12 points. En mars dernier, Xi Jinpping en avait détaillé 4. Un an jour pour jour après l'invasion russe, la Chine publie « la position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne ». Les termes sont génériques et peuvent être compris par les uns et les autres de différentes façons mais la partie mettant en garde sur une escalade nucléaire traduit le souhait de la Chine d'éviter un point de non retour. Alors que le front ne bouge plus depuis des mois, le début d’année 2023 voit les grandes puissances tenter de jouer un rôle d'arbitre dans ce conflit.
Un « cessez-le-feu complet » comme objectif en Ukraine
La Chine appelle à la « retenue » des deux parties, aux dialogues pacifiques et au « respect de la souveraineté [et de] l’intégrité territoriale de tous pays », comme elle le fait depuis le début, en vertu des principes de la Charte de l’ONU. Ces principes doivent être soutenus pour faire « désescalader la situation et parvenir à un cessez-le-feu complet ». Cette référence au respect de la souveraineté est un rappel par la Chine concernant la situation de Taiwan, indiquant clairement que ce qui vaut pour l'Ukraine et la Russie vaut pour elle-même. Certains experts interprêtent donc ce point comme un message au monde et aux Etats Unis.
Dès l’annonce de la publication de ce document, les Etats Unis se sont montrés sceptiques et ont relancé les média sur le thème de livraisons possibles d’armes à la Russie, manière de discréditer la Chine dans le rôle d'arbitre pacifique en continuant de tendre les relations sino-américaines déjà mis à mal par la « crises des ballons ». La Chine « envisage fortement de fournir une assistance létale à la Russie » lâchait déjà Antony Blinken à la sortie d’une rencontre « franche » avec Wang Yi dimanche 19. Une affirmation que Pékin dément, expliquant que sa position sur l’Ukraine a toujours été l’encouragement de la paix et du dialogue.
Selon une analyse de Marc Julienne, spécialiste de la Chine à l’IFRI, think thank français, « Un tel « support léthal » semble peu probable car cela représenterait un changement majeur dans la stratégie diplomatique de la Chine, dans la guerre et dans l’ordre mondial »
« Abandonner la mentalité de Guerre Froide »
« Nous n'en rajoutons pas sur le feu » a lancé Wang Yi à Munich, visant les Etats Unis et l’Otan pour leur livraison d’armes à l’Ukraine. Dans son discours sur l'état de la Nation mardi comme depuis le début de la guerre, Poutine accuse en effet l’OTAN d'utiliser cette guerre « pour affaiblir la Russie », qui « se bat pour son existence ».
Le document publié vendredi par la Chine présente finalement une position aaez proche : « La sécurité d'une région ne doit pas être obtenue par le renforcement ou l'expansion de blocs militaires ». Il reproche aussi l’Occident d’avoir pris des sanctions économiques « unilatérales », c’est-à-dire non autorisées par le Conseil de Sécurité de l’ONU (où la Russie pose son véto) et justifié selon la Chine par un « objectif stratégique plus large que l’Ukraine elle-même ». L’arrêt de ces sanctions serait la « part » des « pays concernés » dans la « désescalade de la crise ukrainienne ».
Le point n°2 du document appelle à « abandonner la mentalité de Guerre Froide », dans un vocabulaire qui revient sur la scène internationale. « Toutes les parties doivent s’opposer à la recherche de la sécurité propre [d’un pays] au dépend de la sécurité d’autres, et éviter la confrontation de blocs ».
Entre neutralité et soutien tacite à la Russie, où se situe la Chine ?
Selon Marc Julienne dans un article de la revue Politique étrangère de septembre dernier, « les contradictions du discours officiel chinois au sujet de l’Ukraine – entre neutralité et soutien tacite à la Russie, entre un rôle constructif déclaratoire et l’absence d’action – révèlent un certain malaise à Pékin sur la manière de se positionner pour sauvegarder, ou maximiser, ses intérêts dans la guerre. » .
La Chine est en effet neutre, dans ses déclarations et l’abstention dans les votes à l’ONU, dont celui de jeudi 23 février, qui demandait le retrait des troupes russes de l’Ukraine. Mais elle n’a pas coupé le dialogue avec la Russie – Wang Yi s’est entretenu avec Poutine mercredi 22 – et la diplomatie chinoise ne rencontre pas les Ukrainiens, surtout pas après une visite de Biden à Kiev lundi dernier.
La Chine s’oppose pourtant ouvertement à la Russie sur un point : les armes nucléaires. « La menace ou l’usage d’armes nucléaires doivent susciter l’opposition. La prolifération nucléaire doit être empêchée pour éviter la crise nucléaire » stipule le document, visant directement la décision de Poutine de quitter l’accord New Start, un accord sur le désarmement nucléaire signé avec les Etats Unis en 2010.
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[Résumé] Déroulé diplomatique de la semaine dernière
Dimanche 19 février 2023
- Wang Yi annonce la publication d’une « position » de la Chine sur la guerre en Ukraine
- A. Blinken prévient que la Chine envisage une « assistance létale » à la Russie, ce que la Chine dément
Lundi 20
- J. Biden se rend à Kiev durant quelques heures, en marge d’un voyage en Pologne. Il y annonce de nouvelles livraison d’armes.
- Blinken rencontre Erdogan à Ankara, pour le séisme mais aussi pour relaxer les velléités de la Turquie sur l’entrée dans l’OTAN de la Suède et de la Finlande, opposition fondée sur une crise diplomatique par rapport à des questions religieuses.
Mardi 21
- Discours sur l'Etat de la Nation de Poutine
Mercredi 22
- Wang Yi rencontre Poutine au Kremlin
Jeudi 23
- L’AG de ONU vote le retrait « immédiat » des troupes russes d’Ukraine, à 141 voix pour, 7 contre et 33 abstentions, dont la Chine et l’Inde
Vendredi 24, 365 jours après le début de la guerre
- La Chine publie sa « position sur le règlement politique de la crise ukrainienne »