Née dans une famille multiculturelle entre la France, l’Allemagne et la Pologne, Anna Royon-Weigelt maîtrise à la perfection quatre langues et jongle depuis sa plus tendre enfance avec les cultures. Après un parcours de juriste et de développeur d’affaires, elle s’est tournée naturellement vers le conseil en entreprise et plus particulièrement l’aide aux équipes interculturelles au sein de projets internationaux.
Tout comme pour monter une mayonnaise dans les règles de l’art sans que celle-ci ne se décompose au fond du bol, réussir à manager une équipe où se rencontrent différentes nationalités, cultures et professions n’est pas inné. Incompréhensions, quiproquo, conflits liés à des approches culturelles parfois diamétralement opposées, peuvent faire retomber un beau projet comme un soufflé. Les exemples de fusions internationales ratées ou de projets de coopération épuisants ne manquent pas. Pour réussir à marier les ingrédients, l’important est de bien les doser dès le départ, les travailler à température ambiante, et avoir un bon tour de main. Ce tour de main ou savoir-faire, c’est ce qu’Anna Royon-Weigelt, navigant entre différentes cultures depuis sa plus tendre enfance, propose aux entreprises pour les accompagner et aider les managers à transformer les différences culturelles au sein de leurs équipes en une véritable force. Anna Royon-Weigelt, forte d’une solide formation en coaching, management interculturel et conseil systémique, a créé en 2008 le cabinet de conseil Respea (Resources to Perform Abroad) qu’elle nous présente. Entretien.
Lepetitjournal.com/francfort : votre parcours semble très riche et éclectique. Pourriez-vous nous en dire davantage sur vous ?
Je suis née à Leipzig en Allemagne, de l’autre côté du rideau de fer, mais j’ai grandi en France en Bourgogne de père français et de mère polonaise, tous deux professeurs. Nous passions tous nos étés en Pologne. A l’adolescence, j’ai fréquenté le lycée français de Londres et après le Bac, j’ai fait des études de droit européen et de sociologie. Comme happée par l’Allemagne, j’ai déménagé à Berlin directement après mes études en 1996.
Vous aviez un très bon poste au sein d’un grand groupe à Berlin. Pourquoi avoir fait le choix risqué de l’indépendance en créant votre société et pourquoi vous êtes-vous dirigée vers le coaching et l’accompagnement d’équipes en entreprise ?
J’ai en effet travaillé chez Gaz de France en tant que juriste et dans le développement de projets en Europe de l’Est et du Nord. C’était passionnant, c’est là que j’ai réalisé que ma biographie interculturelle me donnait des clés pour améliorer la communication des équipes internationales. Par la suite, j’ai travaillé comme consultante en Europe et aux Etats-Unis au sein de l’entreprise « Metaplan » qui a développé une méthode géniale de facilitation du dialogue en organisations. Forte de ces expériences, j’ai voulu mieux connaître le secteur à but non-lucratif. En tant que directrice des programmes, j’ai monté le bureau de placement du Centre français de Berlin, qui aide encore aujourd’hui les Français qui souhaitent s’installer à Berlin à trouver un emploi. A partir de 2004, je me suis formée au coaching, puis j’ai suivi aussi une formation de médiatrice et de conseil systémique en organisations. La création de Respea en 2008 m’a permis d’apporter un cadre juridique à mes nouvelles activités.
Que propose exactement Respea ?
J’exerce mon métier dans toute l’Allemagne ainsi qu’en France et en Pologne. Pour les gros projets, je fais appel à mon réseau de collègues expérimentés et solidement formés. J’aide d’une part des équipes à surmonter les écueils de la dimension interculturelle et à fluidifier et améliorer leur communication. J’interviens d’autre part à l’occasion de fusions ou de projets de changement par exemple, qui sont des moments complexes dans la vie d’une organisation. Mon rôle de facilitatrice et d’animatrice consiste à accompagner le processus de réflexion, de conception, d’acceptation et de changements institutionnels. Ce sont des processus ouverts, qui concernent des groupes de quelques dizaines à quelques centaines de personnes.
J’interviens dans des entités de différents types, par exemple dans des grands groupes comme DHL mais aussi des PME industrielles familiales, des instituts de recherche comme le « Max Planck Institut » ou des centres de formation. J’avoue que ma maîtrise de plusieurs langues (français, anglais, allemand, polonais) représente un atout considérable pour comprendre et démêler des situations complexes mais aussi pour établir une relation privilégiée avec mes interlocuteurs. L’aspect interculturel est souvent présent, mais pas toujours. Il s’agit avant tout de mobiliser les ressources et développer l’intelligence collective dans un contexte parfois tendu ou instable. La plupart du temps, la réponse au problème est déjà dans le groupe, la solution est en gestation. Mon rôle est un peu celui d’une sage-femme, j’aide le groupe à faire venir au monde toute son intelligence, toutes ses ressources et sa créativité pour surmonter les difficultés. J’anime des ateliers de dialogue et procède par exemple à des bilans de compétences d’équipe qui vont mettre en lumière les compétences de l’équipe au-delà des capacités individuelles.
Combien de temps un accompagnement dure-t-il et votre public est-il composé uniquement d’internationaux ?
Les besoins dépendent de la complexité du projet, de la maturité de l’équipe. Un processus de réflexion et de travail d’équipe intensif peut durer de 3 à 6 mois, une intervention de crise sur un projet bloqué prend quelques jours, développer une « troisième culture » en contexte international peut s’étaler sur 1 à 2 ans avec des fréquences variées. Je n’interviens pas seulement auprès de personnes de nationalités différentes. Des équipes composées d’ingénieurs, de techniciens et financiers par exemple, qui n’ont ni le même background, ni la même vision ou approche d’un projet, ont parfois besoin d’une « traduction » même s’ils parlent la même langue. Cela peut être aussi des professeurs d’université qui dirigent une équipe de recherche ou des chefs d’entreprise dans la prévention du burn-out.
Concrètement, comment cela se passe-t-il ? Quelles sont vos méthodes de travail et les outils que vous utilisez ?
Dans la phase de prise de contact et de clarification, ma démarche essentielle sera de poser les « bonnes » questions, avant d’ouvrir la phase d’analyse. Albert Einstein disait que s’il avait une heure pour résoudre un problème, il passerait cinquante-cinq minutes à définir le problème et seulement cinq minutes à trouver la solution. C’est un peu extrême peut-être mais je crois profondément à ce message car je vois très souvent mes clients trouver d’eux-mêmes leur solution une fois que nous avons clairement défini le problème ensemble. Pour moi, rien de plus inutile que d’arriver avec plein de clés sans avoir regardé de près la serrure. Alors nous regardons la serrure ensemble sous toutes les coutures. Après, je puise dans un ensemble d’outils adaptés pour l’intervention individuelle (coaching) ou collective (le RTSC- Real Time Strategic Change, Forum libre, World Café, Atelier du futur, Dynamic Facilitation, …) en fonction du contexte et des besoins.
Avez-vous un message à transmettre à nos lecteurs ?
Oui. En général, les entreprises m’appellent lorsque leurs équipes ont perdu le lien. Elles font rarement de la prévention, j’interviens lorsque le malaise est déjà installé et que les situations conflictuelles ont nettement endommagé la confiance et la performance. Lorsque des membres de l’équipe quittent un projet en cours de route pour ces raisons, la perte de savoir et de savoir-faire peut fragiliser toute l’entreprise. Il ne faut pas sous-estimer les facteurs relationnels ; ils représentent un risque important d’échec mais peuvent être un levier déterminant pour le succès d’un projet. Le manager doit penser à accompagner la communication au quotidien dès le début et ne pas hésiter à me contacter pour prendre conseil en amont, par exemple pour avoir une idée plus précise des pièges à éviter
Interview (Publi-Info)
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