Deux acteurs récompensés aux Oscars de la 95ème édition (2023) ont leur histoire intimement liée à Hong Kong : la meilleure actrice Michelle Yeoh bien sûr, mais aussi le meilleur second rôle Ke Huy Quan. Découvrez pourquoi.
Michelle Yeoh, une carrière lancée à Hong Kong
Le "cas" Michelle Yeoh a été très médiatisé. Miss Malaisie 1983, repérée dans une publicité par une société de production de Hong Kong, elle apprendra cantonais et arts martiaux dans la Asia’s World City. Elle y tournera ses plus grands films d’action : "The Owl vs. Bombo" (1984), Yes, Madam (1985), "Le Flic de Hong Kong 3" (1992), “Holy Weapon” (1993), "The Heroic Trio" (1993), "Tai Chi Master" et "Wing Chun". Hong Kong est alors la référence du cinéma mondial d'arts martiaux, et Michelle s'impose comme l'une des actrices phare du genre, faisant elle-même ses cascades.
Le réalisateur et producteur Norman Chan, une des personnalités clé de D&B Films (qui a produit "The Owl vs Bombo" et "Yes, Madam" notamment) se rappelait après l’annonce de l’Oscar le parcours de la jeune Michelle Yeoh. Interviewé par le South China Morning Post il évoquait l’entraînement incessant, les blessures à répétition, mais aussi l’excellente pratique de l’anglais de Michelle.
Sa victoire aux Oscars n'est pas un accident
Michelle n’a pas manqué de remercier sa "famille hongkongaise" dans son discours aux Oscars. Elle a aussi dédié son Oscar à sa mère de 84 ans.
Je dédie cette victoire à ma mère et à toutes les mères du monde car ce sont elles les super-héros sans lesquelles nous ne serions pas là
Ke Huy Quan, l'acteur ancien boat people réfugié à Hong Kong
Le meilleur second rôle Ke Huy Quan, récompensé pour son travail dans le même film "Everything Everywhere", a ainsi de nombreuses choses en commun avec Michelle : un rapport très émotionnel avec une mère de 84 ans, et un passé hongkongais. Ce passé est cependant très différent.
Quan était ainsi une personne parmi les 2 millions qui ont fui le Viet Nam communiste entre 1975 et 1992, et il a transité par Hong Kong. Témoignant en 1984 pour le media britannique ITN, il expliquait du haut de ses 12 ans et à l’occasion de son premier rôle dans "Indiana Jones et le temple maudit":
Tout a changé pour moi. Hier réfugié et maintenant dans ce film
7ème enfant d’une famille de 9, il pensait que sa chance était due à ce chiffre, qui porte chance. 40 ans plus tard, pour Variety, il se confie : "It was in the middle of the night [when] my dad and five of my other siblings escaped on a boat"
Arrivé à Hong Kong, Quan a croisé le chemin de l’ancien officier de police maritime Les Bird. Dans son livre publié en 2019 et sur son site internet, Les Bird témoigne par ses photographies de l’arrivée et l’installation des boat people.
Dans le cas de Quan, ce sera les Etats-Unis qui vont offrir leur porte à la fratrie. Plutôt dans le genre taiseux, enfant d’une famille où on s’exprimait peu, Quan a offert un témoignage poignant dans son discours aux Oscars.
Certains peuvent sans doute se reconnaitre dans le destin de Michelle Yeoh. Un certain nombre d’actrices asiatiques ont ainsi exprimé leur admiration envers l’actrice qui a su imposer un visage asiatique dans le cinéma occidental. Mais ceux qui ont un destin commun avec Quan sont sans aucun doute plus nombreux.
Dans leur message de clôture, un dernier message les unissait : la difficulté, pour des acteurs asiatiques, de poursuivre une carrière cinématographique internationale pendant trop longtemps et le constat que cela, en 2023, est devenu possible. Quan le dit si bien :I'm so grateful to all those people who came before me — all the struggles that they faced. I can see them laying one brick at a time, paving the road for all of us to be here
L'histoire des réfugiés à Hong Kong
Le 4 mai 1975, 3743 réfugiés arrivaient ainsi à Hong Kong sur le bateau danois Clara Maersk. Ils ont été logés dans un camp civil à Chatham Road. Hong Kong demandait en 1976 à l’UNHCR du soutien matériel et de l’aide pour l’installation de camps. Si ce premier groupe a entièrement été accepté dans des pays occidentaux (dont la France), le gouvernement vietnamien a commencé à accentuer la pression sur les ethnies chinoises au Viet Nam. Celles-ci sont alors parties en masse vers Hong Kong. Dans le même temps, Thaïlande, Singapour et Malaisie fermaient leurs frontières aux boat people. En 1979, 68.700 boat people sont entrés à Hong Kong. Les 2.600 réfugiés du bateau Skyluck n’avaient nulle possibilité d’hébergement et sont restés sur le navire pendant 4 mois.
Cette année-là, des camps fermés ont été organisés : Shamshuipo, Jubilee, Argyle Street Camp (militaire), Kai Tak, Tuen Mun, Government Dockyard… En même temps, les pays occidentaux devenaient plus stricts sur leur accueil de réfugiés politiques. Accélération encore en 1982 alors que le gouvernement hongkongais passait le Immigration (Amendment) Bill : les camps de Hei Ling Chau, Cape Collinson, Whitehead, Shek Kong… étaient organisés.
En 1989, les réfugiés continuaient d’affluer sur des rumeurs d’amnistie dès lors que les boat people atteignaient le sol hongkongais. Dans le même temps, les quotas d’accueil étaient en chute libre. Noyé, le gouvernement hongkongais a commencé à classer les réfugiés en politiques et économiques, renvoyant les réfugiés économiques au Viet Nam.
Au total, 110 millions HKD ont été dépensés par le gouvernement de Hong Kong pour cet accueil, 120 millions HKD par le UNHCR, et le reste par des agences internationales. Il est dit que l’ONU doit encore 1.61 milliards de HKD au gouvernement hongkongais à ce jour.