Objet de rénovation en 2019, le Peak Tram est l'une des vieilles dames de Hong Kong. En voiture pour une voyage dans le temps
Avec 7 millions de visiteurs par an, le Peak est l’un des endroits les plus visités de la ville, offrant des vues spectaculaires sur la baie et les rives du sud. Un des moyens privilégiés pour y accéder aujourd'hui est de prendre le Peak Tram.
Un endroit de villégiature
Dans les décennies qui ont suivi la colonisation, le Peak bien qu'alors dépourvu de végétation n’en présentait pas moins l’avantage de la fraicheur en été. Il devint donc vite le domaine de prédilection des personnalités influentes. Dans les années 1880, ce que l’on appelle "la course au Peak" se traduit par la construction de nombreuses résidences cossues, dont les Chinois sont initialement exclus par ordonnance. En tout, une quarantaine de familles y éliront domicile. Le Consulat de France s’y installera aussi en 1908, à Victoria Lodge.
En 1890, un superbe hôtel de trois étages est ouvert, le Peak Hotel, proposant aux touristes une vue imprenable. Cet hôtel mythique restera en service jusqu’en 1936 où il fut finalement abandonné du fait de son mauvais état. Il faut dire que la vie au Peak présente de sérieuses contraintes comme l’exposition directe aux intempéries. Ainsi, Moutain Lodge, construite en 1867 par le gouverneur Mac Donnell fut balayée par un typhon en 1897!
Le temps des porteurs
Quand on arrive aujourd'hui au sommet, le Peak Cafe nous rappelle que les visiteurs montaient souvent au Peak à dos d'hommes, et ce même après la mise en service du funiculaire. C'est dans cet abri que se restauraient alors les porteurs. Sur des photos des années 1920, on peut encore voir des palanquins portant élégantes en manteau de fourrure, car craignant d’attraper froid sur les hauteurs, tandis que les porteurs, eux sont légèrement vêtus en vue de l'effort à fournir. Cette même image de l'homme blanc qui se fait servir par une main d'oeuvre locale corvéable est véhiculée par l'illustration de l'escale de Hong Kong des Messageries Maritimes montrant des porteurs travaillant pour le compte d'un gradé de l'armée britannique.
Pour monter au Peak, il y avait aussi le cheval, solution retenue par le gouverneur Lugard dont la "governor’s walk", devrait logiquement s’appeler "governor’s ride". A partir de 1924, également les premières voitures purent accéder au Peak par la route, celle-ci étant si étroite que seuls certains modèles comme l'Austin 7 surnommée "Baby Austin" pouvait l'emprunter.
Aventures dans le funiculaire
La construction du Peak Tram commence en 1882 et dure 6 ans, avec de grandes difficultés puisqu’il a fallu assembler des éléments de 7 mètres de long pesant 136 kilos sur une pente à fort dénivelé, entre 18 à 396 mètres, sur une distance totale de 1350 mètres! On prend la cabine en bois vernis à Garden Road. Celle-ci n'accomode que 30 passagers qui deviendront 72 en 1959 puis 150 de nos jours. Les deux sièges de devant étaient initialement réservés au gouverneur et il fallait attendre deux minutes avant de les occuper au cas où il se présenterait. Le funiculaire passe au-dessus de Kennedy Road à l'endroit où vivait dans les années 1950 le gangster shanghaien Du Yuesheng, surnommé "Du les grandes oreilles", en compagnie de ses trois femmes. Il bénéficie alors d'une pension du gouvernement anglais en échange de l’engagement solennel de renoncer au crime. Je dois dire qu'un tel accord me conviendrait tout à fait!
Parmi les événements qui ont marqué l’histoire du Peak Tram, un obus endommage la machinerie lors de la seconde guerre mondiale, occasionnant un arrêt temporaire de service. Cependant, l’occupant favorisant les résidences du Peak réquisitionnées suite à l’internement des Anglais, la machinerie fut remise ne fonctionnement. En témoignent les photos d’élégantes en kimonos attendant la cabine durant cette période. C’est d’ailleurs grâce au tram qu’avant la guerre, les prostituées de luxe japonaises allaient rencontrer de riches clients sur les hauteurs de Hong Kong.
Pythons dans les pentes
Dans le livre "Gweilo, mémoire d’une enfance hongkongaise", le jeune Martin Booth décrit la montée en funiculaire dans les années 1950. Du fait, explique-t-il, que les deux cabines étaient reliées par un même cable et que les stations étaient plus nombreuses en bas qu'en haut, des arrêts se faisaient en pleine pente pour la cabine du haut, le temps que les passagers d'en bas montent et descendent. C'est à l'occasion de l'un de ces arrêts au milieu de la végétation que ses voisins chinois, lui signalèrent un python, mêt particulièrement recherché à Hong Kong, regrettant de ne pouvoir descendre de la cabine en suspension pour s'en régaler.
Dans ces mêmes mémoires, est évoqué l’un des passagers les plus célèbres du Peak Tram en la personne de Clarke Gable, venu en 1957 tourner "Soldier of Fortune", l'histoire d’un aventurier qui vient en aide à une femme dont le mari est retenu en Chine communiste. Ce film propose, outre une découverte initiale de la ville, une scène romantique d’adieux dans le funiculaire. La maman de Martin Booth, admiratrice de la star, fera tout son possible pour obtenir un autographe lors du tournage aux alentours du terminus de Barker Road, en vain. Il faut dire que Clark Gable aurait été plus facile à rencontrer tous les soirs après le tournage dans le hall du Peninsula Hotel où il vidait des bouteilles de whisky.