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Au service des manifestants: Justin, secouriste

manifestations Hong Kongmanifestations Hong Kong
photo@Studio Incendo
Écrit par Claudia Delgado
Publié le 14 juin 2020, mis à jour le 15 juin 2020

Depuis le début des manifestations en 2019, Il a été aux côtés des manifestants en qualité de secouriste, dans cette interview, il partage sa vision du mouvement pro-démocratie et nous parle de son parcours. 

 

Justin arrive en s’excusant du retard. Il porte un sweat blanc et un jean. La couleur de ses cheveux s’accorde avec ses lunettes noires à monture épaisse qu’il remonte sans cesse comme un tic. Nous sommes au dernier étage d’un building dont les murs regorgent de messages anti-gouvernementaux : la fac où il fait des études d’infirmier.

Un sac en plastique oscille dans sa main, un déjeuner qu’il n’a pas eu le temps de manger. Une soupe de nouilles fait son apparition et je lui dit de manger tranquillement, mais la conversation est amorcée et il répond à mes questions entre deux bouchées. 

Réveil politique: révolution des parapluies

Justin est né en 1997 à Hong Kong, ses grands-parents, venus de la Chine, y sont arrivés après la Seconde Guerre mondiale. 

— A quel moment as-tu commencé à t’impliquer dans un mouvement politique? 

—Dans ma dernière année de lycée, pendant les manifestations de 2014. Mes parents estimaient que j’étais trop jeune pour comprendre ce qui se passait, mais ils m’ont écouté et ont fini par accepter que je participe au mouvement. A cette époque, je voulais m’orienter vers la politique mais j’ai été découragé. À Hong Kong, la politique est une chose en théorie mais c’en est une autre dans la pratique. On a les connaissances sans savoir les appliquer, comme un jeu dans lequel, sans argent et sans relations, on n’a aucune chance de gagner. Ici, le pauvre ne bat jamais le riche. 

 

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Révolution des parapluies en 2014 (photo@Studio Incendo)

 

—Peux-tu me parler de ton expérience durant les manifestations du 2014? 

—Je me souviens d’être aux portes du Parlement, on scandait des hymnes et on répétait des slogans, mais nous en sommes restés là, parfois ça ressemblait plus à une fête qu’à une manifestation. À l’époque, la violence qu’on connaît maintenant était impensable et lorsque les manifestants ont fait irruption dans le Parlement en juillet dernier, je ne pouvais pas m’empêcher de penser que si on avait fait ça avant, nous n’en serions pas là. Peut-être qu’aujourd’hui, nous aurions un système plus démocratique. J’ai pensé que je finirais par partir d’ici mais Hong Kong c’est chez moi, et tout comme la société, moi aussi j’ai changé. Je crois que ma mission n’est plus celle d’être en première ligne, mais plutôt d’utiliser mes connaissances pour aider les manifestants.

— Te considères-tu Chinois ou Hongkongais? 

—Mes parents se considèrent moitié Chinois, moitié Hongkongais, et à l’école on nous apprend que l’on fait partie de la Chine, mais moi, je me considère uniquement Hongkongais. Mes grands-parents détestaient le Parti communiste et savent ce dont le gouvernement est capable. Cela a été très difficile pour eux de partir sans un sou. Voilà la différence entre générations : celle de mes grands-parents était occupée à subsister, ils ont transmis cette mentalité à celle de mes parents. Nous, nous avons eu de meilleures conditions de vie, et maintenant, nous réclamons des droits.

 

manifestations Hong Kong
photo@Studio Incendo

 

If we burn, you burn with us: au cœur des manifestations  

— Es-tu d’accord avec les méthodes violentes de quelques manifestants? 

— On ne veut de mal à personne, le combat pour la démocratie vise le gouvernement, mais la police est un instrument gouvernemental pour nous contrôler, on n’aurait pas peur d’eux s’ils faisaient bien leur travail… et en tant que secouristes, ils nous empêchent parfois de faire le nôtre, j’ai failli me faire arrêter lors d’une intervention. 

—A ton avis, que pensent les manifestants des répercussions économiques dues aux manifestations?  

— Les répercussions économiques nous concernent tous, mais on arrive au stade où cette inquiétude passe au second plan et on veut dire à toutes les grandes compagnies qui soutiennent le PCC : if we burn, you burn with us— déclare-t-il, en utilisant cette phrase que j’ai vu peinte sur de nombreux murs. 

—Crois-tu que les manifestations produisent un changement significatif? 

— C’est un pari, nous ne sommes pas en position de négocier, mais nous ne voulons plus faire comme les autres générations, qui constatent la nécessité d’une société plus démocratique mais qui sont pessimistes quant à la possibilité d’obtenir quelque chose. On ne va pas mourir de faim, du travail il y en a toujours, ce n’est pas le problème, ce dont nous avons besoin, ce sont des droits— conclut Justin avec cette façon de parler posée et claire. 

 

manifestations Hong Kong

 

—Le pire des scenarios? —Justin répète ma question pendant qu’il réfléchit à sa réponse— Que Hong Kong devienne un autre Xinjiang. Connais-tu les camps de rééducation en Chine ?

Je hoche la tête.

—Tout le monde ici sait ce qui se passe là-bas mais personne n’en parle, ça troublerait la paix. Hong Kong a été bâti par des survivants, pour qui critiquer le gouvernement n’a jamais été une bonne technique de survie, ne rien faire est devenu une habitude.   

A la fin de l’interview, je lui demande s’il veut que je mentionne son nom.

— Seulement Justin. 

 

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