Dans le cadre de la politique Zéro-Covid, Hong Kong a construit 9 centres de quarantaine pouvant abriter jusqu’à 40000 personnes lors de leur période d’isolation obligatoire. Aujourd’hui obsolètes et délaissés, seuls deux ont encore une activité très réduite. Dès ce 30 janvier, les dernières personnes y résidant sont appelées à quitter les lieux. Alors que la crise de l’espace constructible pousse encore et toujours le gouvernement hongkongais à reprendre des terres sur les mers pour construire des logements d’habitation, quel est l’avenir de ces centres ?
Des centres malaimés à Hong Kong
Penny’s Bay a d’abord été un exploit du gouvernement hongkongais et de l’entreprise locale Gammon Construction pour faire sortir de terre un village entier en un temps record. En février 2020, la société a construit 110 unités de deux étages en 64 jours (fabrication, montage, tests, inspections), soit 20 minutes pour monter une unité. Cette construction aurait dû prendre un an pour un projet typique. Hong Kong faisait alors la course contre l’épidémie, à sa manière.
La plupart des centres ont pourtant été construits par des entreprises chinoises, sur le modèle des centres et hôpitaux de fortune, de l’autre côté de la frontière.
D’autres centres sont sortis de terre. Des villages de vacances ont été reconvertis en centres de quarantaine, et des HLM prêts à être livrés ont finalement été affectés (au grand dam de leurs heureux futurs habitants) comme centres de quarantaine. En tout, ce sont 40000 lits qui ont été organisés sur le territoire hongkongais pour isoler les cas sans symptômes, les cas contacts, les voyageurs négatifs.
Mais au-delà de la prouesse technique, Penny’s Bay et les autres centres de quarantaine se sont bien vite imposés comme des lieux de nombreux drames personnels. Ils resteront le symbole de la politique extrêmement dure appliquée par le gouvernement de Hong Kong depuis 2020.
Bungalows ou bien containers, le constat a souvent été le même. Petites surfaces, service minimum, nourriture exécrable, service à horaires imprévisibles, ménage à assurer soi-même, froid, chaud, cafards, surpopulation, personnes infectées en quarantaine, bagarres épisodiques avec les gardiens, tests dont les résultats tardent à arriver… On aura tout entendu sur les centres de quarantaine, et surtout des critiques. Une des raisons principales en a été le manque de personnel.
De nombreuses vidéos, des articles, des trucs et astuces partagés sur les groupes d’entraide des réseaux sociaux, ont permis à chacun de se préparer au cas où. Pour certains, les centres de quarantaine ont hanté leurs cauchemars et resteront un traumatisme.
D’autres ont réussi à y trouver l’inspiration. Une chanson a même raconté cette histoire sur l’air de Penny Lane des Beatles:
En janvier 2022, alors même que la grande vague Omicron n’était pas encore arrivée à Hong Kong et que le Covid avait globalement épargné la cité, la polémique sur le traitement réservé aux personnes en quarantaine enflait. Le gouvernement a alors promis des améliorations sur les centres de quarantaine : plus de personnel, un groupe de travail inter-ministériel, et l’appel aux technologies de l’information (Sophia Chan, Hong Kong Secretary for Food and Health, 19 janvier 2022). Ceci arrivait après que des officiels aient dû rejoindre ces centres, devenus cas contacts après avoir participé à des anniversaires et grands rassemblements tout à fait hors la loi. Omicron a déferlé à Hong Kong et permis de faire oublier la polémique. Sauvés par le gong.
Des centres délaissés à Hong Kong
De ces 9 centres, il reste Kai Tak et l’indestructible Penny’s Bay, en activité très réduite.
Au 28 décembre 2022, seules 3 personnes utilisaient l’une ou l’autre de ces unités, pour une capacité théorique de 522.
Depuis le 16 janvier 2023, le critère de positivité a été revu à la baisse et mis aux normes internationales. La valeur CT des tests PCR utilisera le standard 35 et non 40, ce qui mène naturellement à un nombre réduit de cas positifs, susceptibles d’être appelés à s’isoler en centre de quarantaine.
Il est annoncé que dès le 30 janvier, il ne sera plus demandé aux personnes testant positif au Covid de s’isoler en centre de quarantaine. Les cas de close contacts n’auront plus non plus à s’isoler en centre de quarantaine.
Enfin, rappelons que, depuis plusieurs mois, les personnes testant positif peuvent arguer de conditions de vie permettant suffisamment de distanciation sociale à domicile pour ne pas avoir à se rendre en centre de quarantaine.
On parle maintenant de la fin du masque en extérieur.
Tout ceci va dans le même sens : les centres de quarantaine vont bientôt être relégués aux poubelles de l’histoire.
Plusieurs pistes explorées à Hong Kong
Alors, que faire ? Les sites laissés à l’abandon pourraient être utilisés de plusieurs manières. Les pistes explorées sont la mise à disposition en temps que : logements, dortoirs, ou centres de formation à la santé. Logements ou dortoirs pour qui ? L’offre semble de loin dépasser la demande potentielle. Quant à une utilisation comme centre de formation, ça paraît aussi peu prometteur.
Hong Kong n’est pas seul dans cette situation, et le gouvernement pourrait s’inspirer des autres pays qui font face aux mêmes questions. En Australie, le centre construit en banlieue est de Perth (500 lits) était destiné, aux dernières Nouvelles, à devenir soit un centre pour les urgences sanitaires, les efforts humanitaires (réfugiés), ou comme logement de secours lors de feux dans l’outback ou pour les populations fragilisées.
Mark McGowan du gouvernement provincial évoquait même en mai dernier que ce centre pourrait être utile aux pays membres du Commonwealth, “comme lieu d’accueil pour population déportées”. L’Australie n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’une partie des Australiens d’aujourd’hui étaient des bagnards hier.
Un autre centre, au nord de Perth, va être utilisé pour loger les travailleurs essentiels. Perth manque en effet de main d’œuvre et toute solution de logement pourrait changer l’équation.
Mais Hong Kong cherchera sans doute l’inspiration du côté de Pékin plutôt que de Perth. Or, pour le moment, rien ne filtre encore sur les centres de quarantaine soudain vides. Seuls les centres de tests mobiles ont pour certains déjà été reconvertis. L’hiver est en effet une bonne saison pour sécher viande et champignons. Aujourd’hui, ceux-ci couvrent ainsi les petites guérites de tests. Zéro Covid, c’est bien fini ! On espère que les centres de quarantaine trouveront aussi leur utilité dans cette Chine nouvelle et à Hong Kong.