Symbole du quotidien vietnamien, les vendeurs ambulants animent trottoirs et marchés de rue depuis des siècles. Entre héritage culturel, survie économique et encadrement légal de plus en plus strict, ils incarnent une facette essentielle, mais fragile, de l’économie urbaine vietnamienne.


Héritiers d’une tradition urbaine séculaire
Au Vietnam, le commerce de rue ne date pas d’hier. Dès le début du XXème siècle, les photographies d’Hanoï ou de Saïgon montrent déjà des porteurs de fruits, de soupe pho ou de fleurs sillonnant les ruelles, paniers suspendus à une palanche de bambou. Ces marchands représentaient alors l’un des rares moyens pour les populations rurales appauvries d’assurer leur subsistance.
Aujourd’hui encore, ces figures sont omniprésentes : femmes âgées vendant du café glacé, jeunes cuisiniers ambulants ou réparateurs à vélo. Dans toutes les villes, ils incarnent une économie populaire à la fois souple, mobile et profondément enracinée dans la culture vietnamienne. Ils jouent un rôle essentiel dans la distribution alimentaire de proximité et dans le maintien d’un tissu social vivant.
Entre débrouille et précarité
La plupart des vendeurs ambulants viennent de zones rurales et migrent vers les grandes villes à la recherche de revenus complémentaires. Ces travailleurs informels échappent souvent à la fiscalité, mais aussi aux protections sociales. Sans emplacement fixe, ils subissent la pression constante des autorités locales qui cherchent à “moderniser” l’espace public.
Pourtant, derrière leur étal ou leur chariot, se cache une économie indispensable : celle qui nourrit chaque jour des milliers de citadins à petit prix. Les vendeurs ambulants répondent à une demande réelle, celle de repas rapides et bon marché, dans les villes où les écarts de revenus restent très marqués.
Une loi entre tolérance et répression
Le cadre légal vietnamien encadre strictement l’usage des trottoirs et de la voirie. Vendre sans autorisation peut entraîner une amende allant de 300 à 400.000 dongs, voire la confiscation des marchandises. Depuis 2018, Ho Chi Minh-Ville a lancé plusieurs campagnes de réappropriation des trottoirs, pour protéger les piétons et fluidifier la circulation. Dans certains arrondissements, notamment le premier, des zones pilotes ont été mises en place pour autoriser temporairement la vente de rue, une tentative de conciliation entre activité économique et ordre urbain.
La réglementation, mise en œuvre progressivement selon les zones, crée parfois des incertitudes pour les vendeurs ambulants. Certains peinent à s’adapter aux nouvelles règles d’occupation de l’espace public. Les autorités cherchent ainsi à concilier la modernisation urbaine avec la préservation d’une activité économique essentielle pour de nombreuses familles.
Vers une reconnaissance progressive ?
De nombreux chercheurs et ONG plaident pour une approche inclusive : reconnaître le rôle économique et culturel des vendeurs ambulants et leur offrir des conditions de travail sûres et régulées. À Hanoï, certaines expériences locales testent déjà des licences temporaires, des espaces dédiés ou des programmes de formation à l’hygiène alimentaire. Car derrière le désordre apparent des trottoirs vietnamiens, se joue une question plus profonde : celle de la place des travailleurs informels dans la ville de demain.
En définitive, les vendeurs ambulants incarnent à la fois la mémoire et le mouvement du Vietnam moderne : entre tradition et adaptation, ils sont témoins d’un pays en mutation. Leur avenir dépendra de la capacité des villes à les intégrer sans les effacer, à préserver cette effervescence qui fait battre le cœur du Vietnam.
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