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La Chine dans la tourmente face au variant Omicron

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Testing dans un quartier d'habitation de Shanghai
Écrit par Patricia Herau-Yang
Publié le 28 mars 2022, mis à jour le 29 mars 2022

La Chine continentale n’échappe plus au variant Omicron, avec des chiffres Covid jamais vus depuis 2020. Les mesures adoptées par le gouvernement pour contenir la vague paraissent d’autant plus spectaculaires qu’elles ont été abandonnées partout ailleurs. La Chine semble ainsi garder le cap et prouver au monde sa supériorité dans la gestion de la crise. Pourtant, de subtiles évolutions sont en cours.

Jilin, Shanghai, Shenzhen : lockdowns, testings et bouclages de quartiers

Jilin, grenier à blé et région d’industrie chimique au nord-est de la Chine, est au centre de la vague Omicron. Plus de 1000 cas y sont officiellement rapportés quotidiennement depuis plusieurs semaines. Des quartiers entiers sont en confinement strict. Il est interdit de sortir de chez soi, l’approvisionnement en nourriture se fait à la porte de chez soi, au mieux, ou par la fenêtre à l’aide d’une poulie. La vie s’est arrêtée. Jilin est une station de sports d’hiver réputée et de nombreux voyageurs avaient choisi d’y séjourner, en pleine saison. Le climat extrêmement rude, ainsi que la pollution atmosphérique liée aux activités chimiques, sont des facteurs aggravants. La courbe démographique joue aussi : la population à Jilin est ainsi plutôt âgée, les jeunes quittant souvent le nord-est pour des régions de moindre chômage. Les chiffres du Covid ne baissent pas (ni ne montent, ce qui laisse perplexe, mais les chiffres chinois sont toujours sujets à caution, sachant que la plupart des chiffres excluent les asymptomatiques). La population locale semble résignée à plusieurs semaines de confinement. La couverture hospitalière extrêmement faible fait craindre le pire en cas de débordement viral.

À Shanghai, le gouvernement vient de trancher ce 27 mars : il y aura bien un confinement. Celui-ci va commencer par Pudong (jusqu'au 1er avril), le pont reliant à Puxi sera fermé, puis ce sera le tour de Puxi. La totalité des transports est arrêtée. Shanghai, cité ouverte sur l’international qui abrite la bagatelle de 26 millions d’habitants, avait réussi un sans-faute jusqu’au mois dernier dans la gestion de la crise. Les mesures de quarantaine étaient ainsi les plus légères en Chine (une partie à la maison) et nombreux sont les voyageurs qui choisissaient d’atterrir à Shanghai avant de rejoindre leur destination finale. Malgré ces mesures moins strictes, l’épidémie était largement sous contrôle. Récemment, pourtant, la cité frise les 1000 cas, les dépistages obligatoires par quartier sont légion, et certains cèdent à la panique. Certains internautes ont été accusés de répandre des rumeurs, accusation du plus haut niveau de gravité en Chine. La ville utilise deux stades pour accueillir les cas légers ou asymptomatiques. Les cas confirmés entraînaient récemment des confinements ciblés de quartier. Rappelons que Shanghai abrite d’excellentes infrastructures hospitalières et les meilleurs experts épidémiologistes de Chine. 

A Shenzhen, on accuse volontiers les Hongkongais fuyant la RAS d’avoir importé Omicron, sans véritable investigation. Le Covid est ainsi là depuis le nouvel an chinois, et les écoles n’ont jamais rouvert depuis la pause hivernale. Les 17 millions de personnes de Shenzhen ont été soumises à un confinement strict le 13 mars, les transports suspendus, et les Mass Testing se sont succédé à toute heure du jour et de la nuit. Ces mesures font suite à des confinements et Mass Testing ciblés en cours depuis le nouvel an chinois. Les internautes alternent entre grogne sur la soudaineté des décisions (certains ont été enfermés dans leurs bureaux, d’autres dans leur appartement), partage de photos de leur chambre d'hôtel de confinement plutôt cosy (courtesy des tax payers), et moquerie quand le confinement cède à la place à des calculs de points de croissance perdus par la tech chinoise. L’entrée à Shenzhen est aujourd’hui très limitée, depuis Hong Kong, mais aussi depuis les autres régions de Chine continentale.

Toutes les provinces chinoises semblent ainsi touchées, à l’exception du Tibet et du Ningxia.

 

La Chine fait face
Photo@Pixabay

 

Le zero Covid au centre de toutes les polémiques en Chine

Alors que des experts avaient été dépêchés du continent pour apporter leurs pratiques Zéro-Covid à Hong Kong, il semble qu’ils ont finalement rapporté quelques pratiques hongkongaises à leur retour en Chine. Dès le 15 mars, la Commission nationale de la santé a émis une directive instaurant de nouvelles pratiques, applicables dans toute la Chine.

Depuis 2020 en effet, chaque province était libre de définir ses modalités de gestion sanitaire de la crise. Seul l’objectif (Zéro-Covid) étant commun. Vu de l’extérieur, et sous le matraquage de messages médiatiques chinois très simplificateurs, on interprète souvent la situation depuis deux ans comme uniforme : dépistage systématique, isolement des cas, suivi sans faille, et success story du Zéro-Covid. Les Chinois seraient ainsi libres de voyager dans le pays, pour le travail ou le plaisir.

En fait, les fameux codes PCR sont, au mieux, régionaux, et n’ont jamais été interconnectés. Il est très souvent obligatoire de se faire retester à l’arrivée (pour un vol intérieur). Dans le doute, ou si une arrivée tardive interdit un test à l’arrivée, le voyageur risque de passer la nuit au poste. Ce n’est pas dramatique, mais ça ajoute quelques bémols à la petite musique des médias chinois.

Les gouverneurs sont ainsi, depuis deux ans, jugés avant tout sur des indicateurs Zéro-Covid. L’économie en pâtit, le bien-être de la population encore plus. Pendant les Deux sessions, le bilan économique et social présenté était ainsi en demi-teinte. Quand Carrie Lam a parlé d’un soutien de la population au Zéro-Covid en berne, cela parlait de la RAS tout autant que de la Chine continentale.

Chacun avait ainsi tendance à utiliser un millefeuille de mesures pour garantir le Zéro-Covid, au détriment du bien-être mental de la population. Les politiques parlent dorénavant plus librement de la fatigue Covid, cette lassitude face aux restrictions omniprésentes de la politique Zéro-Covid. La stabilité sociale semble aujourd’hui au centre des préoccupations du gouvernement.

 

Politique de lockdown
La stratégie de la vie sous cloche peut-elle encore perdurer ? Photo@Pixabay

 

Les aménagements dans la politique anti-Covid

Plusieurs évolutions ont été actées par la directive du 15 mars. Tout d’abord, le Mass Testing n’est plus au goût du jour : la forte contagiosité d’Omicron, à l’air libre, rend difficilement acceptables les Mass Testing. En effet, ces rassemblements se sont parfois transformés en véritables clusters, les personnes patientant en queue s’infectant les unes les autres.

Les auto-tests ont ainsi fait leur apparition en Chine. Pendant les campagnes de dépistage systématiques, comme à Jilin par exemple, chacun doit s’auto-tester quotidiennement, et envoyer une photo du résultat négatif et de sa carte d’identité pour enregistrement.

Autre mesure phare et très attendue par les (rares) personnes qui voyagent, en Chine ou depuis l’étranger : le test PCR est dorénavant considéré positif au-dessus de 40 et non plus 35. Il arrivait ainsi régulièrement que des voyageurs testés négatifs à l’étranger soient testés positifs à l’arrivée en Chine. Cette bizarrerie avait été expliquée côté chinois en dénonçant des voyageurs peu scrupuleux faisant appel à des laboratoires corrompus faisant des certificats de complaisance. L’explication se trouve au moins pour partie dans un standard chinois plus exigeant. À l’international, on considère que les positifs faibles ne sont pas contagieux. Le nombre de cas, importés ou non, va donc être statistiquement réduit.

Les porteurs du virus asymptomatiques ou à symptômes légers ne sont plus hospitalisés, ils sont autorisés à s’isoler à domicile. Ils étaient auparavant obligés de rester 14 jours à l’hôpital.

Enfin, les malades symptomatiques, une fois sortis de l’hôpital, peuvent rentrer chez eux et n’ont plus besoin de s’isoler en centre de quarantaine.

En marge de cette directive, d’autres mesures très concrètes ont été prises, dont l’approvisionnement en traitements symptomatiques du Covid, de marque Pfizer (Paxlovid) approuvé en février. L’autre pilule de traitement, le Molnupiravir de Merck, est dorénavant fabriqué sous licence en Chine (ingrédients, mais aussi produit fini) mais uniquement pour l’export.

Sera-ce suffisant ? Alors que le tissu hospitalier n’a pas connu d’amélioration majeure, que le personnel de quartier parfois volontaire, qui avait permis la mise en place du Zéro-Covid, se démotive, et qu’aucune campagne de vaccination n’a été lancée (encore moins avec des vaccins importés, plus efficaces face à Omicron), les mois à venir risquent d’être très durs pour la population chinoise.

 

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