Ils semblent tout droit sortis des films noirs, et pourtant, les prêteurs sur gage ont pignon sur rue à Hong Kong. Qui sont-ils?
Le bonheur est dans la chauve-souris
A Hong Kong, les magasins de prêteurs sur gages sont signalés par un emblème représentant une chauve-souris tenant une pièce de monnaie. La chauve-souris est en effet symbole de richesse et de bonne fortune et ce signe est aussi célèbre à Hong Kong que les arches dorées de McDonald's.
Ce métier remonte à des milliers d'années. Une théorie la lie au bouddhisme: pendant les dynasties du Nord et du Sud (386-589), après l'arrivée du bouddhisme depuis l'Inde, les moines auraient commencé à prêter aux nécessiteux en échange de biens. Le prêt sur gages semble même antérieur à l'arrivée du bouddhisme en Chine mais pendant longtemps, ce sont les temples qui officiaient.
Les gouvernements dynastiques de la Chine ont réglementé l’industrie du prêt sur gages de diverses manières, le système évoluant surtout pendant la dynastie Qing (1644-1911). Il y avait alors quatre niveaux de prêteurs sur gages. Seuls les plus petits se trouvaient à Hong Kong, alors bourg rural. Il y en avait au total 16 dans tout le comté de Xin’an, qui regroupait Shenzhen et Hong Kong. La plupart des prêteurs étaient alors concentrés à Yuen Long et Tai Po. Après l'arrivée des Britanniques en 1841, le centre de gravité s'est déplacé vers l'île de Hong Kong.
Les prêteurs sur gages ont commencé à être réglementés en 1858 avec l’affaire Fu Fai (un client a accusé un prêteur sur gages d'avoir cédé sa montre à un tiers). Aujourd'hui, cependant, si le gouvernement impose un taux d'intérêt fixe, l’essentiel du fonctionnement de cette profession est régi par la tradition. Il y a 205 prêteurs sur gages à Hong Kong, chiffre qui augmente car de plus en plus de personnes sont à la recherche d'un crédit facile.
Le saloon du Far East
En entrant dans un “pawn shop”, le client doit en général pousser par une double porte en bois, comme dans un saloon. Au delà, il est accueilli par un haut comptoir protégé par des barreaux. Le but de cette installation est à la fois d’impressionner et d’assurer la sécurité du prêteur et de ses employés. Ainsi le client ne peut pas voir à l'intérieur de la boutique la façon dont le personnel examine la garantie. Le prêteur sur gages va proposer une estimation puis la négociation est rapide. Si le marché est conclu, le client reçoit un dongbiu, un reçu dont le format n'a pas changé depuis le XIXe siècle.
Aujourd’hui, les clients mettent en gage leurs smartphones, montres, de l'or ou des bijoux. A l’époque des migrations venues de Chine, on gageait des parapluies, imperméables, chaussures ou encore machines à coudre, autant de biens précieux pour ce petit peuple de réfugiés. Le recel de bien volés a toujours existé, les faux aussi. Pour lutter contre ce phénomène, la police envoie aux prêteurs un inventaire des biens volés, les prêteurs leur rendent la politesse avec la liste des articles mis en gage, mais un bijou en cristal confondu avec un diamant coûte cher à la boutique. Chaque client doit, bien entendu, fournir son identité pour permettre d’identifier les fraudeurs.
Ce métier reste néanmoins très lucratif. Beaucoup de pawn shops sont les plus anciens commerces de leur immeuble et ils occupent plusieurs étages. Les taux de intérêts variaient autrefois entre 2% et 11% mais depuis 1984 le taux est fixé à 3,5% par mois lunaire, pour quatre mois maximum. C’est beaucoup plus élevé qu’un prêt bancaire mais aussi beaucoup plus facile à obtenir. Les prêteurs n'exigent aucune preuve de revenu et l'affaire est pliée en quelques instants. C’est donc de loin le moyen le plus simple pour emprunter de l’argent à Hong Kong. Ainsi, si les "usuriers" ont mauvaise réputation en occident, à Hong Kong au contraire, ils constituent des piliers de la communauté.
Un business florissant
Hung Hin-kong, l’un d’entre eux, s’exprime ainsi: “Alors que les clients étaient autrefois exclusivement des Chinois locaux, les helpers et les touristes du continent sont des marchés en augmentation. Le business est saisonnier car les clients sont plus nombreux en période d'achat de cadeaux comme Noël ou le Nouvel an. Je suis arrivé à Hong Kong avec moins de 2 HKD en poche et aucun diplôme. Aujourd’hui, je suis heureux de constater à quel point l'entreprise que j'ai fondée a prospéré: je gagnais 15 HKD par mois quand je suis arrivé à Hong Kong. Aujourd'hui j'ai une fortune immobilière, tous mes fils se sont mariés et ont leur propre maison. Tout cela grâce à cette boutique de prêt!"
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