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Rencontre avec Maître Chan, le marionnettiste de Hong Kong

Marionnettes Hong KongMarionnettes Hong Kong
@podcast.rthk.hk
Écrit par Claudia Delgado
Publié le 7 décembre 2021, mis à jour le 8 décembre 2021

Les mains remuent avec des gestes précis tandis que les pieds accomplissent une danse invisible pour le public. Au bout des mains, une autre figure s’agite : elle est vêtue d’une magnifique robe colorée et fardée d’un maquillage qui allonge ses yeux, sur sa tête trône une coiffe aux lueurs scintillantes. Tous deux se déplacent ensemble, d’un pas cadencé, l’un dirigeant les gestes de l’autre. Ce sont les mains de master Chan, maitre-marionnettiste.    

Master Chan dirige la troupe de marionnettes appelée Guandong rod puppet troupe qui, comme son nom l’indique, fait des spectacles de marionnettes à tiges dans le style Guandong.

Pour parler de l’art de la marionnette à Hong Kong, il faut remonter dans le temps et vers le Nord, pour nous situer dans la Chine antique.

Origines des marionnettes chinoises

En tant qu’art traditionnel, la marionnette chinoise a une histoire encore plus longue que l’opéra chinois. On peut retracer l’origine du spectacle des marionnettes chinoises à la dynastie Han (206 BC-220AD), mais c’est pendant la dynastie Tang (618-907) que cet art se raffine et devient populaire.

Sous la Dynastie Song (960-1280), l’art des marionnettes connait une vaste expansion, car son public s’élargit à toutes les classes sociales. Ce n’est que plus tard, sous la dynastie Qing (1644-1911), que le théâtre de marionnettes devient étroitement associé aux formes locales de l’opéra.

 

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photo@hkmemory.hk

 

Révolution culturelle et essor des marionnettistes à Hong Kong

Dans un premier temps, les marionnettes chinoises étaient utilisées lors des cérémonies religieuses comme représentations des dieux avant d’évoluer progressivement vers une forme de divertissement étroitement liée à l’opéra.

L’avènement de la Révolution culturelle en Chine continentale a balayé cette tradition, comme bien d’autres. Beaucoup de réfugiés venus de Chine affluèrent à Hong Kong, emportant avec eux leurs traditions et leur savoir-faire.

Même si les spectacles de marionnettes étaient déjà joués sur le territoire, ils ont connu un essor dans les années 70 pour y devenir une forme de divertissement populaire.

 

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photo@podcast.rthk.hk

 

Un maitre-marionnettiste à Hong Kong

Originaire du Sanxiang dans la province du Guangdong, Master Chan est arrivé à Hong Kong dans les années 70. À l’âge de 6-7 ans, il chante déjà l’opéra cantonais et traîne dans les salles de spectacle, où il découvre le spectacle de marionnettes à tiges. Il commence son apprentissage vers les huit ans.

Persuadé que cette forme d’art a toute sa place à Hong Kong, il repart plus tard en Chine à la recherche de marionnettes et en récupère une douzaine. 

 

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photo@podcast.rthk.hk

 

Jadis, il ne suffisait pas de manier la marionnette pour devenir marionnettiste, il fallait savoir jouer de la musique et bien sûr, chanter. Aujourd’hui on divise les tâches : les musiciens sont postés dans un coin, les interprètes s’installent face au micro, et les marionnettistes prennent place derrière la petite loge qui est censée les cacher et qui fait office de scène. Ils rythment leurs gestes et leurs voix dans une parfaite harmonie.

Cela fait plus de trente ans que Master Chan monte des spectacles appelés shengongxi, des performances rituelles pour remercier les déités et apaiser les fantômes, que ce soit pour le Yulan festival (fête des fantômes affamés) au sein des communautés Chiu Chow, le Da Jiu festival (Bun festival) à Cheung Chau ou un quelconque anniversaire de divinités.  

 

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photo@YouTube

 

L’art de la marionnette, un éventail d’origines et de styles

Master Chan se déplace en tandem avec sa marionnette, qui reproduit ses mouvements, la moindre contraction de ses bras reproduit un geste subtil, insufflant la vie à son pantin. Si maitre Chan s’est spécialisé dans le maniement des marionnettes à tiges, il faut savoir que l’art de la marionnette comporte tout un éventail d’origines, styles et caractéristiques bien particulières. Suivant les régions, les techniques de manipulation diffèrent.

Mis à part les marionnettes à tiges dont les plus célèbres sont celles de la province du Guangdong, on peut mentionner également les marionnettes à gaine du Fujian, les marionnettes à fils du Shanxi, les marionnettes en fil de fer de l’est du Guangdong et l’ouest du Fujian et les marionnettes dites « d’ombres chinoises ».

 

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Un spectacle qui emprunte à tous les arts

Associant la musique, le chant et la danse, le théâtre de marionnettes est un spectacle qui emprunte à tous les arts. Il puise dans l’art du conte, mais aussi dans l’artisanat nécessaire pour créer les figurines et les costumes.

Le théâtre de marionnettes peut suivre les scénarios de l’opéra cantonais, il représente aussi des valeurs morales, philosophiques ou religieuses, et il s’adresse également aux dieux sous la forme de personnages qui intercèdent auprès des divinités pour venir en aide aux humains.

 

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photo@YouTube

 

Anatomie d’une marionnette

Haute d’environ cinquante centimètres, elle était jadis constituée d’une tête et d’un torse en bois sculpté et peint, aujourd’hui elle peut être aussi en plastique, car cela reste moins onéreux. La tête est creuse afin de l’alléger et d’y insérer la tige qui permet de manipuler la bouche. Bien que parfois les mains soient cachées par les longues manches des tuniques, certaines marionnettes ont les poings fermés et percés pour y placer des accessoires, tandis que d’autres présentent des doigts allongés. Une tige est placée sur chaque poignet et dissimulée à l’intérieur du costume, la manipulation se fait en tenant d’une main la tige principale afin d’animer la tête et de l’autre, les deux tiges qui permettent de manipuler les mains selon l’action dramatique.

Les marionnettes sont accoutrées et grimées tels des personnages d’opéra cantonais.

 

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L’art de la marionnette dans l’actualité

De nos jours, toutes les autres formes de divertissement ont pris la place du théâtre de marionnettes, qui perd progressivement son public. Master Chan déplore que très peu de jeunes veuillent reprendre le flambeau, même si le métier est devenu plus facile, avec la division de tâches — plus besoin de chanter et manipuler la marionnette en même temps — cela reste un métier physique qui esquinte le corps.

Il rigole, mi-nostalgique, mi-dépité, lorsqu’il dit que les anciennes générations avaient plus d’endurance. Il sait qu’un jour, ses marionnettes finiront derrière la vitre d’un musée.

 

 

Bien qu’avec le temps, la popularité de cet art ait décliné, son pouvoir narratif et son aspect rituel l’ont certainement empêché de tomber dans l’oubli. Il figure depuis 2011 au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Lors des festivités, prenez donc place dans ce spectacle séculaire qui réunit humains, fantômes et divinités.

Cet article a été écrit avec la collaboration du Intangible Cultural Heritage office. Pour visiter leur nouvelle exposition Lost and Sound Exhibition Series II : Ordinary ∙ Extraordinary, présentant 13 éléments du patrimoine culturel immatériel, rendez-vous au musée Sam Tung Uk à Tsuen Wan.

 

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