Souvenez-vous du film Cinema Paradiso et de toute la magie qui enveloppe les vieilles salles de cinéma abandonnées. C’est cette nostalgie qui a séduit Camille Levert, une jeune femme, photographe et artiste autodidacte qui s’est expatriée à Hong Kong où elle anime un atelier d’arts visuels appliqués à la photographie à l’école Montessori. Elle nous plonge aussi dans les vieilles entrailles des cinémas hongkongais.
Camille est d’un naturel curieux pour tout ce qui l’environne, objets et personnes et s’intéresse aussi à ses comparses, artistes hongkongais. En 2015, désireuse de partager des découvertes avec sa région d’origine, elle cofonde dans le Gers, département du sud de la France, l’association "Le Grizzli vert" qui nourrit la scène culturelle locale et présente une exposition des dessinateurs de rue hongkongais aux habitants de cette région rurale peu familiers de cette ville lointaine.
À cette occasion elle découvre aussi un illustrateur du cinéma hongkongais Rex Koo. Cette découverte l’amènera à s’intéresser au cinéma hongkongais et à son histoire, à se plonger dans les archives aux "Hong Kong film archives" et à suivre un cours à l’université de Hong Kong. Le résultat sera en juillet 2017 un mini festival du film hongkongais dans le Gers et une exposition des dessins de Rex Koo, graphiste qui a dessiné une collection d’arrêts sur image de grands classiques du cinéma hongkongais des années 80 et 90, la belle époque qui a vu éclore les stars comme les auteurs et les grands réalisateurs.
Dans les ruines des vieux cinémas
Apres les illustrations et l’histoire du cinéma vient alors de façon naturelle pour Camille les lieux du cinéma. Elle s’y intéresse lorsqu’elle découvre l’existence menacée et la beauté singulière du "State Theatre", un vieux cinéma désaffecté sur King’s Road dans le quartier de North Point dont émergent encore les arches de la toiture tel un squelette abandonné. Munie de son appareil photo, elle partira alors à la recherche de ces lieux maintenant abandonnés qui marquent l’époque flamboyante du cinéma hongkongais lorsqu’il était à la troisième place mondiale après Hollywood et Bollywood. Elle ne cesse d’explorer et de rechercher les lieux du cinéma hongkongais, un véritable patrimoine culturel comme les vieux studios des frères Shaw, les anciens cinémas à l’architecture grandiose à demi en ruine, ou les petits cinémas désaffectés sur les îles comme à Cheng Chau qui font penser au cinéma paradiso, Lieux qu’elle photographie sous tous les angles.
La magie de ses photocollages en 3D fait revivre ces vieux cinémas
Après son installation à Hong Kong, elle découvre le photocollage tridimensionnel et décide de s’y former afin d’intégrer pleinement cette technique artisanale dans son travail. Elle réalise ces photocollages en 3D, une technique qui demande une grande attention et concentration mais dont le résultat est exceptionnel, recréant l’illusion de la profondeur et des perspectives dans une dimension ou se révèle toute la sensibilité artistique de l’auteur ; c’est une technique manuelle très minutieuse qui demande une moisson d’images découpées et superposées. Mais sa recherche ne s’arrête pas là, car elle intègre aussi dans ces photocollages des posters de l’époque, des mobiliers de rues, des passants, références aux grands films iconiques du cinéma hongkongais.
Des fantômes peu coopératifs
En observant bien, vous distinguerez quelque fois une passante tout vêtue de blanc dans le style des années 60 qui, en marge du bâtiment, semble vous inviter à pénétrer à l’intérieur de ces ruines, car vous avez peut-être noté que curieusement ces lieux ne sont pas transformés en centre commerciaux comme c’est le cas partout à Hong Kong. Quel prometteur se hasarderait à aménager leurs antres où errent encore de nombreux fantômes peu accueillants si ce n’est dangereux.Tous les Hongkongais savent que les lieux rattachés à l’industrie du cinéma sont hantés par des êtres qui n’attendent que de vous entrainer dans leur passé.
"Étudier la culture hongkongaise au travers de l’architecture et du cinéma vous mène inévitablement à quelques histoires mystérieuses mais très populaires de fantômes, souligne Camille Levert. Les Hongkongais croient aux fantômes et de nombreux films sont inspirés par ces croyances populaires. En travaillant sur ce projet "To-Day Next change"(titre anglais de l’exposition), j’ai appris que ces lieux étaient supposés être hantés par des fantômes auteurs d’événements inexpliqués tels qu’incendie ou autre accident dramatique. Mais grâce à ces croyances, ces bâtiments ont été heureusement sauvés."
Camille Levert nous restitue ce passé avec grand talent, et cet art à l’aspect très artisanal, a un futur certain, les musées du patrimoine en étant très friands.
Informations pratiques:
"To-Day Next change" - Camille Levert sera à l'Affordable Art Fair de Hong Kong du 17 au 20 Mai 2018
Stand de la galerie Rouge Ephémère - F16