Le Prix du Public des Trophées des Français de l'ASEAN, parrainé par la Banque Transatlantique, recense 6 finalistes dont deux expatriés au Vietnam. Kenjah David est l'un d'entre eux.
De son vrai nom David Abecassis, Kenjah David se produit sur les plus grandes scènes vietnamiennes. Véritable promoteur de la chanson française, il est actuellement à la tête du Hanoi jazz band et d’un groupe de salsa, La banda.
Mais Kenjah David est avant tout un passionné de musique ethnique. Suivant les traces de son père anthropologue (ceci explique sans doute cela !), il est parti faire œuvre d’ethnomusicologue, en Inde, en Afrique puis au Japon où il posera ses valises pendant toute une décennie, avant de finalement venir s’installer chez nous, au Vietnam.
Le Petit journal est allé à la rencontre de cet artiste aux multiples facettes, pour découvrir sa passion pour la musique qui l'a mené au statut d' « ambassadeur de la musique française au Vietnam ».
LPJ : Kenjah David, bonjour et merci de nous accorder cette interview. Pouvez-vous nous dire en quoi consistent vos activités artistiques au Vietnam ?
Actuellement, je suis basé sur Hanoï, la capitale. L’essentiel de ma carrière consiste en fait à partager, à faire connaître au public vietnamien les grands standards de la musique française. Je bénéficie pour ça du soutien de l’Institut français et de l’ambassade.
Alors bien sûr, c’est plutôt ambitieux comme projet, mais je dois dire que depuis deux ans, le public fait mieux que répondre présent. Il y a un véritable engouement, qui fait chaud au cœur, bien sûr, et qui permet surtout de voir loin. C'est ce succès qui, par exemple, m'a permis de prendre en charge les 110 ans de l'Opéra d’Hanoï et partager entre autre un duo avec My Linh, qui est « la » diva du Vietnam, avec le titre « Et si tu n'existais pas »
C’est vrai, sinon, qu’il y a toujours une dimension « échanges culturels » dans tout ce que je fais. Ça, je pense vraiment que je le dois à mon père anthropologue, qui a beaucoup travaillé sur les peuples et les ethnies d’Amérique du Sud, et qui par son travail, m’a incité à voyager tout autour du monde. Il y a sans aucun doute une part d’atavisme familial dans l’intérêt que je porte aux rythmes ethniques.
Mais pour en revenir à mes activités artistiques à Hanoï, il y a eu une belle aventure qui démarra au sein de la communauté des expatriés, avec la création d’un ensemble de 12 musiciens venus de tous les horizons. Malheureusement, le confinement est arrivé là-dessus, et ça a donné un sacré coup de frein, évidemment. Moi, toute cette période, je l’ai passée à pratiquer, à faire des projets, à espérer des jours meilleurs.
Et puis ils sont arrivés, ces jours meilleurs. Pour la scène musicale, ça a été un véritable printemps. Pour moi, ça s’est traduit par une invitation à la journée de la presse révolutionnaire, par une prestation devant le Président de la République pour célébrer la réouverture du et au tourisme.
Et puis j’ai eu l’honneur d’être appelé par la radio nationale, la Voix du Vietnam, VOV, pour participer à un concours radiophonique annuel. J’ai préparé ça avec l’équipe des émissions francophones qui m’a interviewé. Et ô surprise, cette interview a eu le premier prix ! Une belle récompense pour la radio, bien sûr… Mais je pense aussi - j’espère en tout cas - que ça aura contribué à donner l’image d’une France fraternelle et multicolore.
LPJ : Votre statut d’ « ambassadeur de la musique française au Vietnam » fait de vous « le » représentant de la musique française auprès des Vietnamiens. Vous êtes forcément au contact de très nombreux Vietnamiens... Comment perçoivent-ils, quel est leur regard sur la chanson française?
Ce titre d'ambassadeur de la musique française m'a surtout permis de partager mon patrimoine multiculturel avec le Vietnam. Il y a des affinités évidentes entre Français et Vietnamiens, notamment au niveau artistique. J’ai vraiment l’impression que les deux s’enrichissent mutuellement, de ce point de vue-là.
Ici, au Vietnam, on trouve des compilations de musique française qui sont sur le marché depuis pas mal d’années, et qui sont manifestement très en vogue. On trouve aussi beaucoup de reprises de titres français qui passent sur les ondes et qui sont tout de suite très populaires. Tenez, par exemple, il y a T’as le look Coco, qui a fait un tabac au moment du Têt !
LPJ : D’après, quels sont les liens entre musique française et musique vietnamienne ?
Les Vietnamiens sont en général très sentimentaux et très sensibles à l’art français. Ils adorent les balades et les romances. Le thème de l’amour est évidemment récurrent, mais aussi celui des quatre saisons.
Maintenant, si on regarde les grands noms de la chanson vietnamienne, il y a bien sûr Trang Tien et Trinh Cong Son, qui ont été inspirés par la guerre, forcément, mais chez qui on retrouve aussi cette dimension « contemplation de la nature ». Quant à la nouvelle génération, ce sont des gens qui nourrissent un très grand respect pour leurs aînés, tout en étant ouverts à des influences extérieures, venues de l’international via internet. Ils essaient de développer une identité un peu hybride, à la fois originale et fusionnelle.
Il faut bien comprendre que le Vietnam est un pays en pleine expansion, rempli d’espoir et d’énergie. Il y a toute cette jeunesse qui a vraiment soif de modernité, mais qui veut aussi préserver son identité culturelle. Et ça marche parce que c’est un pays qui a une infinité de moyens d’expression à sa disposition.
LPJ : Quelle expérience vous a le plus marqué durant ces 5 dernières années au Vietnam ?
Eh bien déjà, le Vietnam de tous les jours, c’est une sacrée expérience en soi ! Mais bon, si je ne devais en retenir qu’une seule, je dirais… chanter et écouter les francophones vietnamiens dans le public fredonner des paroles de Gainsbourg. Ça, je dois dire que c’est assez unique en son genre !
LPJ : Quelle a été la plus grosse difficulté que vous avez dû surmonter au Vietnam ?
Il y a eu le confinement, bien sûr, avec son lot d’annulations de spectacles, de contacts humains réduits à une peau de chagrin.
Sinon, si je repense à mes débuts ici, quand on arrive dans un pays si riche, où tout est à découvrir, on passe forcément d’un défi à un autre. J’arrivais du Japon et il m’a fallu un temps d’adaptation. En tant que musicien, aussi, d’ailleurs.
Il a fallu que je découvre le langage musical d’ici, que je me mette à l’écoute des instruments traditionnels, que je saisisse l’influence du folklore sur la musique moderne.
LPJ : Une dernière question, Kenjah David. Dans 5 ans, où vous voyez-vous ? Quels sont vos projets futurs ?
Eh bien j’imagine que je continuerai à vivre des expériences musicales avec des artistes de tous horizons !
Pour ce qui est de mes projets futurs, le Vietnam possède une identité nationale forte et une riche culture traditionnelle, qui ne demande qu’à fusionner et à s’ouvrir au monde. En tant que producteur indépendant, chanteur, interprète et compositeur, je me sens attaché à l'approfondissement de cet échange interculturel. Je découvre toujours de nouveaux talents, en Asie du Sud-est, alors ce que j’aimerais maintenant, c’est concevoir toute une série de spectacles en mettant la musique française au crible du patrimoine musical du monde.
L'interview de Kenjah David et son parcours dans la musique jusqu'à devenir l'« ambassadeur de la musique française au Vietnam » vous a plu ? Votez dès maintenant et ce jusqu'au 14 novembre 2022 (midi heure française) pour le soutenir. Kenjah David est l'un des six finalistes pour le Prix du Public des Trophées des Français de l'ASEAN.