L’Apec et le G20 ont fourni l’occasion à Xi Jinping de discuter avec les plus grandes puissances mondiales. Le commerce international était au cœur des discussions.
Le client américain prêt à taxer
En une semaine, le président chinois Xi Jinping a rencontré beaucoup de chefs d’Etats et donc de « clients » potentiels pour ses exportations. Entre le 14 et le 16 novembre, il était à Lima (Pérou) pour le sommet de l’APEC (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique). Puis, les 18 et 19, il côtoyait les 19 autres pays les plus influents de la planète lors du sommet du G20 à Rio de Janeiro (Brésil).
Dès le premier sommet, à Lima, les chefs des deux Etats les plus riches du monde se sont rencontrés en tête à tête. Même si l’Américain Joe Biden est un « lame duck » (ou « canard boîteux », soit un président qui ne peut plus prendre de réelles décisions), il a quand même pu souligner quelques points d’accord avec Pékin, notamment sur le fait que l’intelligence artificielle ne doit jamais primer dans les décisions d’utiliser l’arme nucléaire. Cependant, concernant les Etats-Unis, les négociations les plus rudes commenceront après l’investiture de Donald Trump. En effet, ce dernier a promis pendant la campagne électorale de taxer les produits chinois à 60%. Par comparaison, sous son premier mandat, Donald Trump n’avait augmenté les droits de douane sur les produits « made in China » que de 7,5 à 25%. Aujourd’hui, la plupart des économistes estiment qu’il pourrait les monter en réalité jusqu’à 40%, ce qui réduirait quand même beaucoup la compétitivité des exportations chinoises.
Les clients européens divisés
De ce fait, il est important pour la Chine de trouver de nouveaux débouchés. Dans ces conditions, le premier « prospect » possible étant l’Europe, Xi Jinping n’a pas manqué de rencontrer à Rio le chancelier allemand Olaf Scholz et le président français Emmanuel Macron. Avec le leader germanique, le président chinois a évidemment évoqué la hausse des droits de douane européens sur les véhicules électriques fabriqués en Chine, en lui demandant de résoudre ce problème. Poussé notamment par ses constructeurs Volkswagen, BMW et Mercedes-Benz qui craignent ainsi de perdre en compétitivité et en exportations en Chine, le chancelier a promis à Xi Jinping de le soutenir sur ce dossier.
La position de la France est moins évidente, surtout depuis qu’elle a voté en faveur des droits de douane sur les véhicules électriques, contrairement à l’Allemagne. De ce fait, à l’inverse de Berlin, Paris est déjà confrontée à des rétorsions chinoises, avec notamment une taxation du cognac. Faisant dès lors face à des exportateurs français en colère, Emmanuel Macron a promis de « trouver une issue favorable » à cette guerre commerciale. Il est d’ores et déjà prévu que le premier ministre Michel Barnier se rende en Chine au premier trimestre 2025 pour évoquer les modalités pratiques d’un accord qui pourrait éviter ces représailles.
Les clients du Sud séduits
Aujourd’hui, face au caractère rigide des Américains et aux divisions des Européens, il devient donc nécessaire pour les Chinois de trouver de nouveaux partenaires commerciaux. Sur ce plan, les Sud-Américains ont été beaucoup plus ouverts que les Nord-Américains et les Européens. Dès le lendemain de la fin du G20, le président hôte Lula a ostensiblement mis en scène le rapprochement de son pays et de la Chine, avec laquelle il a revendiqué des « visions du monde proches ». « Les relations Chine-Brésil sont au meilleur niveau de leur histoire » a surenchéri Xi Jinping. En 2023, le commerce entre les deux pays s’élevait à 160 milliards de dollars. Les 35 accords signés à Rio devraient encore faire augmenter ce chiffre. Ainsi, l’entreprise chinoise SpaceSail pourra notamment entrer sur le marché brésilien pour concurrencer l’américaine Starlink.
Plus surprenant, au dernier jour du G20, Xi Jinping s’est entretenu chaleureusement avec Javier Milei, le président argentin aux idées ultralibérales qui avait pourtant affirmé lors de sa campagne électorale qu’il ne ferait « jamais affaire avec la Chine ni avec aucun (pays) communiste ». Désormais, Javier Milei explique que la Chine « est un partenaire intéressant, car il n’exige rien. La seule chose qu’ils demandent, c’est qu’on ne les embête pas ». Buenos Aires et Pékin ont ainsi prolongé un accord conclu par le précédent gouvernement argentin, qui prévoit un échange de devises d’un montant équivalent à 5 milliards de dollars.
Si on ajoute que le premier ministre chinois avait également été très chaleureusement accueilli au Pérou pour l’inauguration du port de Chancay, la position dominante de Washington en l’Amérique Latine, héritée de la doctrine Monroe, a beaucoup vacillé en une semaine.