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Pourquoi le 8 mai n'est-il pas fériés en Irlande ?

Alors que l’Europe célébre les 80 ans de la victoire sur le nazisme avec le VE Day (Victory in Europe Day), une grande absente reste en marge des festivités : l’Irlande.

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Écrit par Lepetitjournal Dublin
Publié le 7 mai 2025, mis à jour le 11 mai 2025

Alors que l’Europe célébre les 80 ans de la victoire sur le nazisme avec le VE Day (Victory in Europe Day), une grande absente reste en marge des festivités : l’Irlande. Pas de drapeau tricolore hissé lors des cérémonies officielles, pas de discours commémoratif de dirigeants irlandais et pas de jour férié ! En apparence, cela semble logique : l’Irlande était neutre pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais cette neutralité n’a pas empêché des milliers d’Irlandais de payer le prix fort dans un conflit qui, officiellement, ne les concernait pas.

Une neutralité mise à l’épreuve

L’Irlande a choisi la neutralité en 1939, une position défendue avec force par le gouvernement de l’époque. Mais la guerre s’est tout de même invitée sur son territoire. En janvier 1941, un avion allemand a largué des bombes sur le comté de Carlow, tuant trois femmes. Plus tard la même année, 28 personnes ont péri à Dublin, lors du bombardement du North Strand par la Luftwaffe. En tout, 300 maisons ont été détruites et près de 90 habitants blessés. La guerre n’était pas qu’une rumeur sur les ondes de Radio Éireann : elle s’était matérialisée dans les rues dublinoises.

Des sacrifices passés sous silence

La neutralité officielle n’a pas empêché les Irlandais de s'engager. Environ 66 000 citoyens de la République ont rejoint les rangs des forces du Commonwealth, auxquels s’ajoutent 64 000 venus d’Irlande du Nord. Ils ont combattu en France, en Norvège, en Italie, en Birmanie, au Moyen-Orient et dans les airs au-dessus de l’Europe. Certains ont affronté les redoutables navires allemands comme le Bismarck, d'autres ont protégé les convois contre les sous-marins.

Parmi eux, près de 5 000 soldats ont déserté l’armée irlandaise pour s’enrôler dans les forces alliées. Leur récompense à leur retour ? Un jugement militaire pour cause de désertion, la suppression de leur pension, et une interdiction d’emploi dans la fonction publique. Une injustice qui ne sera corrigée qu’en 2012, avec une amnistie tardive.

Héros discrets de la Résistance

D’autres Irlandais ont mené une guerre de l’ombre. Des prêtres, des diplomates, des anonymes ont œuvré au sein des réseaux de Résistance en Europe occupée. Des figures comme Hugh O’Flaherty ou Delia Kiernan ont risqué leur vie pour sauver celle des autres. Clodagh Finn, dans son ouvrage The Irish in the Resistance, met en lumière des héroïnes comme Janie McCarthy et Catherine Crean, trop longtemps oubliées de la mémoire collective.

Les oubliés de la mer

Pendant ce temps, la flotte marchande irlandaise continuait de ravitailler l’île. Avec à peine 800 marins en activité, 136 perdirent la vie en mer, torpillés ou bombardés. Seize navires irlandais furent coulés, et 14 pêcheurs perdirent la vie sur deux chalutiers. Aujourd’hui, un mémorial sur City Quay, à Dublin, rend hommage à ces hommes trop longtemps ignorés.

Une mémoire à élargir

Si l’Irlande ne participe pas aux célébrations du VE Day, ce n’est pas parce qu’elle n’a pas souffert ou contribué. Comme l’écrit Frank Coughlan dans Irish Independent :

« Les Irlandais morts pendant la Seconde Guerre mondiale, que ce soit dans la discrétion ou en s'engageant activement contre la tyrannie, méritent d'être honorés lors du VE Day – une célébration qui, en réalité, nous concerne bien plus qu'on ne veut l’admettre. »

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