Quand on pense à Hong Kong, on imagine souvent les gratte-ciels, l'effervescence du centre financier ou encore les plages de sable fin. Mais la ville recèle aussi une riche tradition culturelle, à l'image de l'opéra cantonais, un art lyrique ancestral qui fait la fierté de la population locale. Rencontre avec Mitche Choi, chanteuse d'opéra cantonais et fondatrice de la compagnie Shan Opera, qui œuvre pour valoriser cet art sous toutes ses facettes.


J'ai découvert l'opéra cantonais à 12 ans
C'est à l'âge de 12 ans que Mitche Choi a découvert l'opéra cantonais, poussée par sa mère: "Ma mère m'a inscrire à suivre des cours d'opéra cantonais, juste pour que ma sœur et moi puissions faire des représentations pour les personnes âgées pendant le Nouvel An chinois." Mitche se souvient être entrée dans sa première classe d'opéra cantonais, complètement perdue. "Je trouvais ça tellement étrange et différent de ce que je connaissais, notamment ma pratique de la danse classique. Mais quand j'ai commencé à observer les gens répéter, j'ai été captivée." En effet, la jeune femme a rapidement été séduite par la richesse de cet art ancestral. "Il y a tellement d'éléments différents - la danse, le chant, les arts martiaux - que j'ai trouvé ça vraiment fascinant. C'était comme un concentré de toutes mes passions préférées !"
Après des années de formation intensive à la prestigieuse Hong Kong Academy for Performing Arts, Mitche décide de se lancer professionnellement dans l'opéra cantonais. "Je n'avais jamais envisagé d'en faire mon métier, jusqu'à ce que je parte pour Londres. Là-bas, l'opéra cantonais est devenu comme un lien avec mes racines", raconte-t-elle. Son attachement pour cet art ancestral s'est renforcé lorsqu'elle a quitté son pays : "C'est quand on s'éloigne de sa terre natale qu'on prend vraiment conscience de son identité. Et l'opéra cantonais a été pour moi un moyen de rester connectée à mes origines."
L'opéra cantonais intègre des gestes millénaires
Mitche a choisi d'incarner des rôles masculins, un défi de taille qui l'a poussée à se réinventer constamment sur scène. "Ça a été très stimulant d'apprendre à gommer tous mes traits féminins pour donner l'illusion d'être un homme. Au début, je m'inspirais beaucoup des personnages masculins que je voyais au cinéma ou à la télévision", confie-t-elle.
"Ce qui le différencie vraiment des autres formes d'opéra, ce sont les mouvements stylisés, codifiés depuis des siècles, qui racontent toute une histoire", souligne Mitche. Les étudiants doivent notamment maîtriser à la perfection ces séquences gestuelles. "On apprend des gestes qui représentent par exemple l'action de monter à cheval. Tout est symbolique et ritualisé", explique la chanteuse.
Mais c'est surtout la dimension visuelle de cet art qui fascine Mitche. "Les décors, les costumes et les maquillages sont une composante essentielle de l'expérience. Chaque personnage a son propre style vestimentaire, très codifié. Les couleurs, les motifs, les accessoires... Tout est symbolique et raconte une histoire", décrit-elle avec enthousiasme.
Et la musique, jouée par un orchestre traditionnel, participe également à l'immersion dans cet univers ancestral. "Les mélodies, les instruments à vent, les percussions... Ça crée une atmosphère à la fois mystique et puissante", affirme la chanteuse.
Ce type d'opéra répond aussi aux attentes actuelles
Mitche crée sa propre compagnie, Shan Opera, avec pour objectif de transmettre cet art ancestral aux nouvelles générations tout en le modernisant. "Aujourd'hui, notre public est encore assez âgé, autour de 50-70 ans. Mais en Chine, on voit émerger beaucoup de jeunes spectateurs, car ils sont plus ouverts à intégrer des éléments modernes dans les productions", observe Mitche.
Dans ses propres créations, elle n'hésite pas à faire appel à la technologie, avec des décors en 3D par exemple, ou à revisiter les costumes traditionnels dans des versions plus épurées. "L'idée est de rester fidèle à l'essence même de l'opéra cantonais, tout en le rendant plus accessible et attractif pour un public contemporain", explique-t-elle. Elle planche notamment sur une version modernisée de l'histoire de Mulan, un classique de la littérature chinoise qu'elle souhaite adapter dans un style cantonais.
"Certaines des vieilles pièces peuvent paraître un peu datées et avoir du mal à résonner avec le public d'aujourd'hui. C'est pourquoi il est essentiel d'écrire de nouvelles œuvres", souligne Mitche. Mais elle tient à conserver les éléments les plus traditionnels, comme les mouvements stylisés qui font la signature de l'opéra cantonais. "C'est ce qui le différencie vraiment des autres formes d'opéra. Nos gestes, codifiés depuis des siècles, racontent toute une histoire."
Cet art est un apprentissage permanent
La formation pour devenir interprète d'opéra cantonais est d'une intensité remarquable. "Quand j'ai intégré la Hong Kong Academy for Performing Arts, on commençait les cours à 9h du matin et on enchaînait les différentes disciplines : danse, chant, arts martiaux... C'était un véritable défi physique", se rappelle Mitche.
Malgré ces exigences techniques et physiques, Mitche n'a jamais cessé de s'entraîner, même une fois devenue professionnelle. "Quand on est sur scène, on continue à travailler et à se perfectionner. C'est un art vivant, qui nécessite un entretien constant", souligne-t-elle.
Au-delà des représentations, Mitche s'investit aussi dans des programmes pédagogiques pour permettre au plus grand nombre de découvrir cet art. "L'opéra cantonais est une fenêtre unique sur la culture de Hong Kong. J'espère que les gens auront l'occasion de venir l'explorer, ne serait-ce qu'une fois. Ils y trouveront une expérience sensorielle unique, loin des clichés", confie-t-elle.
C'est d'ailleurs l'un des objectifs de sa compagnie Shan Opera : offrir à la jeune génération la possibilité de se former et de se produire. "Nous avons un mélange d'artistes chevronnés et de jeunes talents. C'est important pour moi de transmettre cet héritage aux plus jeunes, tout en leur donnant leur chance", explique Mitche.
Je veux transmettre ce patrimoine
"Mon rêve, c'est de pouvoir transmettre cet art à un public toujours plus large, en le modernisant sans jamais en perdre l'essence", confie Mitche. Elle planche notamment sur une version modernisée de l'histoire de Mulan, un classique Disney qu'elle souhaite adapter dans un style cantonais.
Au-delà de ses propres créations, Mitche a fait de sa compagnie Shan Opera un véritable étendard de ce patrimoine culturel. "C'est ce qui nous différencie et nous fait rayonner dans le monde", souligne-t-elle. Une forme d'art totale, qui marie le chant, la danse, la musique et les arts martiaux, l'opéra cantonais est le reflet d'une culture riche et ancestrale.
Pour Mitche, c'est tout un univers fascinant à découvrir. "C'est un art qui fait appel à tous les sens. Sur scène, on est plongé dans un tourbillon de couleurs, de sons, de mouvements. Une expérience sensorielle hors du commun", décrit-elle avec enthousiasme.
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