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Joyce: "Chaque matin, je me lève en voulant chanter!"

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Chanteuse d'opéra professionnelle, Joyce nous confie son parcours - Photo@Joyce Wong
Écrit par Karine Yoakim Pasquier
Publié le 15 décembre 2020

L’opéra occidental a aussi sa place à Hong Kong. Pour le découvrir, voici le portrait de Joyce Wong, soprano professionnelle,  lauréate du troisième prix au Concours international de musique de Yokohama 2012, et personnalité pétillante, qui s’est faite sa place au cœur de cet art européen par excellence.

A Hong-Kong, lorsque l’on parle d’opéra, on pense en priorité à l’opéra cantonais, avec ses costumes extravagants et ses chansons particulières. Pourtant, au-delà de celui-ci, l’opéra occidental trouve sa place, au milieu des buildings et des rues ornées de néons.

Si l’opéra occidental a fait ses débuts à Hong Kong dans les années 60, il fait aujourd’hui  partie intégrante du paysage culturel. Pour en savoir plus sur ce petit monde, je suis partie à la rencontre de Joyce, une soprano hongkongaise, qui s’est faite sa place au cœur de cet univers.  

"Chaque matin, je voulais chanter. C’est tout."

C’est dans un joli restaurant, au cœur de Sai Yin Pun, que je rejoins Joyce Wah-Sheung Wong. Cette femme au rire contagieux est une soprano professionnelle, qui a joué dans de nombreux opéras.

"J’ai grandi à Hong Kong, où j’ai commencé la musique très jeune, aux alentours de 6 ans. Dans mon école primaire, il y avait 6 chœurs et un orchestre. C’est là que j’ai commencé à chanter. Puis, quand j’ai été adolescente, j’ai été envoyée dans un pensionnat aux Etats-Unis pour continuer ma scolarité. J’y ai découvert le monde des comédies musicales et du théâtre. C’est ce qui m’a amenée vers l’opéra."

 

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Photo@Joyce Wong

 

Elle poursuit alors ses études dans un collège communautaire, toujours aux Etats-Unis, afin de se préparer à l’Université. Au sein de celui-ci, elle suit un cours s’intitulant "Performance technique", donné par une célèbre mezzo-soprano américaine. Un jour, celle-ci dit à ses étudiants: "Si en te réveillant chaque matin, tu n’as pas qu’une seule envie : celle de chanter, alors tu dois te trouver un autre métier". Pour Joyce, c’est une évidence: "Moi, chaque matin, en me réveillant, je voulais chanter. C’est tout!"

La jeune femme annonce donc à ses parents, via le téléphone payant du dortoir de son établissement, qu’elle souhaite devenir chanteuse d’opéra professionnelle: "Mes parents ont très mal réagi. Ma mère s’est exclamée: "Mais comment gagneras-tu ta vie?". On est finalement arrivés à un compromis: je pouvais étudier la musique et le chant, mais à l’Université. Pas au conservatoire! J’ai donc suivi un cursus Voice Performance, au Westminster Choir College and Boston University."

"Lorsque j’ai vu mon premier opéra, je me suis endormie."

Si Joyce a grandi dans un environnement musical, elle ne semble toutefois pas prédestinée à l’opéra occidental: "J’ai vu mon premier opéra cantonais très jeune, à North Point, avec ma mère qui adorait ça. A l’entracte, on pouvait sortir et acheter un snack. C’est un bon souvenir. Mon père, de son côté, n’a jamais été un grand connaisseur. Une fois, nous regardions la Traviata à la maison. Dans la dernière scène, une grande horloge était posée sur scène, afin de représenter la vie qui passe. Mon père a été obnubilé par le fait qu’elle ne donne pas l’heure correcte!"

 

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Photo@Joyce Wong

 

Joyce rit et complète: "Habituellement, dans le milieu, les professionnels sont plongés très jeune dans le monde de l’opéra et de la musique. Ce n’était pas mon cas. Lorsque j’ai vu mon premier opéra – c’était Don Giovanni, de Mozart - je me suis endormie."

Aujourd’hui, les parents de Joyce sont très encourageants et se sont mis à apprécier cet art: "Ils viennent voir tous mes spectacles!"

 "Il y a beaucoup de clichés concernant les artistes asiatiques."

Après avoir obtenu son diplôme, Joyce est engagée pour jouer Barbarina dans les Noces de Figaro, pour l’Opera Hong Kong (OHK). Les représentations et les rôles s’enchaînent ensuite: de Roméo et Juliette, à Carmen, Don Giovanni, la Flûte Enchantée, en passant par des œuvres plus modernes, comme Beauty and Sadness, elle se spécialise et se fait un nom.

"Mon rôle favori, c’est le personnage de Gilda, dans Rigoletto. Au premier abord, on pense que c’est une petite fille sage et lisse, mais en réalité c’est une aventurière!"

Être chanteuse peut également amener de bonnes surprises: "Récemment, je suis allée manger dans un restaurant français à Wanchai, le Jean May. J’étais en train de manger quand la cheffe est sortie de la cuisine et m’a dit: Es-tu Joyce, la chanteuse d’opéra? J’étais très surprise car je ne la connaissais pas. Elle était venue voir plusieurs de mes spectacles et m’avait reconnue!"

 

 

Mais être chanteuse d’opéra à Hong Kong, n’est pas toujours facile: "Ce qui est compliqué à Hong Kong, c’est qu’aucune troupe n’a son propre théâtre. C’est donc toujours très compliqué pour les répétitions. La plupart des théâtre appartiennent au gouvernement, donc pour faire un spectacle il faut remplir beaucoup de paperasse. De plus, Hong Kong n’est pas une destination liée à l’opéra comme c’est le cas de l’Australie, du Japon ou de la Corée…"

De plus, être une chanteuse d’opéra asiatique a son lot de préjugés, me confie la chanteuse. "Il y a beaucoup de clichés concernant les artistes asiatiques. On les imagine moins bons en théâtre, moins créatifs, moins bons en chant… Tu dois prouver que tu es meilleure que les autres. Il faut également prouver qu’on sera capable de chanter dans différentes langues – et tu dois le faire cent fois mieux que les natifs pour ne pas te faire critiquer!"

Pour y pallier, Joyce s’investit. Si elle parle un cantonais et un anglais parfait, la jeune femme apprend également le français, l’allemand et l’italien, qu’elle parle avec un accent bluffant, et de charmants R roulés: "Quand je répète une pièce, je cherche tous les mots que je ne comprends pas – et je me renseigne sur le contexte culturel lié aux scènes. Par exemple, dans l’opéra Der Rosenkavalier, dans la scène où l’on présente la rose, c’est très formel et il faut le chanter en tant que tel… Certains chanteurs apprennent par cœur sans jamais savoir ce qu’ils disent, mais il manque quelque chose, ou encore, l’intention du texte peut être fausse."

"Les projecteurs me manquent!"

Comme pour l’industrie culturelle en général, 2020 est une année compliquée: "J’ai eu la chance de pouvoir travailler sur des spectacles ces 3 derniers mois… mais pendant les 9 premiers mois de l’année, c’était le calme plat. La situation m’a vraiment déprimée. Ma raison d’être, c’est le chant. C’est difficile quand ce n’est pas ton choix et que tout t’est enlevé. C’est en remontant sur scène, en octobre que je me suis rendu compte à quel point ça me manquait. Ça a été comme si je respirais à nouveau."

 

 

"Ce qui me manque – continue la chanteuse – ce sont les projecteurs, la scène, les répétitions, le travail avec la troupe. En 2019, j’ai énormément voyagé pour le travail. Je suis allée à Bari, en Italie, à Guangzhou, Shangaï, Nanjing, Suzhou… puis en 2020, plus rien."

Si la jeune femme en a profité cette année pour visionner des spectacles, enseigner le chant, commencer une chaîne YouTube, elle est toujours en attente des prochains spectacles. "L’année prochaine, j’ai quelques projets mais rien de concret."

Elle conclut donc en riant: "Lavez-vous les mains afin que je puisse retourner travailler!"

 

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