Fondée en 2017, Francophonie sans frontières (FSF) s’impose aujourd’hui comme un acteur incontournable de la Francophonie citoyenne. À sa tête depuis 2022, Ronan Dumas-Labbé défend une approche pragmatique et humaine, loin des carcans institutionnels. Rencontre avec un président pour qui la Francophonie ne doit pas être seulement une langue.


"la Francophonie ne doit pas être seulement une langue, mais un projet collectif capable de changer la vie des communautés." - Ronan Dumas-Labbé
Francophonie sans frontières est née d'une conviction simple : la Francophonie doit se vivre au quotidien, et pas seulement dans les sommets internationaux. "À l’origine, c’est un petit groupe d’expatriés, de Français, de Québécois, mais aussi de membres issus des diasporas africaines qui se sont dit : il faut que la société civile s’empare de la Francophonie", explique Ronan Dumas-Labbé. De fil en aiguille, le réseau s’est étendu, d'abord en France et au Québec, puis en Côte d’Ivoire, en République démocratique du Congo, à Madagascar et en Égypte.
Tisser des liens au-delà des frontières géographiques et culturelles
Au cœur du projet FSF, il y a cette idée de "densifier la Francophonie" en créant un espace de coopération entre individus, au-delà des appartenances nationales. "Nous voulons que chacun puisse se sentir acteur d'une communauté de valeurs", insiste Ronan Dumas-Labbé.
En 2023, FSF a ainsi soutenu 42 événements : conférences, ateliers, rassemblements, formations et podcasts. "Ce n’est pas juste de la labellisation. Nous accompagnons, nous formons, nous finançons, et surtout, nous restons présents dans la durée pour aider les initiatives locales à grandir."
Une organisation structurée, mais volontairement légère
FSF repose sur une organisation souple mais structurée : un bureau international, épaulé par un conseil d’administration. À cela s’ajoutent des équipes permanentes dans plusieurs pays, et un réseau étendu de bénévoles disséminés sur quatre continents.
"Nous fonctionnons en miroir avec les réalités de terrain", explique Ronan Dumas-Labbé. Le bureau supervise notamment trois pôles stratégiques : la radio (balados), la formation, et l’accompagnement d’initiatives ambitieuses. "C’est un modèle souple, où chacun peut proposer, monter des projets, et être soutenu, même avec des moyens modestes."
Une radio au service de la diversité francophone
Créée pendant la pandémie, le premier épisode a été diffusé le 2 novembre 2020, la Radio FSF est devenue une vitrine inattendue de la diversité francophone. "À la surprise générale, nos balados ont été massivement écoutés en Inde, en Colombie et aux États-Unis, principalement par des apprenants du français et des enseignants de FLE", raconte Ronan Dumas-Labbé.
Aujourd'hui, ces épisodes servent de support de recherche pour un consortium universitaire européen. "C’est une immense fierté de voir que notre petit projet contribue à rendre la Francophonie audible, dans toutes ses nuances d'accents."
Faire émerger une Francophonie d’action
"Nous ne voulons pas seulement parler de Francophonie. Nous voulons agir", affirme Ronan Dumas-Labbé. FSF a donc développé plusieurs axes d'intervention, notamment autour du développement durable.
L’un des projets phares est l’engagement en faveur de la Grande Muraille Verte, une initiative panafricaine contre la désertification au Sahel. "C’est un projet qui touche directement neuf pays francophones. Il illustre parfaitement notre vision : connecter les enjeux globaux à des actions locales, en français et pour les communautés."
Des défis financiers mais une détermination intacte
Comme toute structure de la société civile, FSF se heurte à la question des moyens. "Nous fonctionnons principalement grâce aux subventions publiques et à quelques soutiens privés, mais nous devons aujourd'hui aller chercher davantage le secteur privé et les fondations", souligne son président. L’association entend maintenir sa capacité d'action directe : "Parfois, nous finançons entièrement un projet, comme ce fut le cas d’un colloque sur l’économie bleue à Madagascar."
Cultiver l'altérité : un défi quotidien
Pour Ronan Dumas-Labbé, la véritable difficulté de la Francophonie tient à l'acceptation de l’autre dans sa différence. "Parler français ne suffit pas. Il faut reconnaître les priorités de chacun, comprendre les défis locaux, accepter de sortir de ses repères", explique-t-il. FSF s’attache ainsi à nourrir un dialogue permanent entre ses équipes, et à faire émerger une identité francophone plurielle, adaptée aux réalités du XXIᵉ siècle.
Une Francophonie ouverte, connectée et humaine
Au fond, FSF défend une Francophonie citoyenne, horizontale, où l’action prime sur les discours. "Nous voulons créer des ponts entre les gens, entre les projets, entre les continents", résume Ronan Dumas-Labbé. Ce faisant, l’association contribue à faire émerger une nouvelle génération de francophones engagés, capables de porter les valeurs de solidarité, de diversité et d'innovation au-delà des discours officiels.
À l'heure où la Francophonie institutionnelle cherche à se renouveler, Francophonie sans frontières offre une voie complémentaire : celle d'une Francophonie du terrain, fondée sur la coopération concrète et l'engagement citoyen. La question reste ouverte : cette Francophonie horizontale, capable de porter des projets globaux et inclusifs, parviendra-t-elle à s’imposer face aux lourdeurs systémiques et aux défis financiers ?
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