Parler de la cuisine de Hong Kong au travers du parcours d’un chef chinois étoilé, c’est un peu raconter l’histoire de Hong Kong elle-même. Rencontre avec Lau Yiu-fai, chef plusieurs fois étoilé du restaurant trentenaire Yan Toh Heen.
La cuisine, Lau Yiu-fai y est entré à l’âge de 14 ans, “pour pouvoir manger à sa faim tous les jours”, explique-t-il. "A l’époque, Hong Kong n’était pas encore l’une des plus chères du monde et le développement encore à ses balbutiements. Beaucoup de familles issues de l’immigration vivaient encore dans des conditions précaires et devaient travailler dur pour s’en sortir." Quand on le voit aujourd’hui arborer fièrement sa toque du restaurant Yan Toh Heen, pour lequel il a remporté 5 années de suite deux étoiles au célébrissime Guide Michelin, on mesure le chemin parcouru.
Comment avez-vous appris votre métier?
Pour apprendre la cuisine chinoise, il n’y a ni livre ni école. Il faut apprendre des maîtres eux-mêmes. J’ai donc travaillé successivement dans quelques-uns des plus grands restaurants de l'époque pour en apprendre les secrets et tours de main. A Hong Kong, chaque restaurant étant connu pour une ou deux spécialités, il faut changer d’endroit pour maîtriser plusieurs recettes. Mes premières années l’ont donc été dans des restaurants de Wan Chai comme Tai Sam Yuen, aujourd'hui disparu, ou Fook Lam Mun à Kowloon qui existe encore sous forme de chaine. Pour pouvoir prétendre aux faveurs des guides occidentaux, il faut donc plus de temps ici qu’en Europe.
Comment a commencé l’aventure avec Yan Toh Heen?
Cela fait maintenant 30 ans que je travaille dans ce grand restaurant, hébergé dans le bâtiment de l'Intercontinental actuellement en rénovation. A la différence des restaurants traditionnels, cet établissement de standing se doit, en plus d'une carte variée et de produits exceptionnels, de proposer un service aux standards internationaux. La satisfaction et l'attention portée aux clients sont essentiels. Lorsque les guides internationaux ont commencé à s’intéresser à la cuisine asiatique, il a fallu allier les recettes traditionnelles avec une nouvelle façon de travailler, en soignant la présentation de chaque plat notamment. Les réseaux sociaux accentuent aujourd'hui ce phénomène puisque les clients photographient leurs plats avant même d’y goûter. L’image joue donc un rôle essentiel. C’est cette adaptation qui nous a valu, en plus des qualités intrinsèques des plats, d’être reconnus par Michelin (2 étoiles de 2015 à 2019) ou par Forbes (5 étoiles)
Comment travaillez-vous les produits?
Nous mettons l’accent sur l’authenticité et nous sélectionnons donc en priorité des produits asiatiques, du Sud de la Chine ou du Japon notamment. Nos clients sont pour une large part des habitués et ils sont très exigeants. Nous choisissons nos fournisseurs sur leur capacité à remplir un cahier des charges qui comprend les modes d’élevage et la fraicheur. Parmi mes spécialités, le bœuf wagu aux poivres verts vient exceptionnellement d’Australie car le boeuf japonais n’est pas très adapté à la façon de cuisiner hongkongaise, à base de petites bouchées craquantes à l'extérieur et fondantes à l'intérieur. Le produit japonais d'origine, bien qu'excellent, se prête plus à la cuisson sur plaque car plus gras. Pour les fruits de mer, je me rend régulièrement au Japon pour évaluer la façon dont sont pêchés et conditionnés les produits.
Précisément, intégrez-vous des influences étrangères dans votre cuisine?
C’est une question intéressante car si la cuisine fusion est à la mode dans le monde et les restaurants européens de Hong Kong ont tendance à réinterpréter la cuisine asiatique, un restaurant avec notre ancienneté et notre réputation doit au contraire proposer une grande authenticité, même si la présentation est parfois différente de la manière traditionnelle. Dans le cas du crabe doré fourré, le gout est absolument authentique mais pour s’adapter à une clientèle haut de gamme, nous décortiquons le crabe avant de le recuire dans sa coquille, afin de proposer un plat prêt à manger sans effort. De mes voyages au Japon, j’essaye cependant de m’inspirer de la rigueur et de l’organisation en cuisine, en affectant les tâches précisément et instaurant une discipline plus stricte que dans une cuisine chinoise.
Quels plats recommandez-vous?
Bien entendu, toute notre carte vaut le déplacement mais le canard laqué est un incontournable car il a fait ma réputation. La recette est authentique bien sûr et au fil du temps, nous avons encore perfectionné la présentation en proposant une déclinaison de goûts et de saveurs autour d’un même produit. Ensuite, il y a le bœuf wagu, le garoupa à la vapeur, les dim sum, tout cela cuisiné dans la plus pure tradition hongkongaise.
Qu’est-ce que la situation sanitaire a changé pour vous?
Bien évidemment, les fermetures et limitations sur la fréquentation nous ont fragilisé mais aujourd’hui, le fait que de nombreux Hongkongais ne puissent plus voyager nous amène plus de clients locaux qu’auparavant. Nous devons par conséquent proposer un renouvellement plus soutenu, les clients revenant plus souvent. Du coup, il y a encore plus de choix. Les étrangers qui ne sont pas familiers de la véritable cuisine de Hong Kong peuvent en profiter pour la découvrir du fait qu’ils vont passer plus de temps ici cet été. Nous le constatons déjà et le développement du quartier de Kowloon avec ses musées et nouvelles infrastructure devrait encore amener cette clientèle.
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