Édition internationale

Josée Colas, entre les mondes

Ancienne directrice d’école, éducatrice engagée, entrepreneure sociale et mère endeuillée, Josée Colas a choisi de ne pas choisir entre l’action, la contemplation et la transmission. À la tête du gîte humaniste Terre Mère, et de la section québécoise de Francophonie Sans Frontière, elle trace un chemin de lumière entre mémoire, soin, et avenir. Portrait d’une femme qui transforme chaque épreuve en point d’appui.

Josée ColasJosée Colas
Josée Colas en Guinée où elle a participé à un programme de solidarité et de coopération internationale dans le cadre de sa formation universitaire. Illustrations courtoisie
Écrit par Bertrand de Petigny
Publié le 24 mai 2025

 

 

Une naissance en mouvement 

Josée naît à Cologne, fille d’un médecin haïtien venu au Canada pour contribuer à la première greffe cardiaque et d’une mère canadienne. Avant d’avoir marché, elle a déjà traversé l’océan. Enfant, elle grandit entre le Nouveau-Brunswick, Paris et Haïti, avant de s’installer au Québec. « Je ne me sens ni québécoise, ni haïtienne. Je suis une étrangère partout. Mais cette absence d’ancrage est devenue une liberté. » Lorsqu’elle pose le pied en Haïti à l’âge de 13 ans, un frisson la parcourt : « Quelque chose m’a traversée. La musique, les couleurs et l’athmosphère étaient déjà quelque chose de presque connue, un héritage émergeant du passé » 

 

Josée Colas avec ses parents
Josée sur les genoux de son père, Papillon.

 

 

Une vie faite d’appels 

Josée ne « choisit » pas sa trajectoire : elle répond à des appels. Enseignante, puis directrice d’école pendant plusieurs années, c’est à la demande des parents de l’école où elle enseignait depuis de nombreuses années qu’elle prend la direction de l’établissement. Formatrice et pédagogue, elle enseigne aujourd’hui à des enfants en difficulté, souvent rejetés du système scolaire traditionnel. « Ce sont des enfants cabossés. J’essaie de les réconcilier avec l’école, mais surtout avec eux-mêmes. » Elle fait cela à distance, de chez elle, dans un rythme volontairement ralenti. « Je veux savourer chaque chose. Vivre le moment. » 

 

 

Le gîte
Le gîte Terre Mère situé à mi-distance entre Montréal et Ottawa, dans les Laurentides

 

 

Terre Mère : un havre, un manifeste 

C’est seule qu’elle a conçu et développé Terre Mère, un gîte aux portes de la nature, à une heure de Montréal. Mais il ne s’agit pas d’un simple lieu de repos. C’est une utopie concrète, où se croisent accueil touristique, camp d'été artistique, zoothérapie, répit pour familles vivant avec le diabète de type 1, et bientôt soutien humanitaire. Le tout, financé par elle-même. « Je travaille pour payer les factures du lieu. Mais le cœur du projet, c’est le don. Je ne veux pas que ce soit commercial. Je veux que ce soit une bulle d’oxygène dans un monde qui perd le sens. » 

En octobre, elle accueillera sa première famille pour un séjour thérapeutique. « Le diabète, je connais. Ma fille en était atteinte. Ce projet, c’est une façon de faire vivre son souvenir. » Elle parle de soutien moral, de fatigue invisible, de solitude des aidants. Elle parle aussi de suivi, d’évaluation, de pérennité. Tout est pensé. Et tout repose encore sur ses épaules. 

 

Josée et ses enfants
Josée et ses filles

 

 

Nomade enracinée, mère engagée 

Josée a eu cinq enfants. L’un d’eux est décédé. Les autres volent aujourd’hui de leurs propres ailes. Ils restent proches, reviennent souvent à Terre Mère, y trouvent refuge. « Quand ils me demandent de bloquer une semaine, je dis oui sans hésiter. C’est leur maison. » Malgré ses douleurs — la perte d’un père assassiné en Haïti, la disparition d’une fille, l’absence de soutien conjugal — Josée ne sombre pas. Elle crée. Elle enseigne. Elle sème. 

Elle ne se revendique d’aucune patrie, mais d’un humanisme joyeux : « Je me sens plus européenne, peut-être. Mais en fait, je suis sans couleur. Je ressens l’énergie des gens. C’est ça qui me guide. » 

 

 

Un engagement francophone sans frontières 

Fidèle à son désir de tisser des liens durables entre les personnes, Josée Colas s’est investie depuis 2022 dans Francophonie sans frontières, dont elle coordonne l’antenne québécoise (FSF Québec). « La langue française n’est pas seulement un outil de communication. C’est un vecteur de solidarité, de mémoire, de dialogue entre les cultures », affirme-t-elle. 

Sous son impulsion, FSF Québec se structure, se dote d’une identité plus claire et multiplie les partenariats, notamment avec la Belgique. « Nous voulons faire entendre une voix francophone qui ne soit ni cloisonnée, ni purement institutionnelle, mais vivante, engagée, ancrée dans les territoires. » Pour elle, la francophonie doit être un espace d’action concrète : que ce soit dans l’éducation, la coopération internationale ou les projets sociaux. 

 

 

Écrire, peindre, transmettre 

Elle peint, elle écrit. Son roman viendra « dans cinq ans », dit-elle, dans un temps où elle n’aura plus besoin de travailler pour payer les factures du gîte. Elle aimerait aussi retourner en coopération à l’international, comme lors de son stage en Guinée. Dès l’an prochain, Terre Mère reversera 5 % de ses revenus à un projet humanitaire soutenu par Francophonie sans frontières. « Le monde va trop vite. Je veux ralentir. Laisser une trace d’amour. » 

 

 

Habiter le monde autrement 

Josée Colas vit intensément, non pas pour briller, mais pour réparer. Elle incarne une spiritualité discrète, enracinée dans l’action. Quand on lui demande qui elle est, elle répond sans hésiter : « Une enfant. » Peut-être est-ce cela, au fond, qui lui donne la force de croire encore que l’éducation, la douceur et l’art peuvent changer le monde. 

 

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