S’il est un secteur d’activité qui a le vent en poupe, en ce moment, c’est bien celui des technologies de l’information, particulièrement au Vietnam, où beaucoup reste à faire dans ce domaine.
Le Petit journal est allé à la rencontre de Duc Ha Duong, un Français d’origine vietnamienne, qui passe son temps entre Paris et Ho Chi Minh-ville depuis une quinzaine d’années, et qui est le co-fondateur d’Officience, une société pionnière dans l’industrie de l’externalisation (de la sous-traitance, dit-on parfois).
« Je suis né et j’ai grandi à Paris. J’ai d’abord travaillé pour d’importants acteurs des télécommunications, en France, avant de déménager et de venir ici, au Vietnam, à Ho Chi Minh-ville, où j’ai donc fondé Officience avec quelques autres « bananes », c’est à dire des gens qui comme moi, sont jaunes à l’extérieur et blancs à l’intérieur »
C’est-ce qui s’appelle « annoncer la couleur »… Duc Ha Duong est un « vietkieu » (vietnamiens de l'étranger) qui s’assume parfaitement comme tel, et qui, à la limite, brandirait volontiers sa double identité en étendard.
Voici l'interview vidéo complète de notre échange avec Duc Ha Duong chez Officience (discussion en anglais) :
Lorsqu’il fait irruption sur le marché vietnamien, c’est à dire en 2006, il s’aperçoit qu’il y a d’un côté les entreprises internationales, et de l’autre, les entreprises locales, ces dernières étant globalement moins exigeantes et surtout moins coûteuses pour qui s’offre à faire de la sous-traitance.
Aujourd’hui, les choses ont évolué et les standards tendent à se niveler…
« A l’heure actuelle, nous avons un niveau d’attente, de la part des consommateurs vietnamiens, qui correspond en partie à ce à quoi on peut s’attendre dans le monde occidental », constate Duc Ha Duong.
Duc Ha Duong prône la vision d'une clientèle choisie
Pour ce qui est des clients, Duc Ha Duong ne les choisit pas au plus offrant. Il est plutôt attentif à leur vision de l’entreprenariat, aux valeurs partagées…
« …en fonction de nos croyances communes, de notre vision de la durabilité, de notre foi en l’entreprenariat social… », nous dit-il.
« Nous recherchons des personnes qui partagent un même but », ajoute-il, pour préciser ce qui, chez lui, s’apparenterait presque à une profession de foi ou à une sorte de code éthique.
« Ici, au Vietnam, c’est une entreprise à taille humaine. Nous essayons de trouver des clients qui nous connaissent, qui connaissent nos noms et dont nous connaissons les noms», renchérit-il
En quoi consiste, sinon, le travail d’Officience ? Essentiellement à développer des outils informatiques qui vont permettre à une société partenaire de rendre ses produits plus attractifs ou d’améliorer sa gestion interne. Ça va de la retouche d’image à l’intelligence d’affaire, en passant par le traitement de données.
« Sous-traitance au Vietnam » avec une vision gagnant-gagnant
Cela étant, Duc Ha Duong n’aime pas beaucoup le terme de « sous-traitance ». Il lui préfère un autre terme, anglo-saxon pour le coup, à savoir « offsharing », un terme qui a selon lui le grand mérite de mettre en avant la notion de partage.
« Étant à moitié français, à moitie vietnamiens, nous voulons aider les entreprises françaises à être plus compétitives », nous explique-t-il, avant de faire bonne mesure en indiquant qu’il souhaite aussi aider les Vietnamiens, notamment les jeunes, à s’approprier les nouvelles technologies.
« C’est vraiment une perspective partagée, où nous avons une vision gagnant-gagnant de la façon dont nous menons nos affaires »
Emploi dans l'informatique : des salaires attractifs
La question des gains, et donc des salaires, est d’ailleurs l’une de celles auxquelles Officience est en mesure d’apporter des réponses pour le moins intéressantes.
Comme partout ailleurs, celles et ceux qui débutent doivent se contenter de revenus relativement modestes, de l’ordre de 4.000 ou 5.000 dollars par mois. Mais l’évolution se fait rapidement et au bout de trois ou cinq ans, il est déjà possible d’envisager des revenus mensuels compris entre 2.000 et 2.500 dollars.
« Il faut prendre en compte le côté très spécifique de notre créneau », nous fait observer Duc Ha Duong, pour qui il est important d’offrir de réelles perspectives, notamment aux jeunes.
IT et digital au Vietnam : un secteur ouvert
Duc Ha Duong en offre, d’ailleurs, aussi bien aux jeunes vietnamiens qu’à de jeunes français qu’il recrute par le biais d’une agence nommée FrancoViet Career.
Il va de soi qu’en quinze ans de présence au Vietnam, Officience s’est fait une réputation flatteuse et que la bouche-à-oreille fonctionne à plein régime, de même que le recrutement sur les réseaux sociaux.
Lorsque l’on demande à Duc Ha Duong si le secteur des technologies de l’information offre des opportunités aux étrangers (au Vietnam, cela s’entend), la réponse est sans équivoque : oui. Et c’est un oui d’autant plus franc que la crise sanitaire aura eu pour effet de faire rentrer beaucoup d’expatriés, ce qui revient à dire qu’il y a, en ce moment même, des postes à pourvoir. A bon entendeur!
« Je pense que c’est le bon moment pour revenir et explorer les opportunités. Par contre, prenez un billet d’avion et venez sur place, sinon on ne peut pas savoir si vous êtes vraiment motivé ou pas », conseille-t-il.
Des employés vietnamiens, pas des soldats obéissants
S’agissant de la fidélisation de ses employés, Duc Ha Duong mise sur l’importance primordiale que revêt la famille au sein de la société vietnamienne.
« Nous essayons de faire en sorte que les gens, lorsqu’ils travaillent avec nous, se sentent comme dans une famille », nous confie-t-il.
Pour Duc Ha Duong, l’employé modèle n’est certainement pas le plus docile, c’est au contraire celui qui sera doté d’un esprit critique suffisamment fort et surtout suffisamment constructif pour faire avancer l’entreprise : les esprits frondeurs sont les bienvenus, et les vieilles barbes confucéennes n’ont qu’à se le tenir pour dit !
Passerelles numériques pour démocratiser les technologies de l'information
Lorsqu’il s’agit de dénicher de jeunes talents, Duc Ha Duong n’a pas peur de casser les codes et c’est d’ailleurs ainsi qu’est née l’une de ses initiatives plus singulières. Là où d’autres auraient été tentés de joindre l’utile à l’agréable, il a, lui, joint l’utile au à la générosité.
Il est en effet le président d’une ONG baptisée Passerelles numériques, basée a Da Nang, dont les membres sillonnent les localités les plus démunies à la recherche de jeunes adolescents dynamiques qu’ils font entrer dans l’univers des technologies de l’information, en leur offrant ainsi une vraie perspective d’avenir.
Là encore, on est dans le gagnant-gagnant.