Le parquet vénézuélien a menacé jeudi d'arrêter le candidat de l'opposition Edmundo Gonzalez Urrutia, qui revendique la victoire à la présidentielle de juillet face à Nicolas Maduro, proclamé vainqueur mais sous pression de la communauté internationale.
M. Gonzalez Urrutia est convoqué à "comparaître le 30 août à 10H00" locales (14H00 GMT), a annoncé le parquet, assurant qu'en "cas de non-comparution", il ferait l'objet "d'un mandat d'arrêt".
L'ancien ambassadeur a ignoré les deux précédentes convocations du ministère public, tout comme celles de la Cour suprême.
Vivant dans la semi-clandestinité, M. Gonzalez Urrutia, qui fête son 75e anniversaire jeudi, n'est plus apparu en public depuis le 30 juillet.
Le parquet explique enquêter sur le site internet de l'opposition qui donne M. Gonzalez Urrutia comme vainqueur. Il évoque les crimes "présumés" d'"usurpation de fonctions, (d')incitation à désobéir aux lois, (de) délits informatiques, (d')association de malfaiteurs et (de) conspiration".
"Numériser et sauvegarder les procès-verbaux des bureaux de vote (comme l'a fait l'opposition, NDLR) n'est pas un crime. En outre, il n'y a aucune objection à la publication de ces procès-verbaux après la première annonce des résultats par le CNE, pour la connaissance et la vérification des citoyens", a réagi jeudi soir la coalition de l'opposition Plateforme unitaire dans un communiqué, soulignant que "la tâche n'a pas été effectuée par Edmundo Gonzalez Urrutia".
Le président Maduro, qui insulte régulièrement M. Gonzalez Urrutia, le rend responsable des violences post-électorales, estimant qu'il devrait "être en prison".
Après l'annonce de la réélection du président socialiste, des manifestations spontanées ont fait 27 morts et 192 blessés, tandis que quelque 2.400 personnes ont été arrêtées, de source officielle.
Jeudi, l'ONG Foro Penal, qui défend les prisonniers politiques, a annoncé que 16 mineurs --quatre jeunes filles et 12 jeunes hommes-- arrêtés dans le sillage de la contestation avait été libérés. Plus de 100 mineurs ont été interpellés lors des troubles post-électoraux, selon l'ONG.
"Il y a plus de 2.500 personnes détenues, dont plus de 150 enfants, des enfants kidnappés par Nicolas Maduro", s'était insurgée mercredi la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado lors d'un rassemblement à Caracas. "Des enfants qui ont été battus et forcés à enregistrer des vidéos faisant l'éloge de Nicolas Maduro".
- "Ehonté" -
Nicolas Maduro a été proclamé vainqueur avec 52% des voix par le Conseil national électoral (CNE), qui n'a cependant pas divulgué les procès-verbaux des bureaux de vote.
Selon l'opposition, Edmundo Gonzalez Urrutia a remporté la présidentielle avec plus de 60% des voix.
La cheffe de l'opposition s'est déclarée inquiète quant à une possible perquisition du domicile de M. Gonzalez Urrutia: "ma prochaine étape pourrait être la descente (à son) domicile". Mme Machado a rappelé que son bureau avait été vandalisé, soulignant "la pression que subissent (les) familles" de l'opposition.
L'Union européenne (UE) a réaffirmé jeudi ne reconnaître aucune "légitimité démocratique" au président Maduro. Les chefs de la diplomatie des 27 ont fait cette annonce, après avoir entendu M. Gonzalez Urrutia par visioconférence.
M. Maduro "continuera à être président, oui, de facto. Mais nous ne reconnaissons pas de légitimité démocratique basée sur des résultats qui ne peuvent pas être vérifiés", a déclaré le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Interrogé sur la signification d'une telle décision, M. Borrell a reconnu que l'UE continuerait à avoir des relations avec le Venezuela, comme elle le fait avec d'autres pays dont elle ne reconnaît pas non plus la légitimité démocratique des dirigeants, par exemple le Nicaragua.
De Washington, le porte-parole du Département d'Etat américain Matthew Miller a affirmé sur X: "La manipulation, la répression et la censure n'ont pas changé les résultats des élections au Venezuela. Un mois plus tard, le résultat est clair: Edmundo Gonzalez Urrutia a obtenu le plus grand nombre de voix. Il est temps que Maduro et ses représentants reconnaissent et respectent la volonté du peuple vénézuélien".
Des déclarations qui ont fait réagir le ministre vénézuélien des Affaires étrangères Yvan Gil.
"L'éhonté Borrell, qui, depuis des années, amène l'Union européenne au bord de l'effondrement (...) prétend aujourd'hui désavouer les institutions démocratiques du Venezuela", a rétorqué M. Gil avant de s'en prendre aux Etats-Unis sur Telegram.
"Le Département d'Etat américain persiste dans sa position méprisable d'ingérence dans des affaires qui ne le regardent pas (...) Nous ne devons d'explications à aucun organisme étranger, encore moins à l'empire hostile qui gère une marionnette fasciste, qui a été rejetée par la majorité du peuple".