C’est dans un petit café à Wan Chai que je rencontre Eva, une grande blonde au sourire communicatif. La jeune femme qui vient des Pays-Bas a déménagé à Hong Kong il y a 3 ans pour y travailler en tant que pilote de cargo. Retour sur son parcours et sa carrière, au goût d’aventures et de voyages.
"Je n’avais jamais imaginé devenir pilote."
"Je n’ai jamais imaginé devenir pilote lorsque j’étais enfant..." me dit Eva, en commençant l’entretien. La jeune femme rêvait en effet d’être journaliste – et c’est dans ce domaine qu’elle se lance à l’Université.
Mais, pendant ses études, elle se heurte à la réalité du métier: "J’ai toujours eu une facilité pour les langues, pour l’écriture… le journalisme me semblait quelque chose de naturel. Je me voyais voyager un carnet à la main, écrire pour de nombreux magazines et vivre pleins d’aventures. Pourtant, pendant mes études, je me suis rendu compte que le style de vie auquel j’aspirais serait difficile à atteindre… que la plupart des journalistes n’avaient pas la chance de vivre cette vie-là, surtout sans réseauter… que la majorité travaillait pour des quotidiens locaux et que c’est probablement ce qui allait m’arriver."
En parallèle, Eva discute avec ses amis et sa famille et sa mère lui dit un jour, au détour d’une conversation: "Eva, tu devrais devenir pilote!". La jeune femme, qui n’avait jamais envisagé cette carrière auparavant, se rend donc à une journée d’information et c’est le déclic. Elle termine son Bachelor puis s’inscrit dans une école, où elle rejoint 23 autres camarades, tous masculins, pour débuter son cursus.
De ses études à son premier emploi
Le programme afin de devenir pilote dure 2 ans. Eva commence donc son école par huit mois de théorie où elle découvre des matières telles que la météorologie. Elle part ensuite 4 mois en Arizona pour apprendre à conduire un PA28, un petit avion en métal, monomoteur, avec lequel elle se fait ses premières armes. "Après ces quatre mois, j’ai obtenu ma licence de pilote privé… et nous sommes alors allés au Portugal afin d’apprendre à piloter de plus gros appareils monomoteurs."
Après avoir obtenu sa qualification de vol aux instruments et sa licence de pilote professionnel, elle se concentre sur le vol aux instruments. Puis, en 2010, Eva reçoit son diplôme: "J’avais mon diplôme en poche, j’étais prête à chercher un emploi… mais malheureusement, il n’y avait pas de job." Pendant deux ans et demi, en pleine crise économique, Eva cherche sans succès un poste au sein d’une compagnie en tant que pilote. Elle travaille alors pour une entreprise d’aviation hollandaise dans l'opération: "Je faisais des plans de vol, ou je m’occupais de l’acheminement. J’utilisais mes connaissances… mais sur le sol."
Dans l’intervalle, Eva n’abandonne pas. Pour conserver sa licence, elle doit faire un certain nombre d’heures de vol par année: "Je louais des avions. Je profitais de mes vacances pour aller voler. Je suis partie en Afrique du Sud, où je faisais des vols dans le bush… Mais tout mon argent disparaissait là-dedans, ce n’était pas facile."
Puis, finalement, Eva est engagée par une compagnie low cost, et la vie de pilote débute enfin et Eva enchaîne donc les heures de vol avec un Boeing 737.
"Mon premier vol en tant que “vraie” pilote, c’était sur une base, sans passager. Avec 6 autres apprentis, nous avons simplement dû décoller, faire quelques cercles autour de l’aéroport et se poser. En fait, avant de pouvoir prendre de véritables passagers, il y a eu beaucoup beaucoup d’entraînement."
"La vie de pilote n’a pas de routine."
"La vie de pilote n’a pas de routine. Si tu fais des vols court-courriers, tu pourras dormir le soir à la maison et le rythme est plus stable. Mais quand tu fais des vols long-courriers, tu pars pour des périodes plus indéterminées."
Aujourd’hui, Eva est pilote de cargo. Dans le cockpit de son Boeing 747, elle s’occupe de trajets long-courriers, avec tous les avantages et désavantages qui l’accompagnent: "C’est parfois imprévisible. Les horaires changent, notamment dans le cargo où nous n’avons pas de passagers… Je ne connais pas mon planning longtemps en avance. Je souffre du jetlag. C’est un travail qui demande énormément de flexibilité."
Généralement, la jeune femme fait 3 vols par mois, dans certains cas, elle est loin trois jours, d'autres fois plus d’une semaine. Son programme est très variable.
Quand je demande à Eva quel est son secret pour s’habituer au décalage horaire, elle éclate de rire: "Ne pas avoir d’enfant est une bonne solution. Je ne sais pas comment font les parents de jeunes enfants pour y survivre. Malheureusement, nous ne nous accoutumons pas au jetlag et nous en souffrons comme n’importe quel autre voyageur. Au moins, le Covid a permis de faire en sorte que ce soit moins désagréable. En effet, comme je ne peux pas sortir de ma chambre d’hôtel, j’essaie de conserver le rythme hongkongais, même si je suis ailleurs… Mais sinon j’essaie de reprendre une routine rapidement, d’aller faire du sport, de reprendre mon rythme habituel…"
Grande sportive sur son temps libre, Eva profite effectivement de ses heures entre deux vols pour aller faire de la grimpe, de la randonnée ou de la course à pied.
"Je n’avais jamais pensé que pilote était un métier d’homme."
"C’est en devenant pilote que j’ai réalisé que le secteur était essentiellement composé d’hommes." me dit Eva. "Je n’avais jamais associé cette profession à quelque chose de masculin. Pourtant, nous ne sommes que 4 à 5 % de femmes pilotes."
Néanmoins, même si la majorité de ses collègues sont des hommes, Eva n’a jamais ressenti sa féminité comme un désavantage: "J’ai de la chance, mais je n’ai jamais eu de problème ou été jugée parce que j’étais une femme. Mes collègues sont super, et je n’ai jamais ressenti cela comme une difficulté."
Sur plus de 5000 heures de vol, Eva n’a pourtant volé qu’une seule fois avec une autre femme pilote: "C’est pour ceci que j’ai décidé de créer mon compte Instagram et sur mon blog. Par ce biais, je peux encourager d’autres filles à se lancer. Je veux pouvoir être disponible si des filles ont besoin de conseils ou hésitent sur leur carrière."
Être pilote pendant le Covid
Quand je demande à Eva comment le Covid a affecté sa carrière, elle me décrit 2020 en deux parties distinctes: "Début 2020, je me suis énormément inquiétée pour le job. Je savais qu’il y aurait des restructurations… je n’avais aucune idée de ce qui se passerait ensuite. Et malgré cette épée de Damoclès sur ma tête, il fallait continuer à voler. Puis, en octobre, j’ai eu la chance de conserver mon emploi. J’étais vraiment soulagée et reconnaissante de ma chance. Maintenant, il faut dealer avec des règles très strictes pour la compagnie: énormément de temps d’isolation et de tests. Lors de chaque étape, chaque escale et lors de chaque retour à Hong Kong, je suis enfermée dans ma chambre d’hôtel pour des périodes allant de 24 h à 6 jours, parfois même plus, ce qui n’est pas toujours facile. J’essaie de rester productive…"
Aujourd’hui, si les pilotes sont désormais soumis à 14 jours de quarantaine à l'hôtel après une escale à l'étranger, certains vols sont exemptés de ces mesures, tels que par exemple les avions pour la Chine, ceux faisant escale à Anchorage, ou les vols spéciaux qui sont réalisés sans contact avec l’extérieur…). C’est de ces derniers qu’Eva s’occupe. A chaque arrivée, la jeune pilote se soumet à un test Covid, à l’aéroport et évite ainsi de longues périodes de solitude.
Si Eva reste extrêmement positive et se considère comme chanceuse d’avoir toujours son emploi, le temps où elle pouvait visiter les lieux où elle s’arrêtait lui manque: "Ce qui est dommage c’est que je ne peux plus visiter les endroits où je m’arrête, ce qui était une part vraiment géniale du job. Mais j’ai un job et je m’estime chanceuse. Ce n’est pas facile, mais je suis reconnaissante!"
Pour conclure, j’interroge Eva sur ses projets d’avenir. Elle sourit en me répondant: "J’aimerais beaucoup devenir capitaine. Aujourd’hui, je suis premier officier. Mais je n’ai aucune idée d’où serais-je dans cinq ans. Je suis ouverte à tout!"
Pour suivre les aventures d’Eva:
Pour être sûr de recevoir GRATUITEMENT tous les jours notre newsletter (du lundi au vendredi)
Ou nous suivre sur Facebook et Instagram