Johnny Gallagher est un guitariste irlandais originaire du Comté Donegal. Avec ses frères Pauric & James, ils ont fondé le groupe "Boxtie". Johnny est un rocker, un bluesman et un excellent show man.
En ce mois de mai 2021, le grand public qui ne le connait pas encore le découvre en duo avec Gérard Lanvin dans l'une des chansons que l'acteur a enregistrées pour son disque "Ici-bas". Ami avec son fils, le bluesman Manu Lanvin, Johnny envoie avec succès dans cette chanson, toute son énergie. Mais son amour de la France date de bien plus longtemps. Dans l'album que Johnny a publié en 2020 avec la maison de disque française Dixiefrog " A 2020 Vision", trois chansons portent le nom de villes françaises. Il fallait qu'on en parle...
LepetitJournal.com : Tu as une belle relation avec la France...
Johnny Gallagher : Oui, je travaille en France depuis longtemps et de plus en plus ces dix dernières années. J'ai toujours aimé la France. Depuis 10 ans on s'est vraiment concentré sur le marché musical français. Pendant ces 10 dernières années on a vraiment eu des années extraordinaires, des moments extraordinaires. On est devenu ami avec des très grands, avec des gens extraordinaires dans la communauté française. Avec le rock n' roll français, la communauté du blues en France et le public. J'aime aussi le vin, la nourriture et les voitures qui viennent de France. Pour moi la France est comme un aimant. Il y a quelque chose qui fait que j'ai envie de revenir. Je ne sais pas ce que c'est. Je ne sais pas pour quelle raison mais c'est très fort. Comme un sentiment instinctif.
Quand es-tu allé en France pour la première fois ?
En 1990. C'est là où j'ai travaillé pour la première fois en France. On était un jeune groupe. On a travaillé à Lille dans le Nord. On a pas mal travaillé dans les environs de Lille, Dunkerque, Calais, Boulogne... On est devenu ami avec un couple qui nous a proposé de trouver des dates de concerts. Donc c'était super. C'était des petits pubs, des festivals et c'était génial. Ça m'a donné le goût de revenir. Ensuite, en 2010 on a été contacté par l'agent qui a amené Pink Floyd à Paris, les Rolling Stones, Ringo Star et a toujours eu un grand intérêt pour moi. Depuis on travaille ensemble.
Dans ton album "A 2020 Vision" il y a une chanson qui s'appelle "Patrimonio". Tu as joué trois fois à Patrimonio, dans ce fantastique festival Corse. Trois fois de suite: 2012, 2013 et 2014.
On a été approché par le festival l'année d'avant, en 2011. On n'avait pas pu le faire. Mais on était content d'y aller l'année d'après. On a joué le même soir qu' Alan Parsons. Le public a été incroyable avec beaucoup d'enthousiasme. Le public a bien répondu. Les organisateurs du festival ont même dit que c'était une des grandes soirées qu'ils avaient eues. Ensuite on a fait le festival trois fois de suite, ce qui n'est jamais vraiment arrivé. L'ambiance est spéciale à Patrimonio. Il y a quelque chose de magique. Beaucoup de d'émotions. Vraiment, lors de ce concert en 2012 il s'est passé quelque chose. Qui quelque part m'a changé à jamais. Je suis resté en Corse quelques jours après. J'ai rencontré des Corses, des insulaires, des gens extraordinaires. Et puis je suis tombé amoureux de Saint-Florent. Pour marquer la passion pour cet endroit j'ai fait une chanson. J'ai d'ailleurs écrit la chanson "Patrimonio" à Saint-Florent. J'y ai écrit l'idée de la chanson (en 2013 Ndr). Je pense que j'ai aussi écrit un peu de la musique à Saint-Florent. La chanson est venue très facilement parce que j'avais des choses très belles à dire. C'était une chanson très facile à écrire. La chanson qui figure sur l’album est d’ailleurs la version démo de la chanson. La première prise était la bonne.
Une seconde chanson porte le nom d'une ville du sud de la France: "I've got nothing Toulouse". D'où est venue l'idée de la chanson?
Cette histoire vient d'une histoire vraie. On venait de faire un concert à Cahors. J'ai ramené le groupe à l'aéroport de Toulouse. J'étais donc tout seul dans mon minibus. Il était 21 heures. Je conduisais et me suis garé sur un petit parking à côté de la Garonne. Puis je me suis un peu baladé et je regardais le fleuve. Un gars est arrivé vers moi, un peu âgé. Il m'a parlé en français, je ne le comprenais pas. Il m'a dit: "vous êtes anglais". J'ai répondu "Non je suis Irlandais". Il m’a demandé si je pouvais lui donner un petit peu d’argent. J'ai répondu que je n'avais pas d'argent. Mais ce qui m’a frappé c’est qu’il n’avait pas de chaussures. Il a tendu ses mains, il a regardé vers le fleuve et a dit: "Je n'ai rien" (“I have nothing”). J'ai regardé ses pieds, il n'avait vraiment pas de chaussures. J'ai regardé mes pieds et j'ai re-regardé ses pieds. Il semblait qu'on faisait la même taille. Donc j'ai pris mes deux chaussures et lui ai dit: "Tu veux une paire de chaussures?". Il a pris les chaussures et il est parti. Je suis rentré dans mon camper van en chaussettes. J'ai pris le volant et ai conduit jusqu'à Genève (rires). J'avais d'autres chaussures dans le van mais la façon dont il a dit ça...j'y ai repensé en revenant à mon camper van. J'ai pensé “I have nothing to lose, I have nothing Toulouse, no pockets, no shoes”. J'ai commencé à rire. J'ai pris mon téléphone et j'ai dit "I have nothing to lose, nothing Toulouse". Et donc la chanson c'est sur ce vieux monsieur qui n'a rien à perdre.
Et la chanson “Saint Julien” ?
C’est pour Saint Julien-en-Genevois. Parce qu'il y a un grand festival de guitares là-bas et comme Patrimonio on y a joué cinq ou six fois parce que les gens aiment notre spectacle. Ils aiment le show et le rock n' roll. Et chaque fois qu'on y joue ça se passe bien pour nous. Donc cette chanson c'est comme un "merci". Merci à ce festival.
''J'ai acheté ma première Citroën il y a 20 ans. Une CX qui appartenait à Larry Mullen de U2''
Le dimanche soir en ce moment, en temps de confinement, tu fais un show sur Facebook, tu portes un béret, est-ce un béret français ?
Oui c’est un béret basque de la marque Laulhère. C’est un cadeau de mon Manager Maurice Suissa. Ma mère m'a offert mon premier béret pour mon 21ème anniversaire. Elle l’avait acheté dans un magasin en Irlande. Mais j’étais très déçu car ton 21ème anniversaire en Irlande c’est un grand événement. Les gens t’offrent un beau cadeau. Et ma mère m’a offert un béret. Donc j'étais un peu déçu, c’était juste un chapeau. J’espérais peut-être une voiture ou une moto ou une nouvelle guitare (rires). Non, elle m’a offert un béret. Dans ma chambre j’avais une tête de mannequin quand j'étais jeune ado. Après cet anniversaire, je n'ai pas porté ce chapeau. Pendant 5 ou 6 ans je ne l'ai pas porté. Le jour suivant mon anniversaire j'ai mis le béret sur cette tête à chapeau. Quelques années après je vivais en Allemagne et je suis rentré en Irlande. J'ai dit à ma mère: "Quand j'ai eu 21 ans tu m'as offert un béret". Elle a dit ”le béret ?”. J’ai dit “oui, le béret”. Elle a dit "je t'ai acheté ce béret parce que j'ai su qu’un jour ce béret pourrait devenir un point important de ta personnalité". "Et c'est peut-être le béret qui pourra te donner cette personnalité. Et je savais qu'un jour tu me poserais cette question. Elle a ajouté: "Quand un homme porte un béret les gens regardent cet homme parce qu'il porte un béret. Si tu rentres dans un café sans chapeau sur la tête, personne ne te regarde. Mais si tu rentres dans un café avec un béret tout le monde va te regarder. Parce qu'il y a quelque chose qui a trait au béret. Les gens le voient. Donc je t'ai offert ce chapeau pour que les gens te remarquent. Et ça fera partie de ton identité". Et depuis ça fait vingt-cinq ans que je porte un béret.
Donc ta maman ne t'a pas offert une voiture pour tes 21 ans mais je sais que tu aimes les voitures françaises et particulièrement les Citroën.
J’adore les Citroën. Tous les mardis soir sur RTE 2 il y avait un film français. On voyait des films fantastiques sous-titrés. Dans ces films il y avait des DS, des 2 CV, des Mehari. Je trouvais ces voitures fantastiques. Les DS notamment et je me disais: “J’aimerais en avoir une un jour.” J'ai acheté ma première Citroën il y a 20 ans. Une CX qui appartenait à Larry Mullen de U2. C’était ma première CX. J’ai toujours eu des Citroën. En ce moment, j’en ai 4. J’ai une DS 5, une DS de 1971 et une de 1974 et ma “Larry Mullen CX” de 1980. Malheureusement, celle-ci a été vandalisée un jour dans un entrepôt. Mais je l’ai toujours donc peut-être dans les prochaines années je pourrai la faire restaurer. Mais oui j’adore les Citroën. La DS est ma voiture préférée de tous les temps.
''La chanson est politique et vous les français vous adorez parler politique''
Et puis mai 2021, le grand public en France te découvre avec ce morceau engagé de Gérard Lanvin. Où tu joues de la guitare et tu chantes, Une chanson portée par un super clip, avec ton ami Manu à la guitare. Comment cette rencontre s'est-elle faite ?
Cela a débuté à l'Olympia à Paris (le 7 avril 2013 NDR). Manu, le fils de Gérard, jouait aussi ce soir-là. La tête d’affiche était Johnny Winter. Il y avait aussi Tommy Emmanuel, Robben Ford entre autres, qui jouaient sur scène ce soir-là. C’était donc incroyable de jouer à l’Olympia. Une salle incroyable. Depuis avec Manu on est devenu amis. Et ces dix dernières années nous avons fait pas mal de shows ensemble. Et on en a eu des expériences sur la route! J'ai rencontré son père à Megève au festival de blues il y a 4 ans. Manu est venu me voir en me disant "Viens je vais te présenter mon père". Je ne savais pas que c'était un acteur célèbre. Et puis un jour Manu m'a dit "mon père va faire un album". Ça c'était il y a 3 - 4 ans. J'ai dit :"C'est incroyable. S'il y a quelque chose que je peux faire dis-le-moi". Et il a dit "laisse-moi y réfléchir". Il y a à peu près 1 an, cela s’est concrétisé. Aussi simplement que ça. Donc j'ai enregistré mes parties dans mon studio ici à Bundoran. Je lui ai envoyé et voilà. En Septembre quand le Covid nous a laissé un peu de répit, je suis allé en France et on a fait le clip vidéo. La chanson devait sortir avant Noël mais avec le Covid ça ne s’est pas passé ainsi.
La chanson est bien ! Et tu y amènes ton énergie.
Oui et je chante un peu en français et ça a bien fait rire Manu qui m’a dit "tu sonnes un peu français, un peu irlandais!".
C'était un challenge. De rentrer dans la chanson et de rester moi-même. C’est une super expérience et s'il est content alors je le suis aussi.
La chanson est politique et vous les français vous adorez parler politique. La chanson est quand même engagée. Je dirais que 80% des gens qui me suivent et m’apprécient en France ont eu un avis positif voire très positif et les 20% autres m’ont dit “Mais Johnny qu’est-ce que tu fais en chantant ce morceau ?” (Rires). Je leur ai répondu “Hey les gars, c’est du rock'n'roll.”
Tu as beaucoup tourné en France, as-tu un événement qui t’a marqué lors de tes nombreuses tournées en France ?
J’en ai plein. Mais ce concert à l’Olympia reste unique. Mon père écoutait beaucoup de musiques et je connaissais déjà l’Olympia, de réputation. On connaît le Madison Square Garden, on connaît le Royal Robert Hall, on connaît l'Opéra de Sydney. Donc pour moi être sur la scène de l'Olympia, avoir une ovation, trois rappels... ça a été un sentiment incroyable et un moment magique. C'était comme passer à une étape supérieure. Et...être sur la même affiche que Johnny Winter...
As-tu une histoire folle qui te soit arrivée en France à nous raconter ?
Oui, j’ai été arrêté, j’ai parfois eu des petits ennuis. Mais une fois à Gerardmer c’était un grand rassemblement de bikers. Un gros festival. Avec Boxtie on avait fait un super show. Ensuite on était invité en ville et notre hôtel était à 100 mètres de la discothèque qui s'appelle le "Black Pearl". Devant le Black Pearl il y a un rond-point avec une fontaine au milieu. Je crois que j'avais bu trop de Champagne. J'ai sauté dans la fontaine, j'ai commencé à nager dans la fontaine. Dans ma poche j'avais des croissants que j'avais achetés dans une boulangerie. Là il est 6 heures du matin. Donc je venais de quitter le bar, j'avais acheté quelques croissants et je rentrais à l'hôtel. Je me suis dit "je vais peut-être prendre un petit bain avant dans cette fontaine". Et là la police arrive. Donc ils m'appellent. Je lève la tête et le policier dit “ah ça va c’est Johnny Gallagher.” Et il ajoute en partant "c'était un bon concert!! bye bye”. Donc je suis sorti de la fontaine, j'ai marché jusqu'à l'hôtel, ai dit bonjour. Et j'ai pris mon petit-déjeuner. Les gens riches qui étaient à l'hôtel ce matin-là me regardaient. Moi, tout mouillé avec ce sac de croissants dans la main. Et des gens sont venus me demander pour que l'on fasse des photos, des autographes. A 6h du matin ! C'était encore très rock'n'roll. Mais des histoires, oui, il y en a beaucoup. Je pourrais en écrire un livre entier.
Tu as donc très envie que tout reparte je le sens bien...
Oui et surtout là, aller en France pour faire des concerts et revoir mes amis. Cela me manque énormément. Notamment re-travailler avec Matthieu Chedid et faire un peu de promotion avec Manu et Gérard j’espère. Mais revenir en France oui j’ai hâte! On ne sait pas quand mais je suis prêt !
Interview réalisée et retranscrite par Julien Chosalland
Découvrez le dernier Album de Johnny Gallagher & The Boxty Band '2020 Vision': https://www.johnnygallagher.com/the-new-album-2020-vision