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"Plus d'endroit sûr": aux Philippines, les victimes des typhons vivent dans la peur

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Écrit par AFP
Publié le 26 octobre 2021, mis à jour le 28 octobre 2021

Un an après qu'un puissant typhon aux Philippines a enseveli sa maison sous une avalanche de roches volcaniques et de sable, Florivic Baldoza et sa famille vivent toujours dans un centre pour évacués.

Alors que le réchauffement climatique entraîne des conditions météorologiques de plus en plus extrêmes, elle craint qu'il n'y ait plus jamais d'endroit sûr.

Plusieurs centaines de familles issues de villages pauvres situés autour du volcan Mayon, sur l'île de Luzon, la plus peuplée du pays, attendent encore d'être relogés après que le typhon Goni a frappé la région en novembre dernier.

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"C'est le plus fort que j'aie jamais connu", raconte à l'AFP Mme Baldoza, 40 ans, debout sur le monticule de sable sombre qui recouvre désormais la maison qu'elle partageait avec son mari et ses deux filles adolescentes.

Plusieurs centaines de milliers de personnes ont fui lorsque le typhon Goni a déferlé sur l'archipel, classé parmi les pays les plus vulnérables aux effets du changement climatique.

Mais certains habitants du village de San Francisco, dont la famille Baldoza, ont ignoré les avertissements et se sont réfugiés dans une école, persuadés qu'une digue les protégerait des inondations.

Alors que le typhon déversait de fortes pluies sur la zone encore détrempée par un autre cyclone une semaine plus tôt, Mme Baldoza a compris que sa famille était en danger lorsque des cascades d'eau ont commencé à ruisseler par-dessus le mur en ciment de plusieurs mètres de haut.

La famille s'est précipitée vers la maison de sa mère, tandis qu'un mélange dévastateur d'eau, de sable volcanique et de rochers brisait la digue en amont et traversait le village.

"Nous étions piégés à l'intérieur de la maison", raconte Mme Baldoza à l'AFP. "Nous pleurions, mon mari était séparé de nous et nous le pensions mort".

Elle et huit proches, dont des enfants, ont réussi à s'échapper en grimpant par une fenêtre puis sur le toit. Son mari Alexander a survécu en grimpant sur un manguier.

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S'accrochant à une ligne électrique pour ne pas être emportée par les vents violents, la famille a grimpé sur le toit de plusieurs maisons pour atteindre un bâtiment plus élevé.

"Notre maison était frappée par des rochers, mais nous ne pouvions rien faire", se souvient Mme Baldoza, qui a assisté impuissante au torrent emportant la moto de la famille. "Si nous n'avions pas quitté notre maison, nous serions morts".

Capitale des catastrophes 

Il y a environ 23 ans, la mère de Florivic Baldoza avait déjà vendu la maison familiale dans une zone inondable du village pour déménager sur un terrain plus élevé.

"Nous ne nous attendions pas à revivre la même chose", soupire Mme Baldoza. "Il n'y a plus d'endroit sûr. Où que nous allions, nous sommes inondés".

Mme Baldoza se rend sur le site de sa maison presque chaque jour, pour vendre des repas cuisinés et des boissons aux ouvriers qui réparent la digue.

"J'ai envie de pleurer, j'ai élevé mes enfants ici, c'est ici qu'ils ont été baptisés, mon mari et moi nous sommes mariés ici", dit-elle.

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La famille Baldoza vit désormais dans une salle de classe de l'école voisine, transformée en centre d'évacuation d'urgence.

Dans la province d'Albay, surnommée "capitale des catastrophes", les familles passent plusieurs jours dans des abris à chaque saison des pluies.

Environ un quart de la vingtaine de tempêtes et typhons qui frappent l'archipel chaque année touchent cette région pauvre, détruisant cultures, habitations et infrastructures.

Un an après la coulée de boue qui a bouleversé leur vie, une centaine de familles vivent toujours dans cette école, dormant dans des salles de classe et cuisinant dans des cuisines de fortune.

Mme Baldoza essaie de maintenir une vie aussi normale que possible pour sa famille.

Leurs chiens et chats de compagnie se promènent dans la salle de classe, qui est divisée par des rideaux en deux parties, l'une pour dormir, l'autre pour vivre.

Mais Mme Baldoza s'inquiète de l'avenir de ses enfants: "Les tempêtes sont de plus en plus fortes. Comment survivront-ils si nous ne sommes plus là ?"

De nombreuses maisons de San Francisco sont encore partiellement ensevelies sous le sable et les roches volcaniques qui ont submergé le village.

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Les habitants ont creusé des tranchées autour de leurs maisons pour y pénétrer. Certains ramassent encore des débris à la pelle.

Bill Bontigao, militant climatique à Albay, voit le typhon Goni comme un "signal d'alarme" révélateur de l'urgence à préparer la région à des cyclones plus violents.

Le changement climatique réchauffe la planète et augmente "la fréquence et l'intensité des typhons et des pluies", explique Eugene Escobar, chef de la division de recherche du Bureau de la gestion des urgences d'Albay.

Environ 170.000 personnes ont été exposées aux coulées de boue provenant des pentes du Mayon, le volcan le plus actif du pays, estime-t-il.

La "solution la plus économique" consiste à reloger les résidents vulnérables dans des zones plus sûres et à leur fournir un soutien social et économique, ajoute M. Escobar.

Mais Mme Baldoza craint que "nulle part ne soit sûr", y compris dans le nouveau village où sa famille a reçu une maison de 25 mètres carrés.

"Quand nous aurons emménagé, je la ferai bénir pour que nous ayons plus de chance ici", dit-elle, debout devant la porte d'entrée de la minuscule maison aux couleurs vives.

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Publié le 26 octobre 2021, mis à jour le 28 octobre 2021

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