6 ans que je suis ici. Je travaille à mi-temps chez Cheese Club et je viens aussi de créer mon entreprise pour éduquer le palais du public hongkongais à ce merveilleux produit qu’est le fromage fermier et artisanal.

Alexandre : Ma famille est arrivée à Hong Kong en 1989 pour y importer du vin. J’étais au Lycée Français jusqu’en 6ème puis dans le système Anglais. Après des études « Tourism, Hospitality & Hotel Management » puis un stage au Shangri-La, j’ai enchaîné sur un poste de bartender au Drop, une boite mythique de l’époque. J’ai appris le flair bartending, cette discipline consistant à jongler avec des bouteilles, shakers et verres pour faire des cocktails d'une façon acrobatique et artistique et travaillé dans les plus belles adresses à Hong Kong (Le Lotus, Rayne, M1nt, Armani Bar...) Après de beaux succès dans des compétitions de mixologie (j’ai remporté le concours « Beefeater 24 » pour l'Asie-Pacifique, 2 fois finaliste de la « Bacardi Legacy » et top 5 Worldclass), j'ai ouvert mes propres bars puis les ai vendus. Aujourd’hui, je travaille en partenariat avec des marques et des distributeurs et je dirige un cabinet de conseil dans tous les métiers liés aux boissons.

Franck : Mon parcours est vraiment original puisque la vie me destinait à une carrière commerciale, avec des emplois dans des entreprises hongkongaises immobilières et de déménagement, avant que l’appel du travail manuel -ma passion depuis toujours- ne soit la plus forte. Ce que je faisais par goût a côté de mon travail (j’ai restauré des bateaux sur lesquels je vivais dans le port d’Aberdeen avant de les revendre au bout de 3 ans) est devenu mon projet de vie. Le travail du bois en particulier m’a beaucoup plus, notamment les belles essences comme l’acajou. Au début, j’ai pris des chantiers tous corps de métiers pour démarrer il y a 4 ans et demi puis j’ai réussi à rester uniquement sur le bois.

 

Il est important d'apprendre de ses mentors et de ses erreurs

Comment votre savoir-faire vous a-t-il été transmis ?

Myriam : J’ai eu la chance d’avoir deux mentors extraordinaires : mon Papa et Alain Michel qui m’ont énormément apporté. Mon père m’a appris à fabriquer et vendre le fromage, à être fière de mes racines, à prendre mon envol et suivre mes rêves. Alain Michel m’a appris les techniques d’affinage et m’a beaucoup poussée à me challenger, à croire en moi, ne pas craindre d’échouer et à repousser mes limites, ce qui n’est pas toujours facile !

Alexandre : J’ai grandi dans une famille d’épicuriens, nous aimons bien manger et bien boire. Mes parents nous ont appris à déguster et apprécier les saveurs. Un enseignement précieux ! J’ai aussi beaucoup appris de mes erreurs. J’en ai fait pas mal, ce n’est jamais agréable mais ça m’a permis de progresser.

 

La créativité et le savoir-faire sont essentiels

Qu’est-qui vous plait le plus dans votre métier ?

Myriam : Ce qui me plait le plus dans mon métier, c’est de voir les différences que l’on peut obtenir en partant de la « même » matière. Tous les fromages sont faits à base de lait mais en fonction du type de lait, du terroir, du temps, de la température, des techniques de fabrication, des ferments et bien d’autres facteurs, on crée des produits d’une diversité infinie. Il est facile de créer un fromage mais il est difficile de créer un fromage de qualité.

Alexandre : Je prends énormément de plaisir à connaître les produits que j’utilise, à les marier à la perfection pour créer de belles associations et surprendre mes clients. J’aime aussi améliorer l’expérience en travaillant sur l’ambiance d’un lieu et l’efficacité du service au bar pour que le client n’attende pas et que le staff garde sa bonne humeur avec le moins de fatigue possible. Enfin, je tire une grande satisfaction dans le fait de motiver mes employés que j’engage toujours sans expérience et que je suis heureux de faire grandir.

Franck : Ce qui me plait le plus, c’est de faire vivre des objets abimés comme des vieux meubles chinois, des objets rares familiaux. J’ai eu la chance récemment de travailler sur des panneaux bicentenaires, propriété d’une célèbre famille hongkongaise. Ce travail, par son caractère exceptionnel, m’a totalement accroché et depuis, j’ai eu le plaisir de faire de nouvelles restaurations de mobilier vintage datant des années 60.

 

Que ce soit à Hong Kong ou ailleurs, ce sont les connaissances qui comptent

Quelles sont les spécificités de l’exercice de votre métier à Hong Kong ?

Myriam : Ici, à Hongkong, je ne peux pas exercer mon métier de fromager en tant que tel puisqu’il est difficile de trouver du lait et concernant l’affinage, les températures, l’humidité et les ferments que l’on ajoute dans les caves sont bien différents de ceux que l’on trouve en Europe.

En revanche, j’utilise mes connaissances :

- pour sourcer des fromages chez de petits producteurs afin que l’équipe Cheese Club puisse les importer et les proposer lors de leur offre mensuelle

- pour initier le public à la dégustation, à la découpe, à l’art de faire de jolis plateaux ou en enseignant certaines techniques de fabrication (les plus accessibles) en organisant des ateliers fromagers.

Alexandre : L’avantage ce métier, c’est que je peux l’exercer partout dans le monde mais à Hong Kong, il est essentiel de savoir qui est qui, pour éviter de se retrouver dans des situation délicates…

Franck : L'important est la qualité des bois utilisés, si possible respectueux de l’environnement, traçables, provenant de forêts replantées, ou des bois exceptionnels comme du bois rose du Texas teinté du fait de la présence de minéraux. Il faut aussi accepter de travailler dans la poussière et le bruit. Ça fait partie de mon quotidien. C’est un métier fatiguant qui nécessite de faire des pauses pour se ressourcer.

 

Il y a toujours un marché pour les passionnés

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui aimeraient suivre votre exemple ?

Myriam : Vous souhaitez devenir fromager(e) ? Rencontrez les acteurs principaux de cette industrie. Il y a des gens formidables qui n’ont qu’une envie : transmettre leur savoir-faire. Visitez, faites des stages, goutez, mettez la main à la pâte. C’est le plus important dans ce métier.

Alexandre : C’est un style de vie particulier. Il faut savoir garder la tête sur les épaules pour éviter les nombreux pièges de ce milieu. A côté du plaisir qu’on peut avoir à exercer ce métier, il faut avoir conscience de la dimension « business » au quotidien.

Franck : Comme pour toute activité, ne pas hésiter avant de tenter une aventure qui vous correspond. On n’est jamais trop jeune ou trop vieux. Il y a toujours un marché pour les passionnés. Ne pas oublier d’investir dans un bon matériel et bien choisir son lieu de travail pour faire la promotion de ce que l’on fait. La patience est essentielle car tout business prend du temps. Les coûts sont élevés à Hong Kong donc je gagne moins qu’avant mais j’ai gagné ma liberté, qui n’a pas de prix.

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