

Harry Chan, plongeur de 68 ans aux plus de 3000 plongées, se définit lui même comme « chasseur de filets de pêche fantômes » à Hong Kong. Il en a ramassé plus de 80 tonnes en 10 ans. Rencontre avec un amoureux de la mer.
Harry Chan a commencé à ramasser les filets sous-marins il y a 10 ans. Suite à une déconvenue dans son travail (qu’il considère comme une chance), il a « trouvé mère nature ». Il a reçu en 2020 la médaille d’Honneur de Hong Kong pour les services rendus à la communauté et son action de sensibilisation à la sauvegarde de l’environnement. Il est également ambassadeur pour la conservation de la faune à la Ocean Park Conservation Foundation de Hong Kong.
La question des filets dérivants à Hong Kong
Harry Chan estime que l’on parle beaucoup des pollutions plastiques car c’est plus facile à identifier pour des non-plongeurs, et qu’on voit des déchets de ce type tous les jours. Cependant, en plongeant dans les océans on se rend compte de l’énorme pollution sous-marine qu’entraine la consommation humaine et en particulier du nombre de filets de pêche abandonnés, aussi bien professionnels qu’amateurs. Selon une étude de World Wide Fund For Nature (WWF), entre 500 000 et 1 million de tonnes de ces filets sont abandonnés dans l’océan chaque année.
De nombreux bateaux ou pécheurs abandonnent volontairement leurs filets à la dérive, d’une part par économie de temps et d’autre part du fait du faible coût pour en racheter de nouveaux. Résultat, on en retrouve partout : océans, lacs ou encore rivières.

Les dangers causés par les filets fantômes
Le danger posé par les filets dérivants est tout d’abord environnemental ; les filets utilisés lors de pêches industrielles endommagent à long terme les fonds marins. Les filets peuvent aussi transporter des maladies (ou des espèces non endémiques) dans des mers très éloignées. Par exemple, certaines anémones peuvent être transportées loin de leur territoire d'origine et peuvent détruire une partie de leur écosystème d’accueil du fait qu'elles n'y ont pas de prédateurs.
Le danger porte également sur la sécurité des êtres vivants. Harry Chan a déjà vu des chiens se retrouver prisonniers de ces filets abandonnés en bord de plage. Quid si un jour un enfant s’y prend ? Ou encore si un jet ski passe sur un de ces gros filets ?
L’impact économique est également sous estimé selon Harry. En effet, les grands filets se coincent dans les hélices des bateaux et entrainent de nombreuses pertes économiques : remplacement d’hélices, utilisation de remorqueurs, retards… (aussi bien pour de petits bateaux de plaisance que pour de plus gros porteurs).
"Les filets abandonnés ne sont qu'une partie du problème"
Pour Harry Chan, combattre l’abandon des filets de pêche est important mais fait partie d’un problème plus large. En effet, la surpêche entraine à la fois un marasme économique pour les petits pêcheurs qui doivent partir toujours plus loin ou pêcher avec des moyens destructeurs (dynamite par exemple). Elle entraine aussi la baisse du nombre de prédateurs de certaines espèces comme l’étoile de mer "couronne du Christ" (Acanthaster pourpre) qui se nourrit exclusivement de corail et le détruit fortement (plus de 40 m2 par jour pour une seule étoile de mer).
Harry Chan insiste également sur l’intérêt de sensibiliser au sujet des prises accessoires: cela concerne la pêche, notamment avec les grands filets de professionnels, de poissons non visés à l’origine.

La nécessaire éducation à la préservation de l'environnement
Harry Chan mène ses activités en collaboration avec de nombreuses institutions hongkongaises comme le LFI. Lors de la période de restrictions liées au Covid-19, son activité de chasseur de filets s’est ralentie. Il n’était plus possible de plonger à plusieurs (or c’est une règle d’or chez les plongeurs, par sécurité). Il s’est alors consacré à élargir son réseau en postant sur Linked In et Facebook. Il a également pris le temps de diffuser son message auprès de différents médias.
En tant qu’ambassadeur PADI (Professional Association of Diving Instructors), il espère pouvoir faire intégrer dans le cursus des niveaux de plongée des modules de sensibilisation à ces problèmes, afin que de plus en plus de personnes partagent son amour de la vie marine et de sa nécessaire protection.
Harry Chan est convaincu qu’il ne faut pas blâmer les pêcheurs locaux qui ont besoin de vivre mais trouver un « équilibre entre leurs besoins et l’environnement ». S’il y a bien un public à convaincre selon lui, ce sont les grandes compagnies de pêche qui peuvent avoir un réel impact sur les conditions de pêche, et diminuer la quantité de déchets abandonnés en mer. A terme « mère nature prendra son dû elle-même si nous ne la précédons pas ».
Harry Chan ne gagne pas d’argent et ne veut pas monter d’association car il estime que « tout le monde » peut se battre à son niveau en parlant de ces problèmes ou en agissant. "Je ne suis qu’un citoyen qui fait de son mieux ».
De plus, il souhaite que chacun puisse le rejoindre du plongeur débutant au plongeur expérimenté, car il s’agit d’un combat collectif. N’hésitez pas à le contacter sur ses réseaux. Il y a toujours besoin de volontaires, aussi bien pour nettoyer sous l’eau ou sur les plages, que pour aider à sensibiliser.
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