Ce sont non seulement deux éminents scientifiques que la France a voulu honorer ce vendredi 3 octobre, mais également deux figures emblématiques de l’amitié franco-vietnamienne en ce qu’elle a de meilleur. Le Kim Ngoc, biologiste de son état, et son époux Tran Thanh Van, physicien des particules, ne se seront pas contentés d’être de brillantissimes éléments du Centre National de Recherche Scientifique, ou d’avoir été à l’origine des rencontres de Moriond et du Centre International de Sciences et d’Education Interdisciplinaire de Quy Nhon. Philanthropes s’il en est, ils ont aussi créé l’association AEVN (Aide à l’Enfance du Vietnam) qui de nos jours encore vient en aide à des millions d’orphelins dans le pays…


Agés, elle de 91 et lui de 89 ans, ils paraissent éternellement jeunes, de cette jeunesse de l’esprit qui se résume en quelques mots simples, prononcés par Le Kim Ngoc elle-même : « Mon mari et moi n’aurions jamais imaginé vivre uniquement pour la recherche. Nous voulons contribuer au pays et à l’humanité où que nous vivions. Aider un enfant à sortir de la pauvreté et à accéder à l’éducation, c’est aussi se construire un nouvel avenir ».
Le Kim Ngoc et Tran Thanh Van viennent de se voir remettre les insignes d’Officiers de la Légion d’honneur par Olivier Brochet, Ambassadeur de France au Vietnam. La cérémonie a eu lieu ce vendredi 3 octobre à Hanoï, à l’ambassade.
Deux vies au service de la science et de l’humanité
« Aussi diverses et brillantes que soient vos carrières scientifiques pour mériter une nouvelle reconnaissance, ce sont vos vies et vos engagements indissociables qui ont fait de vos parcours de chercheurs et de citoyens engagés une aventure hors du commun, aux fruits magnifiques et que chacun peut méditer »
« Par cette décoration, la République veut vous exprimer aujourd’hui sa reconnaissance, à vous, les deux jeunes Vietnamiens qui avez rejoint la France pour y étudier il y a plus de 70 ans et qui en êtes devenus, par votre talent et votre courage, deux des enfants les plus brillants dont le pays est particulièrement fier. Vous qui n’avez jamais cessé de travailler ensemble pour rassembler les chercheurs, rapprocher les générations et aider votre pays d’origine, tout en contribuant à rebâtir le pont de notre Histoire partagée »

Ces quelques mots, qui sont extraits de l’allocution d’Olivier Brochet, suffisent à traduire l’admiration que suscite le parcours hors-norme de ce couple de chercheurs franco-vietnamiens, qu’Emmanuel Macron lui-même avait fait applaudir en mai dernier, lors de sa visite officielle au Vietnam.

Si Le Kim Ngoc fait autorité dans le domaine de la botanique, son époux, lui, passe pour être un « maître des physiciens théoriques ».
Un couple emblématique de l’amitié franco-vietnamienne
Deux trajectoires parrallèles… et fusionnelles
Le Kim Ngoc nait en 1934 à Vinh Long, dans le Sud, et Tran Thanh Van en 1936, mais à Dong Hoi, dans le Centre. Elle fait ses études secondaires à Saigon, au lycée Marie Curie, et lui à Hue. Tous deux partent ensuite en France, dès 1953, pour y poursuivre de très brillantes études universitaires : sciences naturelles pour elle, mathématiques et physique pour lui.
C’est là, à Paris, que les deux jeunes exilés se rencontrent. Ils se marieront en 1961 et s’installeront définitivement en France, dans un petit pavillon de Gif-sur-Yvette qui – c’est Tran Thanh Van lui-même qui l’assure – aura notamment servi de lieu de rencontre discret et informel à Henry Kissinger et Le Duc Tho à l’époque des négociations de l’Accord de Paris (1973) !
Tous deux feront carrière au sein du prestigieux Centre National de Recherche Scientifique (CNRS). Mais c’est en 1966 qu’ils commencent à se distinguer avec le lancement des Rencontres de Moriond (Haute Savoie), dont la 60e Edition aura lieu l’année prochaine, au mois de mars, et qui restent l’un des grands rendez-vous internationaux de la communauté des physiciens des particules.
Mais Le Kim Ngoc et Tran Thanh Van ne s’en tiendront pas à Moriond. Leur capacité à rassembler se manifestera à plusieurs reprises. Avec les Rencontres de Blois, organisées dès 1989, au cours desquelles physiciens, astrophysiciens, cosmologistes, biologistes, chimistes et mathématiciens se retrouvent autour de sujets tels que le chaos et l’origine de la vie. Mais aussi avec les Rencontres du Vietnam, organisées quant à elles dès 1993, pour permettre à la communauté scientifique vietnamienne de sortir de son isolement et de s’ouvrir au monde. De nombreux prix Nobel viendront d’ailleurs donner à ces rencontres une véritable dimension internationale.

A noter aussi que ces fameuses rencontres se déroulent désormais dans un écrin magnifique: le Centre International de Sciences et d’Education Interdisciplinaire de Quy Nhon (ICISE) qui, à lui seul, suffit à témoigner de l’influence et du prestige dont jouissent Le Kim Ngoc et Tran Thanh Van, aussi bien au Vietnam qu’à l’étranger.
« Ce centre est notre rêve devenu réalité: un lieu où la science se vit, se discute et se transmet. Notre vision est qu’il devienne un carrefour mondial de la pensée, ouvert à la physique, à la biologie, mais aussi à la culture, au climat, à l’intelligence artificielle, à l’éthique et à l’éducation », dira Tran Thanh Van.
Mais le parcours du couple ne saurait se résumer à une carrière scientifique, de très haut vol il est vrai. Car Le Kim Ngoc et Tran Thanh Van, c’est aussi un engagement dans l’humanitaire, et plus particulièrement auprès des enfants vietnamiens les plus démunis.
L’AEVN, les bourses Odon Vallet
1970. La guerre du Vietnam fait rage. S’il résident en France, Le Kim Ngoc et Tran Thanh Van ne peuvent pas rester insensibles aux malheurs qui frappent leur pays d’origine et plus singulièrement au sort des enfants. Aussi décident-ils de fonder une association, Aide à l’Enfance du Vietnam (AEVN), pour venir en aide aux orphelins.
A cette association, le Vietnam doit trois centre d’accueil et de formation pour enfants sans abri : un à Dalat (1974), un à Hue (2000) et un à Dong Hoi (2006). Ces centres fonctionnent en partenariat avec la Fédération internationale des villages d’enfants SOS (SOS Kinderforf International), fondée en 1963, à l’initiative d’Hermann Gmeiner, notamment.

« On a du mal a imaginer l’énergie communicative qu’il vous a fallu déployer pour vendre en 1971 un million de cartes postales artistiques. Mais comme l’a si bien dit Mme Kim Ngoc : l’argent et les honneurs peuvent partir en fumée ; seule la compassion et l’amour d’autrui ont une valeur éternelle », a rappelé Olivier Brochet dans son discours de vendredi.
Le souci des plus humbles, donc, mais qui ne s’arrêtera pas aux orphelins.
Le Kim Noc et Tran Thanh Van vont en effet réussir à convaincre leur ami, le grand philanthrope Odon Vallet, de faire du Vietnam le troisième pays bénéficiaire de sa fondation, après la France et le Bénin, l’idée étant de soutenir des jeunes, méritants mais démunis, dans leurs études.
Ils sont, à ce jour, 57.000 : 57.000 jeunes Vietnamiens à avoir ainsi pu bénéficier d’une bourse de la Fondation Odon Vallet pour poursuivre leur scolarité au Vietnam. Plusieurs milliers d’entre eux ont ensuite poursuivi des études supérieure en France, dans les meilleures université ou grands écoles.
« L’argent et la gloire peuvent, en un instant, s’envoler en fumée, mais la compassion et l’amour restent gravés au plus profond des cœurs et des esprits, et se transmettent de génération en génération ».
Ces paroles, qui sont la conclusion du discours qu’a prononcé Le Kim Ngoc ce vendredi, résument on ne peut mieux une existence au fil de laquelle talent rime avec dévouement et altruisme.
Quelques liens :
ICISE : https://www.icisequynhon.com/
AEVN : https://aevn.org/
Fédération internationale des villages d’enfants SOS : https://www.sosve.org/nous-connaitre/notre-fondation/notre-federation/
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