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ENTRETIEN – Elie Maucourant, un romancier français à Cork

ENTRETIEN – Elie Maucourant, un romancier français à CorkENTRETIEN – Elie Maucourant, un romancier français à Cork
Écrit par Valérie David-McGonnell
Publié le 10 avril 2020

 

 Nous avons rencontré Elie Maucourant, jeune auteur français d'origine libanaise qui a publié son premier roman, Marcheurs, en 2015 aux éditions Québec-Livres et qui vit cette année à Cork.

Le Petit Journal.com : Quel a été votre parcours ?

Elie Maucourant : Je suis diplômé de Lettres et j'ai fait une année Erasmus en 2011-2012 à University College Dublin. Je n'ai pas voulu entrer dans l'enseignement tout de suite et j'ai fait l'école de police pendant quelques mois, mais j'en suis parti quand je me suis rendu compte que je n'allais pas avoir le temps d'écrire. Je me suis ensuite tourné vers l'enseignement et je suis devenu professeur de français en France. Ensuite, j'ai eu l'opportunité de partir en Écosse avec le CIEP (Centre international d'études pédagogiques), puis j'ai décidé de renouveler l'expérience ici, en Irlande, où je suis assistant cette année. J'écris en parallèle la suite de Marcheurs qui est presque terminée.

À quel âge avez-vous commencé à écrire ?

J'ai commencé à écrire des poèmes à l'école primaire. En Terminale, en cours de philosophie, je faisais passer mes nouvelles. C'était comme un feuilleton, mes camarades de classe voulaient avoir la suite.

Pourriez-vous nous présenter votre premier roman ?

C'est un roman noir, avec des touches de fantastique, qui se passe dans un futur vraiment très proche, entre cinq et vingt ans dans l'avenir. Le roman recourt à la focalisation interne, il est rédigé à la première personne. Le personnage principal fait partie d'une milice qui s'appelle les « marcheurs », des gens armés qui tuent à tout va sans que l'on sache pourquoi. L'incipit présente l'assassinat d'un étudiant à l'université Lyon 2 et au fur et à mesure que l'on avance dans l'intrigue, on commence à comprendre ce qui se passe et on glisse légèrement vers le fantastique.

Pourquoi l'avoir publié auprès d'une maison d'édition canadienne ?

J'ai fait beaucoup de maisons d'éditions françaises, mais c'est difficile pour un auteur inconnu. Alors, j'ai envoyé mon manuscrit au Canada et les éditions Québec-Livres, qui ouvraient justement une collection fantastique, m'ont répondu au bout de deux semaines. Je conseille aux jeunes auteurs de ne pas seulement se focaliser sur le marché français mais de réfléchir de manière plus globale et d'envoyer leurs manuscrits aux maisons d'éditions francophones (québécoises, libanaises, etc.).

Quels auteurs francophones vous inspirent ?

J'ai un grand maitre, qui est décédé il y a peu de temps, Maurice G. Dantec. Il était très polémique, mais ce n'est pas la question politique qui m'intéresse, c'est son travail d'écrivain d'un point de vue syntaxique qui m'a marqué, surtout ses trois premiers romans, La sirène rouge, Les racines du mal et Babylon Babies qui ont eu un impact monumental sur mon écriture. Je n'ai jamais eu le plaisir de le rencontrer, malheureusement, mais c'est vraiment celui qui m'a appris à écrire. J'admire aussi Jean-Philippe Jaworski, que j'ai étudié en Master 2 dans une dynamique de promotion de la fantasy française face aux dragons anglo-saxons.

?'Ecrire avec honnêteté''

Comment voyez-vous le processus d'écriture ?

Je dirais qu'il faut écrire avec honnêteté, pour paraphraser Hemingway. L'honnêteté, pour moi, c'est écrire avec les tripes et avec discipline. Il faut être conscient de ses capacités, faire quelque chose à sa portée pour commencer, pour se confronter à la réalité de l'écriture. J'ai rencontré au Salon du livre l'auteur Éric Marchal qui a dit de façon très juste que l'écriture, ce n'est pas rêver à des sommets inaccessibles, c'est avancer et regarder systématiquement en arrière et puis réaliser à quel point on avance, au lieu de regarder ce qu'on n'aura pas. Et puis, il est important de s'inspirer de ses expériences sans faire une autobiographie déguisée, ne pas s'enfermer dans sa chambre comme un romantique, il faut bosser tout simplement. C'est important parce que je pense qu'il y a beaucoup de gens qui ont peut-être des capacités, qui lancent un jet brut sur le papier mais qui ne se mettent pas le coup de fouet nécessaire pour retravailler le lendemain. L'écriture, c'est un travail d'artisan, ce n'est pas avoir l'inspiration divine. Je ne crois pas à l'éclair de génie des symbolistes et des romantiques, c'était des travailleurs acharnés. L'écriture, c'est comme la musique, cela se travaille. C'est vraiment stimulant. Il faut travailler avec énergie et discipline, savoir se relire, accepter les critiques, se retoucher et savoir faire des compromis.

Vos origines libanaises ont-elles influencé vos écrits ?

Ma mère est d'origine libanaise maronite (catholique). Dans les familles libanaises, on ne parle jamais de la guerre, donc j'ai très peu d'informations sur ce qu'ont vécu ma mère, mon oncle et ma grand-mère. Quand on n'a pas accès à une mémoire familiale car cachée parce que trop difficile à supporter, d'une manière ou d'une autre, c'est plus ou moins un fardeau et cela ressort sur les générations d'après, ma s?ur et moi en l'occurrence. Il a fallu que je parle de la question libanaise parce que c'est aussi une part de mon identité et je l'ai donc évoquée dans mon premier roman à travers le personnage de Charbel qui est un prêtre maronite et le contact du protagoniste. Il a vécu la guerre du Liban et le massacre de Sabra et Chatila [en 1982], mais je ne le développe pas, cela reste une zone d'ombre. Le tome II verra également un personnage très oriental poser un regard très noir et très amer sur le Moyen-Orient et l'Orient en général.

Quel impact a eu votre expérience en Irlande sur votre travail d'écrivain ?

L'Irlande a une place centrale dans Marcheurs qui comporte des aspects mythologiques celtiques et dont la chronologie est divisée en deux parties : d'une part, une chronologie qui avance linéairement, celle de l'intrigue à Lyon, et d'autre part, les souvenirs du protagoniste qui remontent le temps et se déroulent en Irlande.

Propos recueillis par Valérie David-McGonnell (www.lepetitjournal.com/dublin), lundi 20 février 2017.

Cork
Publié le 28 février 2017, mis à jour le 10 avril 2020

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